Eco-business

L’huile de palme ivoirienne dans le viseur de la France

Mis à jour le 23 novembre 2019
Publié le 23/11/2019 à 11:51

Pourtant favorable en 2018, la France a finalement banni l’huile de palme des biocarburants face à la colère des écologistes et parlementaires. Quelles seront les conséquences de ce virage à 180° pour la Côte d’Ivoire, deuxième producteur africain ?

Avec plus de 66 millions de tonnes par an, l’huile de palme est l’huile végétale la plus produite de la planète. Lui échapper est quasiment mission impossible car on la retrouve dans bon nombre de secteurs tels que  les produits alimentaires, les cosmétiques, les produits d’entretien, les produits d’hygiène et les biocarburants. Près de la moitié des importations de l’huile de palme de l’Union Européenne est consommée sous la forme de biocarburants. La loi de 2009 sur l’incorporation obligatoire d’agro-carburants dans l’essence et le diesel est ainsi une cause majeure de déforestation tropicale. La politique européenne de soutien aux biocarburants engendre la destruction d’immenses zones de forêts tropicales. L’émission de grandes quantités de gaz à effets de serre, l’extinction progressive des faunes locales et la disparition des populations autochtones sont également des conséquences de cette politique. C’est donc dans ce souci environnemental que la France a décidé de bannir l’huile de palme de la liste des biocarburants. Seulement, cela ne sera pas sans conséquences pour les principaux producteurs mondiaux africains, tels que la Côte d’Ivoire, numéro 2 continental derrière le Nigéria.

Avec une production de 550 000  tonnes sur une superficie officielle de 250 000 hectares, la Côte d’Ivoire alimente un marché ouest-africain déficitaire. Elle est le premier fournisseur du Togo puis de la Malaisie. Aussi, le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso représentent-ils près de 95% de ses ventes extérieures. Selon, les premières estimations, la décision de la France entraînerait la perte de 500 milliards de francs CFA. Face à la demande exponentielle, le pays entendait pourtant tripler sa production à travers le troisième plan palmier, sur la période 2015-2025, avec pour objectif la plantation de 200 000 hectares. Le tout sans aggraver la déforestation, comme cela a pu se faire avec le cacao. C’est une filière, qui fait vivre plus de 10 % de la population ivoirienne, 40 000 petits planteurs et plus de 20 000 employés dans la transformation, qui est menacée.

 Alain Rival, spécialiste de la filière palmier à huile, avait tenté de mesurer l’impact que l’exclusion de l’huile de palme pourrait avoir sur l’Afrique de l’Ouest. Dans un dossier à Commodafrica, il explique que le lien entre huile de palme et déforestation « n’est jamais clair, ni automatique ». Pour lui, « rien n’indique que la pression sur la filière huile de palme se traduira automatiquement par une baisse de la déforestation » poursuit-il.

 « L’Europe (…) subira un effet boomerang immédiat, en favorisant les marchés non qualitatifs et non-contrôlés, donc potentiellement porteurs de plus de risques de déforestation » explique-t-il. Si l’on veut que les acteurs agricoles entrent dans un cercle vertueux d’amélioration des pratiques, « il faut des incitations, des primes, des marchés qualitatifs qui achètent et valorisent l’huile de palme certifiée durable » précise-t-il. Si le marché Occidental se dérobe par décision politique unilatérale, « ils vont se tourner vers des clients beaucoup moins regardants, avec un impact sur la déforestation qui sera considérable ».

Avec 75% de la production consommée en interne et exportée vers la sous-région ouest-africaine, la décision française, sera moins préoccupante pour la filière ivoirienne.

Manuela POKOSSY-COULIBALY

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