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ENTRETIEN – Christian Ago Kodia (DG ONECI) : « Voici pourquoi certains Ivoiriens n’ont pas encore reçu leur CNI »

Mis à jour le 29 mars 2022
Publié le 29/03/2022 à 12:00 , ,

2009-2019, c’est le temps admis pour la validité des cartes nationales d’identité de couleur orange. Mais plus de dix ans après, les autorités ivoiriennes ont permis que cette pièce administrative reste en circulation en prolongeant à plusieurs reprises sa durée de validité. Qu’est-ce qui coince ? Les problèmes sont-ils résolus ? Dans cet entretien, Christian Ago Kodia, le directeur général de l’Office national de l’état civil et de l’identification (ONECI) explique.

Cela fait maintenant douze ans que les cartes d’identité nationale de couleur organe établies en 2009 sont encore en circulation pourtant leur durée de validité maximale est de dix ans. Pourquoi ?

Les cartes sont restées en circulation parce que le gouvernement a voulu migrer dans un nouveau système de dernière génération. Un système beaucoup plus efficace, plus étoffé et plus sécurisé. Cette migration demandait qu’il y ait beaucoup d’ajustement au niveau technique d’abord et au niveau opérationnel. Il fallait donc que le nouveau système gagne en maturité pour pouvoir servir le maximum d’Ivoiriens.
Pendant ce temps de maturation, les Ivoiriens ne devaient pas être privés de ce document, important pour l’exercice de leur droit.
Cette carte étant sécurisée, des prorogations ont été possibles pour permettre au nouveau système d’être le plus efficacement en place.

Par trois fois déjà, la durée de validité de ces pièces administratives a été prolongée. Le 31 mars 2022 est-il vraiment la bonne date ?

Au niveau de l’ONECI, nous sommes actuellement à l’aise parce que tous les reports successifs ont permis à chaque fois d’améliorer le système. Mais surtout de faire face à tous les cas de figure qui se présentaient au fur et à mesure que le système était en déploiement. Du 31 décembre jusqu’à aujourd’hui donc, on n’a pas encore vu de nouveaux cas de figure auxquels l’ONECI ne peut pas faire face. Donc, nous avons apporté des solutions à tous les cas de figure qui empêchaient ou qui empêcheraient la délivrance des titres à citoyen qui vient en faire la demande. On pense qu’aucun autre report ne peut se justifier encore une fois.

Les communiqués de l’ONECI jusque-là sur l’expiration des cartes orange font cas de celles établies en 2009. Qu’en est-il de ceux qui ont établi leur carte après 2009 ? Est-ce qu’ils sont concernés par l’expiration ?

On parle d’une durée de validité. Comme je le disais tantôt, la carte établie en 2009, aussi appelée carte orange, dispose aussi d’un bon niveau de sécurité. C’est donc une carte qui est utilisée. Il ne s’agit pas de la remplacer de façon systématique. Car si jusque-là on a pu prolonger le délai de validité, c’est parce qu’elle est fiable. Cependant, nous invitons les citoyens à venir prendre la nouvelle à cause du nouveau dispositif, à cause de l’amélioration, à cause de son niveau de sécurité dont un élément majeur est l’attribution du numéro de NNI, le Numéro national d’identification qui est maintenant le référentiel. Et avec aussi tous les services qui sont rattachés à la nouvelle carte qui permettent à tous les citoyens d’être à l’aise et de bénéficier de toutes ces avancées, nous faisons en sorte que les gens viennent pour renouveler la carte, même si elle n’est pas arrivée à échéance.

Est-ce qu’il y a un délai pour ces personnes qui ont établi leur carte après 2019 ?

Bien sûr. La date de validité d’une carte est de dix ans. Nous sommes en 2022, pour ceux qui ont fait leur carte en 2012, il est clair que le document est tombé dans l’échéance naturelle. Or quand une pièce administrative est arrivée à échéance de façon naturelle, il faut la renouveler. Automatiquement vous devez avoir la nouvelle carte.

Monsieur le directeur général, j’ai un voisin de quartier qui m’a dit que depuis 2020 il a fait sa demande de la nouvelle carte d’identité. Un rendez-vous lui avait été promis trois mois après. Mais depuis plus rien. Pas de SMS comme le veut la procédure. Qu’est-ce que vous lui répondez ?

