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Fuite du cacao vers les pays voisins, des producteurs prennent position

Mis à jour le 26 octobre 2023
Publié le 26/10/2023 à 4:03 , , ,

Le manque à gagner se chiffrerait à plusieurs milliards de FCFA. Depuis de nombreuses années, la filière cacaoyère en Côte d’Ivoire subit les revers de la fuite du cacao vers les pays voisins. Quels sont les facteurs à l’origine de ce trafic organisé ? Les producteurs de cacao tirent la sonnette d’alarme.

 

 

Le samedi 30 septembre 2023, le gouvernement fixait à 1 000 FCFA, le prix du kilogramme du cacao bord champ pour la campagne principale 2023-2024. Une décision bien accueillie par les producteurs, d’autant qu’ils font déjà face à de nombreuses difficultés au sein de la filière. 

Il s’agit entre autres, du non-respect du prix bord champ sur le terrain, des acheteurs véreux, de l’insécurité et de l’épineuse question de la fuite du cacao vers les pays voisins. Un trafic qui constitue un manque à gagner pour le trésor public qui se chiffre à plusieurs milliards de FCFA.

Joint par 7info, Thibault Yoro, secrétaire général de la Centrale syndicale agricole de Côte d’Ivoire évoque les causes qui seraient à la base de ce trafic illicite.

« Le phénomène de la fuite du cacao se justifie par plusieurs facteurs. Lorsque nous nous sommes rapprochés de certains producteurs, ils ont mis en cause l’inaccessibilité des voiries pour pouvoir écouler leurs produits, le prix du cacao qui est plus bas en Côte d’Ivoire que celui proposé dans les pays voisins, la proximité avec ces pays voisins, la liquidité que leur proposent les trafiquants de cacao. Il y a également un sentiment d’abandon de la part de l’État et de la structure de régulation de la filière, le Conseil café-cacao. Cela s’explique par le fait que le Conseil a subdivisé la zone café-cacaoyère en 13 délégations mais ses agents ne sont pas aussi nombreux pour couvrir toutes les localités » révèle Thibault Yoro.

 

L’appel pressant aux producteurs

 

Le Ghana, le Libéria et la Guinée sont les principaux pays vers lesquels les producteurs ivoiriens vendent frauduleusement leurs fèves de cacao. Des pays proposant des prix bien plus élevés qu’en Côte d’Ivoire. Pour preuve, le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao, a augmenté le prix d’achat bord champ pour la campagne 2023-2024 à 1 126 francs CFA par tonne, soutenant ainsi les agriculteurs de son pays.

Pour le porte-parole de la Centrale syndicale agricole de Côte d’Ivoire, même si les efforts du gouvernement ivoirien ne réussissent pas pour l’heure à combler leurs attentes, les producteurs doivent faire preuve de plus de responsabilité.

 « Nous dénonçons ce trafic en tant que citoyens et syndicalistes parce que nous estimons que nous devons lutter pour l’économie de la Côte d’Ivoire. C’est vrai que pour certaines questions nous souhaitons que le prix bord champ soit revu à la hausse, mais ce n’est pas pour autant que nous allons encourager ou favoriser ce trafic qui fragilise l’économie ivoirienne. C’est clair que si l’Etat n’a pas de ressources il ne pourra pas faire face à nos différentes revendications. Nous demandons donc aux producteurs de ne pas se faire complices de ces trafiquants », a-t-il souhaité.

 

Intimidations et agressions dans la lutte contre ce trafic.

 

Dans l’optique de maîtriser les rouages de ce trafic organisé, des actions d’envergure et concertées sont nécessaires. En ce sens que, les acteurs de la filière cacaoyère engagés dans la lutte contre le commerce frauduleux de fèves de cacao, sont constamment exposés à des agressions. 

« Dans le cadre de la fuite du cacao vers les pays voisins, nous avons remis de nouvelles motos à nos délégués qui leur permettront de sillonner les pistes et détecter les trafiquants de cacao et les signaler aux forces de l’ordre. Nous saisissons cette occasion pour appeler les forces de l’ordre à une coopération saine et transparente. C’est un travail très risqué que nous faisons sur le terrain, c’est pourquoi nous appelons le Conseil café-cacao à nous accompagner. Au niveau de la sécurité, il faut que la police, la gendarmerie et la douane fassent également leur travail en protégeant nos délégués de sorte à ce que ces derniers ne soient pas exposés à des agressions. Malheureusement dans certaines localités, il arrive que les forces de l’ordre ne réagissent pas quand on les sollicite. Ça donne l’impression qu’il y a de la complicité avec les trafiquants », souligne Thibault Yoro.

Selon les informations en notre possession, l’un des délégués de la Centrale syndicale agricole de Côte d’Ivoire de Sipilou a été agressé le mardi 24 octobre par un trafiquant, en présence des forces de l’ordre. Il dénonçait la présence d’un camion remorque de 16 roues et de 2 véhicules de marque Kia qui transportaient du cacao pour l’acheminer frauduleusement vers la Guinée. 

Bilan de cette agression, les téléphones et l’argent arrachés au délégué, la clé de sa moto cassée, de violents coups lui ont été portés et des menaces de mort proférées à son endroit. Par la suite, une plainte régulière a été déposée à la brigade de gendarmerie de Sipilou et une autre au commissariat de police de la même localité. Le syndicat auquel il est affilié s’est saisi de l’affaire et promet de remonter la chaîne pour savoir qui se cache derrière ce trafic, avec l’appui des autorités administratives et judiciaires.

 

 

Maria Kessé

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