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Rupture entre Paris et Bamako, à qui la faute ?

Mis à jour le 23 février 2022
Publié le 24/02/2022 à 8:00

 Suite à la grave crise diplomatique entre Paris et Bamako, le Président français Emmanuel Macron annonçait, le 17 février dernier, le retrait des forces françaises impliquées dans la lutte contre le terrorisme au Mali. Par cette déclaration, la France mettait ainsi fin à sa coopération militaire avec ce pays d’Afrique de l’Ouest qui date de 2013. Neuf ans après, qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que les relations se détériorent à ce point ?

 

Le divorce entre la France et le Mali serait définitivement consommé. Au regard des déclarations et décisions qui émanent de part et d’autre des deux camps, l’on serait porté à le croire. Pourtant, cette coopération militaire Paris/Bamako avait connu de beaux jours.

Avril 2012, le nord du Mali tombait sous l’emprise de groupes djihadistes proches d’Al-Qaïda, après une rébellion touareg. Neuf mois plus tard, c’est-à-dire en janvier 2013 sous François Hollande, naissait l’opération Serval au Mali. Une opération de l’armée française qui avait pour objectif d’aider les troupes maliennes à repousser les groupes armés islamistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays. Serval prendra fin en juillet 2014 après avoir rempli ses missions, pour laisser place à une autre opération dénommée ‘’Barkhane’’, un nouveau dispositif qui s’étendra cette fois-ci à l’échelle régionale.

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Pour l’opération Barkhane, la stratégie était claire et reposait sur une approche plus globale. Il s’agissait de permettre aux États sahéliens d’acquérir la capacité d’assurer leur sécurité de façon autonome et cela sur une période plus longue. Au-delà de l’aspect militaire, l’opération Barkane visait également à apporter au Mali des progrès tant au plan politique, économique, social et culturel.

Près d’une décennie après, les objectifs de départ semblent ne pas avoir tous été atteints, pis les rapports se sont au contraire détériorés au point d’arriver à un point de non-retour. À qui la faute ? Paris et Bamako se rejettent la faute mutuellement.

De son côté, dans une interview accordée le 22 février à la chaine française RFI, le Premier ministre malien Choguel Maïga accuse la France de trahison. « Lorsque nous avons été envahis par les Touaregs et que notre gouvernement a saisi l’État français, ce qui avait été convenu dans notre accord c’était un appui aérien et en renseignements, il n’était pas prévu des militaires français au sol. Ce sont les soldats maliens qui ont libéré Konna, Gao, Tombouctou et quand ils sont arrivés à Néphis c’est là que l’armée française leur a barré la route les empêchant d’accéder à Kidal », explique le chef du gouvernement malien. Un état de fait qui selon lui serait la pomme de la discorde.

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Pour sa part, la France se défend. « Les autorités maliennes actuelles ont posé des conditions qui rendent impossible l’exercice des activités militaires françaises au Mali. Par exemple, depuis le traité de partenariat de 2013, nous avions le droit de survoler l’ensemble du territoire malien pour conduire nos opérations militaire et logistique. Et sans préavis, les autorités maliennes ont remis en cause ce droit », accuse le Colonel Arnaud Mettey, commandant des forces françaises en Côte d’Ivoire, au micro de 7Info.

Un ballet d’accusations qui ne laisse pas indifférents les intellectuels africains. Venance Konan, homme des médias et écrivain ivoirien s’est prononcé sur la question dans un édito publié le mardi 22 février 2022 sur sa page Facebook. Pour lui, les responsabilités sont partagées.

Du côté français, plusieurs faits sont à l’origine du conflit entre Paris et Bamako. « La première raison est à mon avis l’absence de résultats tangibles dans la lutte contre le terrorisme, l’expansion de celui-ci dans tout le Mali et même dans les pays voisins, et surtout l’interdiction qui avait été faite aux soldats maliens de pénétrer dans Kidal. Cela a suscité de nombreuses interprétations et nourri bien de fantasmes. Mais au-delà de tout cela, ce que la France paie est une certaine arrogance dans ses relations avec l’Afrique, un certain paternalisme, voire une condescendance qui a fini par irriter de nombreux Africains », explique-t-il.

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Revenant au Mali, à l’instar de bon nombre de pays africains, il y a une posture d’éternels assistés qui a joué en leur défaveur. « Mais il nous faut avouer que si les Français nous traitent avec paternalisme, c’est souvent parce que nous nous comportons aussi avec beaucoup d’immaturité dans bien des cas. Notre interaction avec les autres peuples consiste à leur demander toujours de l’aide, sans même nous interroger sur ce que nous pourrions réaliser nous-mêmes pour nous-mêmes. Nous nous sommes convaincus que la tâche de développer l’Afrique incombe aux autres, mais pas à nous », insiste ce professionnel des médias.

Toujours est-il que, face à la situation délétère qui prévaut entre ces deux pays, Venance Konan préconise désormais le changement dans la manière d’aborder les relations et pour l’Europe et pour l’Afrique.

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