Eco-business

Thibeaut Yoro, SG de la CSA-CI : « Pourquoi nous voulons faire grève »

Mis à jour le 28 juillet 2022
Publié le 27/07/2022 à 6:00 , , ,
Les producteurs de café-cacao ne sont pas contents. Ils ont décidé d’entrer en grève le 3 août 2022. Dans cette interview, Thibeaut Yoro, secrétaire général de la Centrale syndicale agricole de Côte d’Ivoire (CSA-CI), nous donne les raisons de cette décision.

Quels sont les problèmes qui minent la filière café-cacao ?

Depuis une dizaine d’années, la filière est dans un état délabré. Elle ne se porte pas bien. Cela peut être constaté dans des localités où les paysans broient le noir. On a beaucoup de difficultés liées à la pénurie de sacherie-brousse. Il y a de sérieux problèmes dans la filière café-cacao.

Vous parlez de pénurie de sacherie-brousse et pourtant le Conseil Café-cacao fait l’effort d’approvisionner les producteurs. Qu’en est-il réellement ?

Effectivement, le Conseil fait un peu d’effort, mais il ne commande que 6 millions de sacs par campagne. Ce nombre est insuffisant. Parce que le besoin en sacherie est immense. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de planteurs. On peut évaluer la quantité de sacs à 10 millions, or, le Conseil café-cacao ne commande que 6 , c’est d’ailleurs l’une des raisons des pénuries de sacs que nous rencontrons à chaque campagne.

Le Conseil est-il informé de cette situation ?

Oui. Le Conseil café-cacao est suffisamment informé de cette situation. Nous leur avons adressé plusieurs courriers pour faire part de la situation, mais rien n’a été fait. Sûrement qu’ils n’ont pas de solution à cette pénurie de sacs. Ils nous font croire que FILTISAC qui est la société concessionnaire serait dans l’incapacité de produire plus de sacs. Ce qui est archi-faux, car nous avons approché les responsables de cette entreprise. Ils nous ont démontré qu’ils ont le matériel et la technicité adéquate pour produire plus. Sauf qu’on ne leur commande que 6 millions de sacs. Et ce qui est grave, le Conseil paie à crédit. Donc le problème de la sacherie est vraiment réel.

Certains producteurs se plaignent de la mévente de leurs produits. À quoi cela est-il dû ?

La mévente est due en grande partie au bras de fer qui oppose le Conseil café-cacao aux multinationales sur l’application du Différentiel de revenu décent (DRD) qui était censé améliorer les conditions de vie des producteurs. Malheureusement, malgré son application depuis un certain temps, on ne voit pas son impact sur le revenu du paysan. Parce que le prix bord-champ dans les campagnes n’est pas respecté.

LIRE AUSSI : Cacao Côte d’Ivoire-Ghana : 220 000 FCFA par tonne, reversés aux producteurs

Vous affirmez que le prix bord-champ n’est pas respecté. Avez-vous informé le Conseil café-cacao ?

Évidemment que le Conseil café-cacao est informé de cette situation, mais il est dans une incapacité d’action. Le Conseil n’a pas de solution face aux acheteurs véreux qui ne respectent pas le prix bord-champ. Et c’est vraiment une grosse difficulté pour nous les producteurs.

Êtes-vous en train d’insinuer que le Conseil café-cacao n’arrive pas à résoudre les problèmes des planteurs ?

Oui, le conseil est impuissant. En le disant, cela n’est pas une erreur, mais une vérité. Le non-respect du prix bord-champ ne date pas d’aujourd’hui. C’est une gangrène qui mine la filière café-cacao. Nous ne savons pas pourquoi à chaque fois qu’on fait remonter l’information au Conseil café-cacao, il n’a jamais trouvé de solution appropriée. Lorsqu’un met la main sur des acheteurs véreux, ils sont aussitôt relâchés. Ils ne sont pas punis comme le veut la loi, c’est aussi un souci pour nous.

Pourquoi menacez-vous d’entrer en grève le 3 août prochain ?

Nous avons lancé un préavis de grève pour le 3 août prochain pour dénoncer un certain nombre de choses. D’abord la gestion unilatérale des fonds Covid-19, qui s’élèvent à 17 milliards de FCFA, que le président de la République Alassane Ouattara a donnés à la filière café-cacao. Cet argent a été mal géré. Contrairement à une grille de répartition qui avait été élaborée par les producteurs en assemblée qu’on a soumis au DG du Conseil Café-cacao. Il a décidé une clé de répartition qui n’a pas été décidée en Assemblée. Nous avons demandé 40 % pour les coopératives, 35 % pour les associations et les syndicats et 25 % pour les producteurs individuels. C’est ce qui avait été décidé malheureusement, Monsieur Yves Koné a décidé de faire autre chose. Dans un premier temps, il avait promis 2 millions de FCFA aux trois différentes organisations que j’ai citées. Quelque temps après, il a décidé de donner non 2 millions de FCFA comme il a décidé, mais 500 000 FCFA. Raison pour laquelle nous avons décidé de faire la grève pour que le président de la République sache que nous sommes confrontés à des problèmes. Parce que certains font des rapports au chef de l’État qui en réalité ne définissent pas la réalité du terrain. Pour ne pas que l’image du président soit salie au sein de la filière café-cacao, nous avons décidé de nous faire entendre à travers cette grève.

 

7info.ci_logo

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter 7info

L’INFO, VU DE CÔTE D’IVOIRE