Société

La France prend des mesures contre les violences conjugales, silence en Côte d’Ivoire

Mis à jour le 25 novembre 2019
Publié le 25/11/2019 à 6:14 , , , ,

À l’origine de cette manifestation ayant réuni près de 49.000 participants, le collectif français féministe #NousToutes, mobilisé pour dire « stop » aux féminicides. En réponse, le Premier ministre Édouard Philippe a dévoilé, ce lundi 25 novembre, le plan de lutte du Grenelle contre les violences conjugales après trois mois de réflexions et tables rondes.

En 2018, au moins 121 femmes ont trouvé la mort sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint selon le Ministère de l’Intérieur. Depuis le début de l’année 2019, ce chiffre est monté à 137. « 137 raisons de manifester » a-t-on pu lire sur d’innombrables pancartes. « Nous avons marché pour dire notre colère. Pour exiger des mesures et des moyens à la hauteur. C’est maintenant au tour du gouvernement d’agir », martelait le collectif.

Le gouvernement français a réagi, ce lundi 25 novembre, clôturant ainsi le Grenelle contre les violences conjugales. Le Premier ministre Édouard Philippe a listé les principales annonces issues de la réflexion, débutée en septembre dernier pour lutter contre les violences conjugales et les féminicides. Par ces nouvelles mesures, le gouvernement entend provoquer un « électrochoc ». Ainsi, le Premier ministre a annoncé qu’un milliard d’euros seraient consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2020. La secrétaire d’État Marlène Schiappa a par ailleurs assuré que d’autres financements étaient prévus pour porter à 361 millions d’euros le budget de la lutte contre les violences conjugales.

Les principaux points du plan de lutte reposent sur la prise en charge des victimes de violences conjugales, la prise en charge de leurs auteurs ainsi que la sensibilisation et l’éducation des plus jeunes sur ce fléau.

Pour la prise en charge des victimes de violences conjugales, le gouvernement français a prévu d’accroître leur protection et celle de leurs enfants. Le 39 19, ligne dédiée à l’écoute des victimes, sera étendue et joignable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Aussi, une augmentation des intervenants sociaux dans les commissariats est-elle prévue. D’ici 2021, 80 postes supplémentaires seront additionnés au 271 déjà existants, car ils constituent les « maillons essentiels d’accueil, de premières prises en charge de femmes qui déposent plainte » a annoncé Edouard Philippe. Une « grille d’évaluation », sous forme de questionnaire sera également mise en place afin de permettre aux forces de l’ordre de mieux estimer le danger encouru par les femmes qui se présentent au commissariat ou à la gendarmerie. Cette grille sera  diffusée dès aujourd’hui à toutes les brigades et dans tous les commissariats » a précisé le chef du gouvernement. Au niveau légal, une redéfinition du terme « violences » dans le Code civil français interviendra pour sanctionner plus « lourdement les personnes à l’origine de ce qu’on appelle le suicide forcé » ayant fait 278 victimes en 2018. Mais aussi, la caractérisation dans le Code civil et le Code pénal de la notion d’emprise, qu’Édouard Philippe définit par « la prise de possession d’un membre du couple par l’autre qui s’installe de manière progressive et implacable, parfois même sans que la victime ne s’en aperçoive et qui s’apparente à un enfermement à l’air libre ». Le gouvernement entend prendre en compte les violences psychologiques, souvent minimisées mais préalables aux violences physiques. Enfin, il entend élargir les capacités d’accueil des victimes : 1000 nouvelles places d’hébergement et de logements d’urgence devraient voir le jour en janvier 2020.

Concernant la prise en charge des auteurs de violences conjugales, le gouvernement a mis l’accent sur leur suivi. La réalisation d’ « évaluations médico psycho-sociales des auteurs de violences » dès le premier stade de l’enquête « doit permettre d’orienter les hommes violents vers les spécialistes adaptés aux traitements des causes de cette violence » a expliqué Édouard Philippe. Des groupes de paroles seront également créés pour prévenir les risques de récidive. Sur le plan légal, les violences conjugales auront aussi une incidence et entraîneront la suspension de l’autorité parentale des pères violents. Enfin, le Chef du gouvernement a lancé un appel à projets et annoncé l’ouverture de deux centres, par région, de suivi psychologique pour les hommes violents, cofinancés à 50% par l’État.

L’Etat entend sensibiliser la jeunesse et la responsabiliser à travers la formation et l’éducation. Le chef du gouvernement a par ailleurs annoncé le souhait de permettre aux professionnels de santé de participer à la lutte contre les violences conjugales et féminicides en offrant « la possibilité aux médecins de déroger au secret médical lorsque cela peut sauver des vies ».

Si la cause a rassemblé des milliers de femmes en France et à travers le monde, il faut admettre que l’Afrique a été bien muette sur le sujet.

Dr Albert Kouakou Yao, sociologue et Enseignant-chercheur à l’UFR de Sociologie de l’Université Lorougnon Guédé de Daloa s’est confié sur le sujet à 7info.

« La violence physique sur les femmes dont vous parlez fait partie de ce que nous appelons, les Violences Basées sur le Genre (VBG) » déclare-t-il, avant de reconnaître l’existence de la violence physique, « la plus manifeste » et précise qu’il existe d’autres formes de violences comme « la violence économique, psychologique, émotionnelle ». Selon lui, la violence physique faite aux femmes tire son origine de « la sphère culturelle des peuples (…) qui se manifeste par des brimades, des tapes, des gifles, des blessures » commente-t-il.

« Lorsque pendant un mariage, les parents donnent un fouet ou une verge au mari, on encourage ainsi et on tolère à l’avance toutes les brimades que ce dernier fera subir à cette femme simplement parce qu’elle est sa femme » soutient-il. Le sociologue déplore le fait que les femmes soient chosifiées dans la culture africaine et qu’elles ne constituent « que des recours dans l’arrière-cour de la vie sociale ». Pour Dr Kouakou Yao, la culture africaine admet simplement que « la femme vient toujours après l’homme, qu’elle ne se place non pas à côté de lui dans une perspective d’égalité, mais toujours derrière l’homme » commente-t-il.

 « Lorsque nous tolérons qu’une femme soit battue par son époux ou lorsqu’elle est battue, elle n’a aucun recours car ses parents lui diront, c’est ton mari, il a le droit de te corriger si tu fais des bêtises et l’agent de police lui dira, c’est entre toi et ton mari, allez régler ça en famille » rapporte le Sociologue.

Par ailleurs il souligne l’importance des autorités et de la justice qui doivent constituer «des interlocutrices crédibles et des recours efficaces» pour les femmes victimes de violences.

 « Les familles doivent éduquer les enfants en faisant la promotion de l’entrée des filles dans les filières classiques, dites filières masculines, qui permettent aux hommes d’occuper des postes de Direction et de responsabilités au détriment des femmes, parce que celles-ci ne s’orientent généralement que dans des filières, qui en réalité, ne font que prolonger le travail domestique de la femme dans le travail salarié » appuie le sociologue. « Le socle, c’est l’éducation de la femme (…) Le jour où nous accepterons de ne plus tolérer la violence faite aux femmes pour quelle que raison que ce soit, de traiter l’homme et la femme selon le principe de justice sociale, ce jour-là, nous verrons les violences faites aux femmes diminuer » conclut-il.

Manuela POKOSSY-COULIBALY

7info

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