Nous avons aujourd’hui un dispositif qui permet de prendre en compte toutes les personnes qui attendent depuis. Nous avons accéléré le traitement sur toutes les demandes qui ont été faites depuis au moins 60 jours. Et nous sommes en train de réduire à 45 jours. Ce qui se passe, c’est que les gens doivent comprendre qu’il ne s’agit pas de produire un document dès qu’on fait la demande. Le nouveau système est adossé sur l’état civil. Il est adossé sur beaucoup d’autres éléments qui permettent de garantir la fiabilité des données qui sont sur la carte. Nous allons vers la dématérialisation. Aujourd’hui donc, s’il ne s’agissait que de faire des inscriptions sur la nouvelle carte, on allait en produire des milliers par jour. Mais, il y a un tout premier traitement qui se fait. Et c’est ce traitement qui fait que le délai n’est pas uniforme pour tout le monde. Nous traitons chaque enregistrement de façon unique. Chaque personne est unique dans son identité, le traitement est donc par personne. Pour votre voisin par exemple, ce qui peut se passer c’est que nous avons besoin d’aller vérifier si son extrait d’acte de naissance figure effectivement dans le centre d’état civil dans lequel il a été produit.

Nous avons aussi besoin d’aller vérifier si le certificat de nationalité qui a servi dans le cadre d’une nouvelle demande existe bel et bien. Nous vérifions également les pièces d’identité de l’un des parents qui ont servi à faire ce certificat de nationalité. C’est donc autant de processus que nous mettons en œuvre qui font que le document qui sort est le plus fiable possible en fonction des éléments qui ont motivé sa création. Cela prend parfois du temps. Et lorsque nous constatons qu’il y a des incohérences dans certaines informations, nous avons besoin de recourir à la personne qui a fait la demande pour porter les corrections. Parfois c’est l’empreinte qui n’est pas prise ou la photo qui ne répond pas aux normes. Nous essayons d’automatiser au maximum certaines procédures pour gagner beaucoup de temps et traiter beaucoup de personnes. Mais malheureusement, il y a ces actions pour lesquelles nous ne pouvons pas faire l’économie. Votre voisin peut sûrement être dans ce cas de figure. C’est pourquoi nous avons ouvert le centre de réclamations, un centre d’appels qui est disponible au 1340 pour que les personnes qui ont fait une demande depuis un certain temps et qui n’ont pas de carte se rapprochent de nous bien que nous aussi nous appelons et envoyons des messages aux gens pour venir faire des corrections. Mais parfois il se trouve que le numéro indiqué lors de la demande soit n’est plus fonctionnel ou ne marche pas ou que la personne ne reçoit pas le message. Nous voulons que par notre et eux aussi par leur demande, nous puissions les satisfaire. C’est pourquoi nous avons dimensionné nos équipes pour pouvoir traiter le maximum de personnes qui arrivent dans nos différents centres pour des réclamations. Mais je peux rassurer votre voisin que nous avons une solution pour tous ceux qui vont se présenter à nos différents bureaux.

Monsieur le directeur général, parallèlement, la population grogne contre un autre fait qui est l’établissement des attestations d’identité. Ce document se fait aussi au même prix que la nouvelle CNI. Ce qui devrait être une solution temporaire semble prendre le pas sur le principal. Comment expliquez-vous cela ?

Nous voulons qu’on ait plus besoin d’une attestation d’identité puisqu’on se fait établir la carte nationale d’identité. L’attestation est un document administratif qui n’a pas la même vocation que la carte nationale d’identité. Chaque personne se retrouve dans une situation différente, et l’attestation d’identité coûte moins cher que la carte nationale d’identité. L’attestation d’identité normalement est réservée pour les mineurs ou pour toute personne qui est dans une phase transitoire a besoin de confirmer son identité auprès d’une administration. C’est donc un document transitoire que les gens utilisent et pour lesquels nous offrons des services et que nous sommes en mesure de sécuriser ce service. Ce document existe, mais nous encourageons les gens à venir se faire établir leur carte nationale d’identité. C’est la meilleure solution .

Quel bilan à ce jour de l’établissement des nouvelles cartes d’identité ?

Actuellement nous avons en termes d’enrôlement 4.6 millions de personnes qui ont été enrôlées. Dans ce chiffre, 206 millions de titres ont été distribués et reçus par les personnes. Vous voyez donc le nombre de données en traitement et le nombre de cas croissant qui sont encore dans nos sites et qui attendent leurs propriétaires. Ce sont près de 700 000 cartes.

Qu’est-ce qui explique ce grand nombre de cartes qui ne sont pas encore retirées ?

