Société

Industrie du tabac, des ONG indignées de l’augmentation des bénéfices 

Mis à jour le 21 juin 2023
Publié le 21/06/2023 à 11:51 , , , ,

Une augmentation de 19.30 % des bénéfices par rapport à l’année 2021. La Société ivoirienne des tabacs (SITAB), filiale de la firme britannique Impérial Brands, se frotte les mains. De quoi provoquer la réaction des ONG de lutte contre la substance.

9 111 morts chaque année selon les ONG. C’est le chiffre inquiétant des conséquences de la consommation du tabac et de ses dérivés. Pourtant, les Ivoiriens semblent fumer davantage. En 2022, plus de cigarettes ont été vendues par rapport aux années précédentes.

Le bénéfice net après impôts de la Société ivoirienne des tabacs (SITAB), connaît une augmentation de 19.30 %. Un résultat qui vient jeter le voile sur toutes les activités menées par les organisations non-gouvernementales et la société civile, afin de réduire le nombre de fumeurs en Côte d’Ivoire.

Pour Kamagaté Mamadou, le président de l’ONG « Flambeau » spécialisée dans la lutte contre les fléaux, les pandémies et pour une justice sociale, il faut une implication sérieuse des autorités dans la lutte contre le tabagisme.

« Je suis vraiment triste quand je vois ces chiffres. Cela veut dire que toutes les actions, toutes les campagnes et tous les efforts fournis afin de lutter contre le tabagisme, ne servent à rien. Il paraît même que l’industrie du tabac en Côte d’Ivoire est gérée par une personnalité du pays dont je préfère taire le nom. Alors comment pouvons-nous réduire le nombre de décès liés à la consommation du tabac, si des hauts responsables sont eux-mêmes impliqués ? Il faut donc que le politique se mêle si on veut obtenir des résultats », a-t-il réagi à 7info.

L’homme est inquiet pour les générations futures. Selon lui, les choses sont mal embarquées.

« Regardez aujourd’hui, la cigarette a pris nos quartiers. Tous les jeunes commencent à fumer. Et je vous assure que d’ici à 2030, nous n’aurons plus de jeunesse valide mais plutôt des addicts aux substances illicites. La cigarette est une drogue et il faut la combattre à tous les niveaux. Elle est dangereuse et mortelle », a ajouté Kamagaté Mamadou.

Le tabac, un tueur silencieux dans les rues

La Côte d’Ivoire, à travers le Programme national de lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme, la toxicomanie et les autres addictions (PNLTA), est engagée dans la lutte contre le tabac. La tribune de la communication gouvernementale « Tout savoir sur » du mardi 6 juin 2023, a même été consacrée à la lutte contre la substance.

Hormis les maladies connues comme les cancers du poumon, de la bouche et de la gorge, le tabac provoque aussi d’autres formes d’infections selon Dr Ernest Zotoua, le Coordinateur du PNLTA.

« Il peut y avoir d’autres anomalies et atteintes comme les troubles de la fertilité chez la femme et les troubles érectiles chez l’homme, voire l’impuissance sexuelle. Le tabagisme affecte tout le corps de l’homme », a-t-il fait savoir.

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La journée mondiale de lutte contre le tabac célébrée le 30 mai dernier a permis aux acteurs impliqués dans la lutte, d’affûter davantage leurs armes.

Lors d’une rencontre du réseau des ONG actives pour le contrôle du tabac (ROCTA-CI) à l’OMS, un point sur les démarches entreprises pour obliger les industries du tabac à se conformer aux nouvelles dispositions, a été fait. Et la situation demeure préoccupante.

Des taxes encore faibles pour sauver des vies

« La Côte d’Ivoire occupe la première place des pays producteurs de feuilles de tabac en Afrique de l’ouest avec 8071 tonnes par an selon le rapport de l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ces indicateurs sont de mauvais signaux qui montrent clairement que la lutte piétine malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation du ministère de la Santé. S’il y a une hausse des chiffres de vente, cela révèle que la demande est toujours aussi forte. Un fait qui pousse l’Industrie du tabac à entretenir illégalement des plantations de feuilles de tabac pour satisfaire cette demande plus croissance », fait savoir Dimitri Agousti, le président du Réseau des communicateurs engagés dans la lutte anti-tabac (Recltasu).

La Société ivoirienne de Tabac (SITAB) a vendu 3,2 millions de tiges de cigarettes au premier semestre 2022, contre 2,9 millions à la même période en 2021 soit une hausse de 8, 54%. Selon Pierre Magne, un ancien directeur général de l’entreprise, l’État prélève 60 milliards FCFA sur les taxes de l’industrie du tabac.

Un chiffre encore faible quand on sait que le gouvernement ivoirien dépense environ 100 milliards FCFA pour la lutte et le traitement des maladies liées à la consommation du tabac. Voilà ce qui pousse des leaders de la société civile à réclamer l’interdiction pure et simple de la vente de la cigarette en Côte d’Ivoire.

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« Ces bons chiffres de l’industrie du tabac montrent clairement qu’elle continue d’enrôler de nouveaux fumeurs et d’adapter les plus jeunes par la manipulation et la publicité de façon subtile en violation flagrante de la loi anti-tabac en vigueur depuis 2019. Deuxième chose, l’industrie du tabac piétine la convention cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac ratifiée par la Côte d’Ivoire interdisant la culture des feuilles de tabac. En somme, l’industrie du tabac ruse avec le gouvernement. Cela se comprend, car la Côte d’Ivoire peine à appliquer une taxation forte sur les produits du tabac contrairement à plusieurs pays », a ajouté Dimitri Agousti.

Le PNLTA a décidé d’intensifier sa lutte contre le tabac en effectuant des visites inopinées dans les commerces qui ne respectent pas les dispositions prescrites par la loi anti-tabac. Mais à défaut d’une brigade spéciale de lutte contre la substance, les contrevenants réussiront toujours à passer entre les mailles épaisses du filet.

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