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[Édito/Philippe Di Nacera] Corruption : une drôle d’inscription à l’école maternelle publique

Mis à jour le 27 septembre 2021
Publié le 17/09/2021 à 11:00 , ,

Mercredi 15 septembre 2021. La rentrée scolaire a eu lieu 48 heures plus tôt. Une petite nièce de la famille, N., 4 ans, fraîchement arrivée de Man à Abidjan, n’est pas scolarisée. Nous nous rendons à l’école maternelle publique de notre quartier, il est 8 heures 30.

– Moi : Bonjour, madame, nous souhaitons inscrire cette petite N. à l’école.

– La maîtresse : Ah, mais c’est qu’il n’y a plus de place en Grande section.

– Moi : Mais nous ne volons pas l’inscrire en Grande section. Elle n’a que 4 ans, elle n’a jamais été scolarisée. Elle devrait entrer en quelle classe?

– La maîtresse : En moyenne section.

– Moi : Donc on l’inscrit en moyenne section. Quels sont les frais s’il vous plaît?

– La maîtresse : Il n’y a plus de place en moyenne section non plus.

– Moi : Ah.

– La maîtresse : Les frais de scolarité s’élèvent à 60 000 francs. Mais comme il n’y avait pas de réservation, il faut ajouter 20 000 francs dessus.

– Moi : Mais la petite arrive de Man… On ne pouvait pas réserver.

– La maîtresse : C’est comme ça monsieur.

– Moi : Passons sur les 60 000 francs de frais de scolarité, ça me semble assez élevé pour une école du préscolaire publique … Je voudrais bien comprendre les 20 000 francs supplémentaires. Donc vous m’expliquez qu’avec 20 000 francs, vous pouvez pousser les murs de la classe et trouver une place?

– La maîtresse baisse les yeux et lâche un petit rire.

– Moi : C’est écrit dans quel document, dans quel règlement ? Je peux le voir?

– La maîtresse : Ce n’est pas écrit. Il n’y a pas de document. Moi je fais cela pour vous rendre service, monsieur, parce qu’il n’y a pas de place. Je n’aurais pas dû vous rendre service.

– Moi : Voilà, maintenant, on se comprend, et je sais où vont les 20 000 francs. C’était juste pour vous faire comprendre que dans la vie il vaut mieux être clair, et arrêter de faire croire aux gens que « c’est comme ça ».

– La maîtresse : Monsieur, on a fini, vous pouvez partir.

– Moi : pardon ?

– La maîtresse : c’est terminé. Sortez !

Epilogue. 10 heures 30, le même jour, je reçois un appel de la maman de la petite N.

– Elle : Tonton, l’école vient de m’appeler. La dame m’a dit qu’il y a eu une réunion, hier, et qu’elle n’était pas au courant. Elle dit que l’école est gratuite, qu’il n’a rien à payer et de venir chercher les 50 000 F déjà déposés ainsi que la liste des fournitures.

– Moi : … ! D’accord, fais ce qu’elle te demande.

Philippe Di Nacera

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