Il y a beaucoup de personnes qui reçoivent nos messages, mais qui ne viennent pas retirer leurs cartes. Il y a aussi des personnes qui nous ont donné des contacts qu’elles n’utilisent plus. Cela fait que les gens ne savent pas que les cartes sont prêtes. C’est pourquoi à tous ceux qui ont fait la demande de venir dans nos centres pour les réclamations, ou de contacter notre call center pour qu’on puisse leur dire à quel endroit se trouve leur carte. Nous offrons aussi d’autres services. Si vous avez fait votre demande de la carte et que le lieu de la demande n’est pas celui où vous êtes actuellement, une fois qui vous serez dans nos centres, nous prenons des dispositions avec d’autres centres puisqu’il y a un maillage entre les autres centres, pour rapprocher votre carte le plus de vous. Nous avons toutes ces possibilités et nous voulons que les gens les utilisent pour le retrait de leur carte.

Combien de personnes à terme doivent être enrôlées ?

Toutes les personnes en Côte d’Ivoire sont concernées par l’enrôlement ; c’est-à-dire que tous les Ivoiriens sont concernés par la délivrance de la carte nationale d’identité. Pour l’instant, toutes les personnes à partir de 16 ans sont concernées par l’enrôlement. Elles doivent avoir un titre d’identité, quoique la carte d’identité aujourd’hui peut être délivrée dès 05 ans. Ce sont donc tous les Ivoiriens qui sont concernés.

Dans la foulée, l’ONECI a lancé des initiatives pour inciter à se faire enrôler. Ce sont notamment celles qui consistent à se déplacer vers la population. On a vu des campagnes dans les églises et mosquées et enfin des dispositifs devant les mairies. Quels sont les retours ?

Aujourd’hui, notre dispositif est sous-utilisé. Notre souhait est que les Ivoiriens se rendent massivement à nos dispositifs sur le terrain. Il faut que les gens sachent que ce dispositif n’est pas là seulement pour l’enrôlement. Il est également là pour apporter des solutions à ceux qui ont fait l’enrôlement depuis, mais qui n’ont pas encore reçu de carte. Nous voulons donc que tout le monde vienne consulter ce dispositif. Nous avons fait un maillage le plus grand possible. Car les centres d’enrôlement déjà connus des populations existent, et ce sont aussi des centres de distribution. Mais nous avons aussi fait des centres mobiles pour recueillir d’abord les besoins des populations. Quelqu’un qui a fait sa demande et qui n’a pas encore sa carte est concerné par ces centres éclatés que nous avons créés. En étant le plus proche possible, nous essayons de gagner du temps. Nous permettons aux populations de ne pas sortir de leur lieu de travail pour aller dans les centres classiques. Sans aller loin, il peut se rendre dans ces dispositifs mobiles et échanger avec les animateurs. Ça ne prend que deux minutes pour pouvoir apporter à l’ONECI la réclamation. L’avantage que nous avons est qu’en ce moment-là nous pouvons avoir les contacts les plus actualisés du demandeur afin de garder le contact avec lui. Car nous ne pouvons pas traiter des informations des citoyens sur la place publique. Nous ne pouvons pas traiter les questions des citoyens qui ne sont pas contents sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi nous que les gens se rapprochent de nos services que nous avons mis partout pour rapidement avoir une solution

Monsieur le directeur général, après le 31 mars, est-ce que l’ivoirien pourra encore aller se faire établir sa carte d’identité, si oui, où et à quelles conditions ?

Après le 31 mars, nos centres restent toujours ouverts. Nous aurons un dispositif plus proche des populations. Mais nous souhaitons que les gens qui ont leurs cartes d’identité qui ont expiré viennent le plus tôt possible. Car si tout le monde attend le dernier jour, il y aura une telle affluence que les choses ne seront pas faciles à gérer. Sinon l’ONECI va continuer son travail de production de titres d’identité et dans les mêmes conditions.

Certains ressortissants étrangers qui ont fait la demande de la carte de résident depuis deux déjà ans après avoir payé les 150.000 demandés ne sont toujours pas en possession du précieux sésame. Comment cela se fait-il ? Surtout que sans carte de résident ces personnes ne peuvent pas ouvrir de comptes bancaires ?

Pendant cette phase transitoire, les ressortissants résidents recevaient ce qu’on appelle un récépissé. Mais aujourd’hui je suis heureux de vous dire que plus de 4000 cartes de résidents hors CEDEAO sont produites et nous avons un dispositif d’enrôlement VIP dans nos bureaux aux Deux Plateaux Vallons où tous ceux qui se présentent sont pris en compte. Les anciens enrôlements ont produit les cartes avec un paiement à zéro. Le dispositif de production des cartes de résidents est en place, il fonctionne. Nous demandons donc que les gens viennent et nous allons leur attribuer aussi un NNI pour qu’ils figurent aussi dans le registre national des personnes physiques (RNPP).

 

Entretien réalisé par Richard Yasseu

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