Société

Entretien, Aurore Garnier directrice associée d’ISAO : « Identifier les risques auxquels les entreprises sont confrontées et de les réduire, incombe à la sûreté »

Mis à jour le 4 mars 2021
Publié le 18/03/2020 à 9:05 , , , ,

Qu’est-ce que la sureté et pourquoi l’organisation d’un colloque sur le sujet. Dans cet entretien, Aurore Garnier la directrice associée d’ISAO, opérateur économique qui intervient dans le secteur de la sécurité, situe le cadre cet événement dont la tenue est décalée à cause de l’actualité sur la maladie à coronavirus.

Vous avez décidé de reporter au 19 juin prochain l’organisation d’un important colloque sur la « sûreté, vecteur de croissance pour les entreprises », auquel devaient participer d’importantes personnalités, à cause de l’actualité sur le coronavirus. Qu’est-ce qui est à l’origine de l’idée de ce colloque?

ISAO est un groupe dédié aux questions de sûreté et de gestion des risques en Afrique de l’Ouest. Or, nous avons constaté depuis 6 ans, que, contrairement à d’autres régions du monde, la fonction sûreté est généralement méconnue des entreprises implantées dans la sous-région. De surcroît, la sûreté privée est souvent taxée de vouloir se substituer aux États. Ce n’est absolument pas le cas. La fonction sûreté intervient en complément et en soutien des forces de sécurité, dont le rôle est de protéger les citoyens. C’est pour sensibiliser les dirigeants d’entreprise et démontrer également qu’un partenariat gagnant-gagnant est possible entre l’État et les entreprises privées de sûreté que nous avons décidé de réunir à la fois des décideurs publics et des experts de haut niveau, Ivoiriens, Ouest-Africain et Occidentaux autour du thème : la sûreté vecteur de croissance pour l’entreprise. L’objectif de ce colloque est de s’adresser aux chefs d’entreprises et de les éclairer sur les menaces auxquelles ils sont ou seront confrontés dans les années à venir et sur leurs responsabilités juridiques vis-à-vis de l’entreprise et de leurs personnels. Aujourd’hui, la fonction sûreté permet d’anticiper et de réduire les risques, si elle est menée par des experts et dans le respect des réglementations internationales. Nous sommes convaincus qu’à travers ces réflexions, pourra naître une sûreté ouest-africaine professionnelle, intégrée comme fonction essentielle dans l’entreprise, à l’instar de la RSE ou des QHSE. La crise du Covid-19 nous impose de le décaler au 17 juin prochain mais les questions seront d’autant plus pertinentes après cette crise. Tous nos intervenants ont pris date et seront parmi nous si la situation sanitaire internationale nous le permet.

Quelle distinction faites-vous entre la sécurité et la sûreté?

La sûreté et la sécurité relèvent des mêmes mécanismes. Elles ont pour objet de prévoir et de réduire l’exposition aux risques de l’entreprise. La distinction entre ces deux fonctions repose sur la notion d’intention. La sécurité concerne les actes accidentels (c’est le cas aujourd’hui du COVID 19 – toutes les pandémies, les catastrophes naturelles, les accidents, etc.). C’est l’intégration de ces questions dans les fonctions essentielles de l’entreprise qui ont permis d’imposer des Équipements de Protection Individuelle sur les chantiers ou des dispositifs anti-incendie. La sûreté, quant à elle, s’intéresse aux actes de malveillance, là où il y a volonté de nuire. C’est bien évidemment le terrorisme, mais également le sabotage, le vol et toutes les formes de criminalité, notamment la partie cyber, les fraudes et la contrefaçon, etc. Nous travaillons tous les jours à identifier, analyser les risques qui pèsent sur nos clients et à mettre en œuvre les mesures et les dispositifs leur permettant de poursuivre leurs activités, de finaliser leurs projets, dans les meilleures conditions possibles, et même en cas de dégradation de la situation. La sûreté a pour but de permettre et non d’interdire.

A quelles conditions des entreprises privées peuvent-elles prendre en charge une fonction, la sécurité, qui est généralement dévolue à l’Etat ?

Les entreprises de sûreté et de sécurité n’ont absolument pas vocation à se substituer aux Etats. Même dans des cas de délégation de service public. C’est le cas pour nous à Dakar où nous opérons avec Teranga sûreté aéroportuaire la sûreté de l’aéroport international, mais sous la tutelle et la stricte supervision, contractuellement formalisées, des forces de défense et de sécurité, qui restent les primo-intervenants en cas d’incident sur la plateforme. Travailler en partenariat avec l’Etat ou en soutien des forces de défense et de sécurité sur ces questions de sûreté et de sécurité engage à disposer de personnels formés et qualifiés, capables d’apporter une expertise et de travailler sur des secteurs sensibles ou stratégiques. Cela nécessite un sens de l’éthique, de la confidentialité et un sens des responsabilités important.

Faut-il réformer le secteur de la sécurité privée ?

La décision de réformer le secteur de la sécurité est éminemment politique. Nous savons que ces dernières années, les autorités ont entamé une profonde réflexion à ce sujet. Mais je suis convaincue que c’est également aux opérateurs économiques de faire évoluer le domaine de la sûreté et de la sécurité. Lorsque les dirigeants d’entreprise auront pris conscience de ce que peut leur apporter la fonction sûreté, ils exigeront des prestations de qualité et des garanties de performance. C’est aussi l’évolution de la demande qui changera profondément la nature de l’offre. Je pense qu’aujourd’hui les nouvelles générations de chefs d’entreprise comprennent que la sûreté doit faire partie intégrante des fonctions essentielles de l’entreprise. De la même manière qu’ils font appel à des experts pour les questions fiscales ou juridiques, ils feront appel demain à des experts pour les questions de sûreté.

ISAO est une entreprise africaine, de dimension sous-régionale. Pourquoi ce choix ?

Comme nous l’avons évoqué, la sûreté permet d’identifier les risques auxquels l’entreprise est confrontée et de les réduire, ce qui implique une bonne analyse de la situation sur le terrain. Cette connaissance et compréhension de l’environnement nécessitent un ancrage construit dans la durée et ce qui nous a poussé à créer une société dans une zone délimitée, favorisant les compétences locales et les mettant en œuvre de manière à répondre aux standards internationaux. Notre encrage local nous permet de mieux comprendre notre environnement et d’apporter à nos clients des réponses adaptées aux enjeux identifiés. Alors que jusqu’à aujourd’hui, on importait des modèles et des expertises exclusivement occidentales.

De surcroît, sur les 700 personnels que nous déployons, plus de 30% sont issus des forces de défense et de sécurité. C’est un choix – cela permet de valoriser l’expérience de nos anciens, acquise tout au long de leurs carrières, de la transmettre aux plus jeunes et de fluidifier nos rapports avec les forces de défense et de sécurité.

Propos recueillis par Philippe Di Nacera

7info.ci

7info.ci_logo

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter 7info

L’INFO, VU DE CÔTE D’IVOIRE