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Entretien/Marius Comoé (président des consommateurs) « Ce que nous allons faire si les opérateurs de téléphonie ne se ravisent pas »

Mis à jour le 12 avril 2023
Publié le 11/04/2023 à 1:27 , , ,

La crise qui oppose les compagnies de téléphonie mobile et les utilisateurs au sujet des data et des bonus d’appel continue de faire réagir. Dans cet entretien, Marius Comoé, le président du Conseil national des organisations de consommateurs de Côte d’Ivoire (Cnoc-CI) prend position.

 


Une crise oppose depuis quelques jours les consommateurs ivoiriens de téléphonie mobile et d’internet aux compagnies de téléphonie mobile au sujet des bonus d’appels et des volumes internet. De quoi s’agit-il concrètement ?


Il se trouve que depuis des années, nous avons assisté à une pratique des opérateurs du secteur de la téléphonie mobile et de l’internet qui violent les droits et les intérêts du consommateur, tel que cela lui est reconnu par nos textes de loi dans le domaine de la téléphonie mobile et de l’internet, ce qui ne se fait pas ailleurs dans les pays où ces multinationales sont implantées, elles le font aux consommateurs ivoiriens. Je donne un exemple parmi tant d’autres. Les 100 gigas qui sont commercialisés en France à entre 6000 et 7000 FCFA. En Côte d’Ivoire, ces mêmes 100 gigas sont commercialisés entre 40 000 et 50 000 FCFA. Cela n’est pas normal.

N’est-ce pas dû au fait que les moyens techniques dont dispose la Côte d’Ivoire le favorisent ?

Non pas du tout. Quand vous prenez la fibre optique par exemple, la fibre optique n’est pas une propriété des opérateurs de téléphonie mobile et de l’internet en Côte d’Ivoire. Les trois compagnies qui opèrent au niveau national n’ont jamais créé un seul kilomètre de cet équipement. C’est l’État de Côte d’Ivoire qui le fait. Et cela est géré par une société d’État dénommée ANSUT, l’Agence nationale de services universels et de télécommunication. Cela veut dire que l’ivoirien, l’usager le consommateur ivoirien paye déjà aux opérateurs du secteur de la téléphonie de l’argent qui revient à l’ANSUT en termes de redevance en prélevant 3% sur le bénéfice annuel de chaque acteur du secteur de la téléphonie et de l’internet pour financer la construction de l’équipement qui leur permet de tirer l’internet. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 5000 km de fibre installés et l’on ne peut pas comprendre que c’est avec l’argent du contribuable ivoirien qu’on réalise ces grosses œuvres et puis on revend cela aussi cher.

C’est de tout cela que les Ivoiriens ne veulent plus entendre parler. D’ailleurs vous constaterez que les offres et les services que proposent ces opérateurs défient tout entendement dans la mesure où on sent que la course effrénée aux gains faciles se fait au détriment de l’intérêt du consommateur. Cela ne doit pas continuer et ne peut être accepté par les populations.

Des appels au boycott notamment, ne pas se connecter au réseau internet pendant des heures ont été lancés en fin de semaine dernière, quels sont les résultats obtenus dans cette action de mécontentement ?

Avant de parler des acquis, je voudrais faire cette remarque. Le fait même que des opérateurs de la téléphonie et de l’internet dans un pays comme la Côte d’Ivoire où il existe une loi sur la concurrence, se mettent ensemble pour fixer le prix d’un produit et d’un service aux consommateurs, est en violation flagrante des dispositions légales en matière de libre concurrence. La loi sur la concurrence interdit les actions de ce genre. Il faut comprendre les attentes entre opérateurs pour fixer le prix d’un produit aux consommateurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons souhaité et obtenu la création de la Commission nationale pour la concurrence qui existe et qui fonctionne. Nous allons saisir cette commission qui regarde ce qui se fait dans le secteur de la communication et qui ne dit rien.

Mais déjà, je voudrais vous rassurer que les acquis sont importants. Il y a le ministre de la Communication et de l’Économie numérique qui a fait une sortie durant le week-end pascal pour rappeler à tous que la Côte d’Ivoire ne peut se permettre de regarder cette situation s’envenimer. Il a invité les opérateurs du secteur à revenir à leurs anciennes pratiques comparativement aux dernières mesures que ces opérateurs ont prises et qui suscitent une acrimonie au sein de la population. Le fait déjà que le gouvernement à travers le ministère de la Communication et de l’Économie numérique réagisse à la suite de la grogne populaire, est une victoire. Mais nous ne nous limiterons pas là. Nous continuerons les actions et nous allons interpeller les gouvernants sur la question et sur toutes les autres qui touchent à la vie des Ivoiriens, comme la banque, le transport, la santé.

Au-delà de l’appel au boycott lancé durant le week-end pascal, est-ce qu’il y a encore des actions en vue ? Sinon jusqu’où les consommateurs mécontents pourraient-ils aller pour avoir gain de cause ?

D’autres actions sont en vue. Je rappelle qu’une action était prévue devant l’ARTCI pour exprimer notre mécontentement vis-à-vis de cette société. Mais le propos du ministre de la Communication sur le sujet nous a amenés à revoir notre position. Cependant, nous restons vigilants. Si rien n’est fait pour ramener les opérateurs de téléphonie mobile à revoir leurs pratiques, nous pourrions poser des actions beaucoup plus fortes.

Réalisé au téléphone par Richard Yasseu

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