Côte d’Ivoire

Administration du territoire- Mise sous tutelle des mairies du Plateau et Port-Bouët…, voici ce que dit la loi, Politologue: « l’Etat est dans son droit »

Mis à jour le 3 janvier 2019
Publié le 03/01/2019 à 7:09 , ,

C’est l’actualité en Côte d’Ivoire. Des délégations spéciales seront en charge des communes du pays, dans lesquelles les conseillers municipaux n’ont pu être installés avant fin 2018. Ainsi ce mercredi 2 janvier, le préfet d’Abidjan, Vincent Toh Bi Irié, a officiellement pris la direction des communes de Port-Bouët et du Plateau. Le camp du maire élu de la dernière commune citée, Jacques Ehouo, dénonce une spoliation.

« Le ministre de l’Intérieur a l’honneur de porter à la connaissance des maires, adjoints aux maires, conseillers municipaux, conseillers municipaux, secrétaires généraux de mairies et populations de Booko, Grand Bassam, Plateau, Port-Bouët, et Rubino que conformément à la réglementation en vigueur, les conseils desdites communes n’ayant pu être installés au 31 décembre, date d’expiration des anciens conseils, il est mis en place des délégations spéciales présidées par les préfets des départements concernés à l’effet d’assurer la continuité du service public communal, à compter du premier janvier 2019… », Voici le communiqué du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, qui donne plein pouvoir aux préfets de départements pour une gestion transitoire des communes non encore fonctionnelles. La période s’étend sur trois mois renouvelables deux fois. Selon le juriste-analyste politique, Geoffroy Kouao Julien, cette décision du ministère n’est pas anticonstitutionnelle.

« A la lecture des articles 43 et suivants de la loi du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales, je peux répondre que l’Etat est dans son droit. Vous savez que les communes sont des entités décentralisées, ce sont donc des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie, et c’est là que se trouve le problème. L’autonomie, par essence,  est limitée, conditionnée et relative. Qu’est-ce à dire ? Cela veut dire que les communes s’organisent et fonctionnement sous le contrôle de la tutelle, c’est-à-dire le pouvoir central. Pour faire simple, la tutelle contrôle les actes et les organes de la commune. Par exemple, le pouvoir central peut dissoudre le conseil municipal, le pouvoir central peut annuler le budget communal et, en cas de besoin, la tutelle peut gérer directement la commune, c’est l’hypothèse de la délégation spéciale, etc. Autrement dit, la libre administration des collectivités locales en Côte d’ivoire est limitée par le contrôle de la tutelle », analyse-t-il pour Poleafrique.info qui l’a joint.

A Abidjan, c’est le Préfet Vincent Toh Bi Irié, qui est aux commandes des communes du Plateau et de Port-Bouët depuis ce mercredi. Il supplée les équipes municipales qui n’ont pu y être installées soit pour contentieux électoral (Port-Bouët), ou pour des questions administratives (Plateau). Le juriste revient aussi sur les faits. Selon Geoffroy Kouao Julien, plusieurs situations auraient pu permettre l’installation du conseil municipal car ce n’est pas le même cas de figure.

« Le cas du Plateau est différent des autres communes concernées. En effet, au Plateau, les résultats ont été validés par la chambre administrative de la Cour suprême. Cependant, une plainte au pénal a été déposée contre la tête de liste. Du strict point de vue du droit, il n’y a pas de problème quant à l’installation du conseil municipal. D’abord, parce que le conseil peut désigner n’importe lequel des conseillers comme maire de la commune, ensuite, aucune décision de justice n’est intervenue pour condamner le mis en cause, donc jusqu’à preuve du contraire, il est présumé innocent. Il revient à la tutelle de convoquer les conseillers pour qu’ils élisent à leur tour le maire. Ce qui à l’évidence a été fait. Mais le conseil n’a pu se réunir pour des circonstances de fait. Il serait heureux pour notre démocratie que les conseillers municipaux des communes concernés soient installés le plus vite possible », recommande-t-il.

Quelques heures avant la prise en main de la gestion de la commune du Plateau par le préfet d’Abidjan, les avocats de Jacques Ehouo, maire élu de cette circonscription à l’issue des élections du 13 octobre dernier, animaient une conférence de presse au siège du PDCI-RDA. Ils dénonçaient cette décision du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité et ont annoncé la saisine de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, afin de la faire annuler. Ils estiment « qu’il n’y a pas de motifs sérieux allégué qui empêchent l’installation du maire élu ». Une situation qui crée un véritable tollé politique dans le pays. Chacun y va de son commentaire en attendant une issue favorable à cette petite crise.

« Les actes pris par les autorités centrales sont des actes réglementaires donc des actes administratifs. Le ministre et le préfet ont agi en qualité d’autorités administratives. De ce qui précède, les personnes qui y ont intérêt peuvent saisir la chambre administrative de la cour Suprême pour demander l’annulation des actes. Mais au-delà de la procédure judiciaire, la question relève du débat public, il est donc indiqué que le ministre de l’intérieur et les personnes concernées débattent publiquement pour éclairer davantage l’opinion publique. L’absence de débat public contradictoire dans une telle affaire qui suscite tant de commentaires n’honore pas notre démocratie » conclut l’écrivain juriste, Geoffroy Kouao Julien.

Le Préfet d’Abidjan et maire intérimaire des communes du Plateau et de Port-Bouët, Vincent Toh Bi Irié, explique dans une vidéo postée sur sa page Facebook, les motivations de la décision du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. « Les actes posés sont purement administratifs, il n’y a rien de politique », rassure-t-il.  

Éric Coulibaly

Poleafrique.info

 

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