Côte d’Ivoire

Focus / Côte d’Ivoire, un parti politique, deux présidents – la marque d’un manque de maturité des acteurs

Mis à jour le 3 juillet 2018
Publié le 03/07/2018 à 11:50 , , ,
Un parti, deux têtes. En Côte d’Ivoire, le mal gagne de plus en plus des formations politiques. FPI, MFA, PIT… tous en souffrent. Manque de maturité politique ou avancée démocratique ? Les acteurs et analystes politiques se prononcent.
 
A qui profite le bicéphalisme à la présidence des partis politiques?De l’opposition à certaines formations membres de la mouvance présidentielle, le phénomène est réel. Le mal ronge. Une palabre entre des cadres a conduit à une guerre de tranchée. Des partis ont chacun deux présidents, deux directions, deux secrétariats généraux. Ainsi,  les militants sont tiraillés entre les factions rivales de leur parti. 
 
Selon Traoré Mamadou, Conseiller régional RDR (parti au pouvoir) dans la Bagoué (Boundiali dans le nord de la Côte d’Ivoire), ce fait traduit « un manque de maturité politique ».  « C’est manifestement un manque de maturité politique de la part des acteurs politiques ivoiriens. Ce qui intéresse certains membres de ces partis politiques, ce sont leurs intérêts personnels et non l’intérêt général. Pour les derniers cas, les palabres internes sont nées de la constitution du RHDP. Un groupe veut être membre et un autre, non. C’est généralement le groupe qui veut être membre du RHDP qui créée toujours des dissidences. Et généralement les membres de ce groupe ne le font pas avec la caution de la base. C’est donc pour des intérêts particuliers. Cela met à nu un problème sérieux de conviction et de vision politique », analyse-t-il pour Poleafrique.info.
 
Front populaire ivoirien (FPI), Parti ivoirien des travailleurs (PIT), et Mouvement des forces avenir (MFA), sont des formations politiques qui font face à un manque d’unité interne. Le mal est si profond qu’il a abouti à la naissance de deux groupes dirigeant dans chacun de ces partis. Au PIT le parti fondé par le Professeur Francis Wodié, Aka Ahizi et Séké Séka Joseph tous deux chefs de factions, se disputent le contrôle. Le premier fait chemin avec l’opposition politique quand l’autre a opté pour la mouvance présidentielle dont il est membre depuis quelques années. Le malaise est aussi vécu au Mouvement des forces avenir (MFA). Siaka Ouattara et Anzoumana Moutayé se réclament tous deux présidents de ce parti, qui à la différence du précédent, se reconnait dans le RHDP la coalition au pouvoir dans le pays depuis quelques années. Depuis ce lundi 2 juillet, un groupe de cadres de l’UPCI détracteurs de Me Soro Brahima le président statutaire de ce parti, se signale également en optant pour le OUI au parti unifié RHDP. Un choix déjà rejeté par cette formation politique lors d’un congrès extraordinaire fin avril 2018.
 
Le Front populaire ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo n’y échappe pas. Depuis son éviction du pouvoir en 2011, une crise interne a fini par faire émerger deux camps rivaux. L’un dirigé par Pascal Affi N’Guessan le président statutaire et l’autre par Abou Drahamane Sangaré. Ces partis politiques font donc les activités et manifestations en double. Souvent à la même date comme ce fut le cas au FPI pour lors de actions de protestation contre la Commission électorale indépendante (CEI) courant mars 2018 peu avant les sénatoriales.
 
Pour le collaborateur d’Afii N’Guessan d’ailleurs, « Au FPI il n’y a pas de bicéphalisme mais une dissidence qui n’a aucune existence légale ou statutaire. Les pouvoirs les utilisent juste pour affaiblir le parti alors que la justice a clairement tranché. C’est de bonne guerre politique », dit-il, non sans faire remarquer que la division des partis politiques « est la marque de fabrique du pouvoir actuel ».
 
Dr Eddie Guipié est Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo dans le Nord de la Côte d’Ivoire. Il explique ce phénomène par « un défaut de culture démocratique à l’intérieur des partis ».
 
«  Il n’y a pas que les partis politiques qui sont divisés. Il y a aussi les syndicats. D’une certaine manière, cela peut être imputée au gouvernement qui comme tout parti au pouvoir, applique le principe de diviser pour mieux régner. Mais les adversaires politiques ont eux aussi leur part de responsabilité puisqu’ils ne cherchent pas s’asseoir sur une table commune pour discuter. Pourtant ce sont des affaires internes, mais ils ne trouvent pas des voies de conciliation pour rapprocher les différentes parties et maintenir l’unité de leur parti. C’est surement un défaut de culture démocratique à l’intérieur des partis », analyse-t-il pour Poleafrique.info qui l’a joint.
 
Quelles implications de ces divisions dans les partis politiques sur les élections à venir ? Traoré Mamadou l’élu de la Bagoué est sans détours. « Ces divisions à la longue vont créer plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Elles ne seront profitables à personne. A aucun parti politique en tout cas. Seuls les indépendants auront beaucoup à y gagner. Car il est évident que les partis politiques iront diviser aux élections », dit-il.
 
Richard Yasseu
Source : rédaction Poleafrique.info
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