Mercredi 15 septembre 2021. La rentrée scolaire a eu lieu 48 heures plus tôt. Une petite nièce de la famille, N., 4 ans, fraîchement arrivée de Man à Abidjan, n’est pas scolarisée. Nous nous rendons à l’école maternelle publique de notre quartier, il est 8 heures 30.
– Moi : Bonjour, madame, nous souhaitons inscrire cette petite N. à l’école.
– La maîtresse : Ah, mais c’est qu’il n’y a plus de place en Grande section.
– Moi : Mais nous ne volons pas l’inscrire en Grande section. Elle n’a que 4 ans, elle n’a jamais été scolarisée. Elle devrait entrer en quelle classe?
– La maîtresse : En moyenne section.
– Moi : Donc on l’inscrit en moyenne section. Quels sont les frais s’il vous plaît?
– La maîtresse : Il n’y a plus de place en moyenne section non plus.
– Moi : Ah.
– La maîtresse : Les frais de scolarité s’élèvent à 60 000 francs. Mais comme il n’y avait pas de réservation, il faut ajouter 20 000 francs dessus.
– Moi : Mais la petite arrive de Man… On ne pouvait pas réserver.
– La maîtresse : C’est comme ça monsieur.
– Moi : Passons sur les 60 000 francs de frais de scolarité, ça me semble assez élevé pour une école du préscolaire publique … Je voudrais bien comprendre les 20 000 francs supplémentaires. Donc vous m’expliquez qu’avec 20 000 francs, vous pouvez pousser les murs de la classe et trouver une place?
– La maîtresse baisse les yeux et lâche un petit rire.
– Moi : C’est écrit dans quel document, dans quel règlement ? Je peux le voir?
– La maîtresse : Ce n’est pas écrit. Il n’y a pas de document. Moi je fais cela pour vous rendre service, monsieur, parce qu’il n’y a pas de place. Je n’aurais pas dû vous rendre service.
– Moi : Voilà, maintenant, on se comprend, et je sais où vont les 20 000 francs. C’était juste pour vous faire comprendre que dans la vie il vaut mieux être clair, et arrêter de faire croire aux gens que « c’est comme ça ».
– La maîtresse : Monsieur, on a fini, vous pouvez partir.
– Moi : pardon ?
– La maîtresse : c’est terminé. Sortez !
Epilogue. 10 heures 30, le même jour, je reçois un appel de la maman de la petite N.
– Elle : Tonton, l’école vient de m’appeler. La dame m’a dit qu’il y a eu une réunion, hier, et qu’elle n’était pas au courant. Elle dit que l’école est gratuite, qu’il n’a rien à payer et de venir chercher les 50 000 F déjà déposés ainsi que la liste des fournitures.
– Moi : … ! D’accord, fais ce qu’elle te demande.
Philippe Di Nacera