Côte d’Ivoire

​ Reportage/ Grand Lahou,  Érosion côtière, manque de matériel ,  au cœur de l’angoisse des pêcheurs  artisanaux  

Mis à jour le 31 décembre 2018
Publié le 31/12/2018 à 9:21 , ,
Les pêcheurs remaillant  un  filet sur l'embouchure de Grand-Lahou (ph :Nesmon De Laure)

Les pêcheurs artisanaux de Grand Lahou, au Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, craignent pour la survie de leur activité à cause de l’érosion côtière.  Ils veulent aussi accéder à un matériel de pêche de qualité.  Des solutions sont possibles mais il leur faut des moyens. Reportage !

La prison coloniale de Grand-Lahou  est presqu’engloutie. L’ancien site du village de Lahou-Pkanda  l’est déjà.  Pôleafrique.info en fait le constat ce 26 novembre 2018. La visite du site est effectuée, en compagnie de  Michel Segui, président de la Société  coopérative des artisans pêcheurs walê de l’union Avikam pêche de Grand-Lahou. Ceci, après avoir suivi une conférence qu’il a donnée à Abidjan sur la question le 28 septembre  2018. Au cours de la conférence M. Segui  attirait l’attention sur l’impact de l’érosion côtière sur l’activité de pêche dans sa région.

« Pendant la période de  pêche nous ressentons une forte chaleur. Nous sommes tentés d’aller à la mer le plus tôt possible. Compte tenu de la chaleur que nous ressentons, nous levons le filet toutes les deux heures. Lorsque vous levez le filet qui est sur une distance de un à deux kilomètres et qui est de 15 à 20 mètres de profondeur, c’est difficile. Alors nous ne pouvons pas travailler aisément », se lamente-t-il.

La ville de Grand-Lahou  est en 2018, à 15 kilomètres de là où elle était en 1973. Lahou-kpanda (ndlr : village de Grand Lahou)  est emporté par son embouchure qui n’est pas endiguée. « Chaque année, nous perdons 40 mètres de terre. Avant l’indépendance, nous pensions que c’était l’effet des génies qui se fâchaient. On faisait des sacrifices pour arrêter l’avancée de la mer »,  se  rappelle Michel Segui.

Entre problème environnemental et problème de matériel

Pour  le constat de visu du site  du village emporté, nous avons dû traverser par un engin motorisé la lagune.  C’est un luxe.  D’habitude les pêcheurs et les marailleuses traversent à pirogue.

Avant cette étape, il a fallu atteindre  le village Braflédron, à 11 km de la ville. C’est ici que se trouve le siège  de la société coopérative. Ce sont des visages livides de pêcheurs qui nous accueillent du fait de l’inquiétude. L’érosion côtière n’est pas un phénomène nouveau à Grand Lahou au Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire. Cependant son impact sur les activités de pêche devient inquiétant. Ce, d’autant plus que la pêche artisanale contribue à l’autosuffisance et à l’autonomie des communautés villageoises de la zone.

L’une des solutions identifiées  pour contrer l’avancée de la mer est une digue comme cela est fait à Fresco, toujours sur la côtière Ouest.  

C’est le vœu ardent du président  Michel Ségui.  Aujourd’hui son vœu est  partagé par l’ensemble des pêcheurs interrogés. « Il nous faut une digue »,  plaide  Gnaba Segui Thomas, jeune  pêcheur. Ce dernier  remaille un filet usé sur la berge de l’embouchure  quand nous le rencontrons,

L’embouchure est située à quelques coups sagaie de l’ancien site de Lahou Pkanda.

Thomas vit et respire pêche artisanale. Tous les matins, il pose son filet sur l’embouchure puis rentre chez lui. Il revient aux environs de 15 heures pour évaluer la prise. Parfois la pêche est fructueuse. C’est avec l’argent récolté de la vente du poisson qu’il s’occupe de sa famille  et jouit de la dignité humaine. La période de mars à septembre est réputée être la bonne saison. « L’eau du fleuve Bandama afflue avec du poisson du fait de la saison des pluies. Une personne peut avoir  jusqu’à 8 prises par jour », note de son côté, Grah Moise, dix ans d’expérience dans la pêche. Il constate toutefois que,  lorsqu’on confectionne un filet, on peut débourser 45 mille F CFA et les jeter à l’eau.   « Les vagues emportent souvent les filets. C’est un problème récurrent.  Nous avons besoin de matériel de pêche », plaide M.Grah.

C’est qu’à côté de l’inquiétude liée à l’absence de digue, les pêcheurs  de Grand-Lahou veulent aussi accéder à un matériel de pêche de qualité. Le constat fait sur place est qu’ils raccommodent  la plupart du temps des filets usés. Ils évoquent le fait que les équipements industriels coûtent parfois le double ou même le triple de ce qu’ils déboursent pour la fabrication artisanale. Michel Segui, président de la Société  coopérative est de cet avis. Lui qui a bénéficié de formation estime qu’il faut plus de formations pour ses collègues.

« L’appui dont ont besoin les pêcheurs  concerne non seulement le matériel de pêche adéquat mais aussi la formation aux techniques de pêche. Si ces questions sont résolues en même temps que la digue, nous sommes capables de nourrir un plus grand nombre des populations et de vivre davantage de notre travail », croit-il.

Au nombre des doléances, figure l’octroi d’engins motorisés. « Un engin coûte 5 millions de FCFA. Ce n’est pas gagné. Sans compter le carburant », souffle-t-il. « Nous sommes des pêcheurs. Nous sommes cachés ici donc souvent on nous oublie. On entend parler d’accords de pêche et que cela devraient aider la pêche artisanale, mais nous ne voyons rien pour le moment. Si de bonnes volontés veulent aider, elles sont les bienvenues » , indique M. Sigui.

Des initiatives étatiques sont annoncées  pour régler la question de Grand-Lahou,  mais avec le temps qui passe, l’inquiétude grandit. La Société coopérative essaie de galvaniser les pêcheurs, à qui mieux mieux.  Il urge de sauver Grand-Lahou  du péril environnemental.  Mais aussi d’aider à la sécurité alimentaire à travers la pêche dans la région. En plus, à l’heure où la question de l’emploi-jeune est d’actualité, aider le secteur peut aider à la promotion de l’emploi.

Notre reporter en compagnie de Michel Sigui, sur le site du village disparu à cause de l’avancée de la mer. (ph : DR)

Nesmon De Laure, envoyée spéciale

Pôleafrique.info

 

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