Analyses

[Édito] Macron : la victoire sans allégresse

Mis à jour le 26 avril 2022
Publié le 25/04/2022 à 1:22 , , ,
Il est déjà entré dans l’histoire. Non pas encore pour la force de son leadership ou pour des réformes qui auraient transformé la France en profondeur. Pour cela, il faudra attendre la fin de son second et dernier mandat.

Mais il a réussi une performance jusque-là unique sous la Ve République : Emmanuel Macron est le seul président en exercice à avoir pu se faire réélire par les Français. Giscard et Sarkozy ont été battus à l’issue de leur premier mandat. Hollande a renoncé à se représenter pour éviter de perdre. Pompidou est décédé quatre ans après avoir été une première fois élu. Même le général De Gaulle a démissionné en 1969 avant de pouvoir se présenter à nouveau au suffrage des Français. Seuls Mitterrand et Chirac ont été réélus, l’un en 1988, l’autre en 2002, mais dans des circonstances particulières : celles de leur cohabitation avec des gouvernements qui leur étaient politiquement hostiles. Ce ne sont pas eux qui concrètement dirigeaient le pays quand ils se sont représentés.

C’est donc bien une performance d’Emmanuel Macron, que l’histoire retiendra, d’avoir pu se faire élire après cinq ans de gouvernement de la France, qui plus est, avec toutes les tempêtes (gilets jaunes, Covid) qu’il a dû affronter.

Quels enseignements peut-on tirer de ce scrutin présidentiel 2022 ?

Emmanuel Macron a été confortablement élu avec plus de 58 % des voix et plus de 5 millions de voix d’avance sur Marine Le Pen.

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Pour autant, son second mandat ne devra pas ressembler au premier, tant sur le plan du contenu de sa politique que de sa manière de gouverner. Des messages politiques forts émanent en effet du peuple français à l’issue de ce second tour de l’élection présidentielle. Plus de la moitié des Français ont voté pour des mouvements qui se revendiquent comme « anti-système ». Cette donnée pèsera sur le second mandat d’Emmanuel Macron. Il devra en tenir compte et il le sait. « Ce scrutin m’oblige », a-t-il déclaré lors de son discours de victoire. 

Tout d’abord, comme analysé dans un précédent éditorial, l’extrême droite, avec près de 42 % des voix, confirme sa place éminente dans la vie politique française. Elle n’a jamais été aussi forte en France. Marine Le Pen a d’ailleurs considérablement amélioré son score de 2017. Le Président doit comprendre les raisons qui ont poussé des millions de Français à manifester leur peur de l’avenir (peur du déclassement, craintes identitaires, effroi de la mondialisation) en votant pour la candidate d’extrême droite. Il devra trouver les moyens d’y apporter des réponses dans ses politiques publiques. Sinon, ce courant extrême prendra en main, tôt ou tard, les destinées du pays.

Ensuite, Emmanuel Macron l’a lui-même reconnu, il doit son élection à cette partie de l’électorat qui s’est portée sur lui pour empêcher Marine Le Pen d’accéder au pouvoir. Il s’agit notamment d’un nombre non-négligeable d’électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Cet électorat qui a voté pour lui par défaut, le Président s’est engagé à en tenir compte. Cela veut dire la mise en œuvre d’une politique sociale beaucoup plus poussée que lors de son premier mandat. La nomination de son prochain Premier ministre devrait donner un signal en ce sens.

Enfin, si l’on parle des électeurs Macronistes, ceux qui ont adhéré au projet ou à l’homme, il est évident que le sentiment qui dominait dimanche soir était plus le soulagement que l’espoir. Soulagement de voir une catastrophe électorale, à savoir l’élection de Marine Le Pen, encore évitée. Mais pour combien de temps ?

Une victoire dans des conditions politiques si complexes, dans un environnement international si difficile (la guerre en Ukraine, la pandémie de coronavirus), ne peut, comme il y a cinq ans, susciter espoir et allégresse.

Il n’y aura pas d’État de grâce pour Emmanuel Macron. Les regards sont déjà tournés vers les élections législatives qui se tiendront au mois de juin prochain. Les grandes manœuvres ont commencé dès dimanche soir. Le paysage politique français est en pleine restructuration, au détriment des anciens partis de gouvernement (les Républicains et le Parti socialiste) autour de trois pôles : un pôle central autour de Macron, un pôle de droite dure autour de Le Pen/Zemmour, un pôle de gauche revendicatrice autour de Mélenchon. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se disputent déjà le leadership de l’opposition. Ils revendiquent chacun, auprès de l’électorat français, la possibilité d’être « élu » Premier ministre, c’est-à-dire d’obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale aux prochaines législatives.

Emmanuel Macron, quant à lui, a promis de changer sa manière de gouverner. Nous verrons bien. Il est le maître des horloges, le maître des signaux politiques qu’il voudra bien envoyer au peuple français. Entrera-t-il également dans l’histoire pour avoir été un grand président ? Rendez-vous dans cinq ans !

 

 

Philippe Di Nacera

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