Côte d’Ivoire

Un magazine homosexuel annoncé en Côte d’Ivoire, des journalistes ivoiriens prennent position

Mis à jour le 8 juillet 2023
Publié le 08/07/2023 à 10:02 , , , , , , , ,

Un journal consacré aux lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres (LGBT+) dans les kiosques à journaux. En Côte d’Ivoire, cela pourrait bientôt être une réalité. Un promoteur y travaille. Mais l’annonce de cette publication ne plaît pas à tous dans le milieu de la presse ivoirienne.

Le magazine n’est pas encore sur le marché. Toutefois, ce journal dédié aux personnes homosexuelles pourrait être affiché dans les kiosques à journaux comme tout autre journal si le souci d’impression soulevé dans un organe de presse français, trouve solution.

Mais déjà, l’arrivée prochaine de ce magazine fait débat. Dans le milieu des journalistes ivoiriens la question fait réagir.

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« Pourquoi chercher à connaître les avis sur cette publication annoncée quand on sait que ordinairement lorsque la sortie d’un média est annoncée on n’a rarement vu des journalistes interroger leurs confrères ? », s’interroge Nesmon De Laure, une journaliste ivoirienne.

Pour elle, il n’y a pas d’inconvénients à la parution en Côte d’Ivoire d’un magazine consacré aux LGBT+. Elle estime que c’est une réponse à l’invisibilité des minorités dans les médias classiques.

« Les médias classiques consacrent plus de temps aux stars du showbiz et de la sphère politique. Rarement on voit les femmes, les jeunes, les personnes en situation de handicap, les personnes LGBT+. C’est donc une alternative et c’est une interpellation qui est faite aux médias dans un pays comme le nôtre de s’ouvrir davantage », commente-elle pour 7info.

La publication d’un tel magazine, ajoute la journaliste ivoirienne, est également une question de respect des droits humains et principalement de la liberté de la presse.

« La Côte d’Ivoire est un pays qui adhère à la déclaration universelle des droits de l’homme. La liberté d’expression fait partie des droits humains. Et justement les médias contribuent à cette liberté d’expression. Que dans la sphère, puisse apparaître un magazine consacré aux LGBT+, il rentre dans le cadre universel de la question de la liberté d’expression mais également de la liberté de la presse qui fait partie des principes démocratiques… c’est une continuité du combat mené par nos devanciers lors du printemps de la presse dans les années 1990. Et si c’était un nouveau printemps de la presse qui permettait encore que des voix minoritaires puissent davantage s’exprimer ? », s’interroge Nesmon De Laure.

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En Côte d’Ivoire, l’homosexualité n’est pas pénalisée. Depuis quelques années, les initiatives en faveur de la promotion de cette orientation sexuelle se multiplient. Les plus récentes ont été enregistrées en 2023. Le 13 mai 2023 à Abidjan, s’est tenue la troisième édition du festival LGBT+, Awawalé, afin d’alerter sur la vulnérabilité socio-économique des personnes LGBT+. C’est aussi dans ce même mois de mai que l’annonce de la parution prochaine de ce magazine dédié aux personnes homosexuelles a été faite.

« Si ce journal est autorisé à paraître, c’est parce que la loi ivoirienne ne s’oppose pas à la pratique des actes sexuels contrenature comme l’homosexualité. Mon regard sur le sujet est qu’il est dommage que nos États africains se sentent obligés d’imposer tout ce qui vient de l’Occident à leurs peuples et à leurs opinions publiques. La tradition wê, qui est la mienne, bannit l’homosexualité. La religion chrétienne, que je pratique, condamne cette identité sexuelle. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas soutenir la promotion de cette pratique par la presse ivoirienne qui est ma famille professionnelle », réagit Firmin Yoha, joint 7info.

En revanche, il précise être opposé à tout acte de violence perpétré contre la communauté LGBT+.

« En Côte d’Ivoire, il existe une apparente mais trompeuse unanimité contre l’homosexualité.
Le 8 juillet 2013, à Korhogo, Alassane Ouattara a voulu, au milieu de la polémique, clore le débat. ‘’Nous avons des lois en Côte d’Ivoire et des traditions. La France fait ce qui est conforme à ses traditions, les États-Unis aussi. La Côte d’Ivoire a sa propre tradition’’. Le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, est du même avis. Le 1er avril 2022, la Chambre basse du Parlement a adopté un article révisé du Code pénal qui, contrairement au projet de loi initial, ne fait plus mention de « l’orientation sexuelle » comme une discrimination. Mais, la parution d’un magazine dédié aux LGBT+, l’affichage de leur drapeau multicolore au siège de l’Union européenne et de l’ambassade des USA à Abidjan montrent clairement que les réalités jurent avec les déclarations des autorités pour noyer le poisson. Car, en Côte d’Ivoire, aucune loi n’interdit ni n’autorise l’homosexualité. Sous la pression des bailleurs de fonds et des puissances occidentales, c’est un flou cultivé à dessein pour prendre à rebrousse-poil nos « traditions, nos valeurs morales et culturelles ». Cette situation hybride ouvre, en effet, le champ à la tolérance légale dans laquelle prospère, au vu et au su de tous, cette communauté qui revendique publiquement ses orientations sexuelles. Car ce qui n’est pas illicite est licite », commente, Ferro Bally, l’ancien rédacteur en chef central du groupe Fraternité Matin.

Pour l’heure, l’UNJCI, la faîtière des journalistes ivoiriens n’a pas encore réagi sur la question. Mais en son article 14, le code de déontologie du journaliste ivoirien dispose que le journaliste doit « S’abstenir de toute atteinte à l’éthique sociale : incitation au tribalisme, à la xénophobie, à la révolte, à la violence et aux crimes et délits ; outrage aux bonnes mœurs, apologie de la guerre, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».

Richard Yasseu

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