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Focus/ Erosion côtière, le témoignage bouleversant d’un pêcheur de Lahou-Kpanda : « Chaque année, nous perdons 40 mètres de terre »

Mis à jour le 1 octobre 2018
Publié le 01/10/2018 à 7:07 ,

La deuxième édition du marathon pour le climat baptisé « climackhaton » s’est tenu les 27 et 28 septembre 2018 à Abidjan. Le témoignage sur l’érosion côtière dans le village de Lahou-Panda (Grand-Lahou), au Sud-Ouest du pays montre la nécessité d’agir. Des initiatives étatiques sont prises dans ce sens.

L’érosion côtière dans la région de Grand-Lahou n’est pas un sujet nouveau. Mais la répétition est pédagogique. Le récent témoignage de Michel Segui, pêcheur originaire de Lahou-Panda montre que la situation s’empire et interpelle.

«  Mon fils Richard avait trois mois. J’entends sa mère crier, je pensais que le toit tombait sur elle. Le temps de me lever, je me rends compte que c’est la pluie. La vague venait qui descendait toutes les cinq minutes, il fallait sauver mon enfant, lui et ses deux autres frères ».  Cette scène s’est passée, il y a plus de dix ans. Mais il s’en souvient comme si c’était hier.

C’est avec beaucoup d’émotion que le public du débat climackathon écoute son témoignage ce 28 septembre 2018 à Abidjan-Cocody. Il s’agit de la deuxième édition d’une rencontre sur le climat mettant en scène des acteurs de la société civile. C’est une initiative de l’AFD.

 M. Segui, par ailleurs, président de la Société  coopérative des artisans pêcheurs walê de l’union Avikam pêche de   Grand-Lahou, poursuit sa narration :  « Je suis reparti à Grand Lahou, il y a trois jours (le 24 septembre 2018)  et j’ai constaté que près du cimetière, la côte est en train de partir. Ce qui veut dire que d’ici à une semaine, trois mois, le cimetière peut disparaître ».

A côté de cette réalité, l’érosion des côtes impacte négativement les activités de pêche. C’est ce qui ressort du récit de Michel Segui.

 « Pendant la période de  pêche nous ressentons une forte chaleur. Nous sommes tentés d’aller à la mer le plus tôt possible. Compte tenu de la chaleur que nous ressentons, nous levons le filet toutes les deux heures. Lorsque vous levez le filet qui est sur une distance de un à deux kilomètres et qui est de 15 à 20 mètres de profondeur, c’est difficile. Alors nous ne pouvons pas travailler aisément » fait-il savoir.

Comme le témoigne M. Segui, l’érosion est palpable et  le fleuve est ensablé. La ville est déplacée depuis 1973, et aujourd’hui, elle est à 15 kilomètres de là où elle était en 1973. « Lahou-kpanda est emporté par son embouchure qui n’est pas endigué. Chaque année, nous perdons 40 mètres de terre. Avant l’indépendance, nous pensions que c’était l’effet des génies qui se fâchaient. On faisait des sacrifices pour arrêter l’avancée de la mer ».

Face à ce témoignage glaçant, le gouvernement ivoirien n’est pas insensible.

Un centre d’excellence côtière annoncé

Kouakou Bernard Djè, ingénieur de la météorologie, Chef du Département de la Climatologie et des Applications Météorologiques à la SODEXAM et Point Focal National du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), rappelle des initiatives étatiques pour s’occuper des conséquences de  l’érosion côtière. Intervenant en tant que panéliste au climackathon, il informe de la signature récente d’un contrat qui favorise des fonds à cet effet.

« Nous connaissons cette situation. Le gouvernement avec l’appui de la Banque mondiale a signé un accord de prêts pour le projet Ouaka. Ce projet doit adresser ces questions. Nous avons organisé un atelier et la question des déplacements des populations côtières a été posée. Ce projet permettra  de l’adresser. Pour aller plus loin, l’université Félix Houphouet Boigny est en train chercher à mettre en place un centre d’excellence côtière. C’est pour dire que les questions d’érosion sont devenues une question de développement et de recherche » indique l’expert.

« Techniquement, on peut transformer ces pêcheurs en agriculteurs. Il y a des peuples qui sont contraints au déplacement et à changer d’activité », a fait savoir pour sa part, Jean Paul Lorng, Directeur du Département Cultures Annuelles et Ressources Animales du Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricoles (FIRCA).

Le thème du panel « S’adapter, atténuer : quelles solutions » a vu la participation de diverses expertises dont Media For Change, la plateforme de journalistes et de blogueurs engagés pour les objectifs du  développement durable.

La nécessité de sensibiliser davantage sur le changement climatique à travers  les médias a été mise en exergue.

Ce panel est l’apothéose de deux jours axés sur le climat. Une centaine de participants ont  produit des articles dans les médias de tout type pour marquer le coup.

Cette deuxième édition a lieu en marge de la semaine du climat de New York,  tenue du 24 au 30 septembre 2018.Nesmon De Laure
Source: Pôleafrique.info

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