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Restitution des œuvres d’art – la directrice du Musée d’Abidjan réagit: « Pour l’heure, nous voulons que ces objets restent là bas »

Mis à jour le 26 novembre 2018
Publié le 23/11/2018 à 4:31 , ,

Ce vendredi 23 novembre 2018, la française Bénédicte Savoy, historienne de l’art, et l’écrivain et universitaire sénégalais Felwine Sarr remettent au Président français Emmanuel Macron un rapport relatif à la restitution d’œuvres spoliés aux pays africains lors de la période coloniale. Cette nouvelle est bien accueillie par Sylvie Memel Kassi, directrice du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire interrogée par poleafrique.info. Toutefois, elle se veut prudente au sujet de la conservation de ces œuvres une fois acheminées. Selon elle, des conditions restent à remplir.

Emmanuel Macron l’avait dit. Promis même. Le 28 novembre 2017, le président français délivrait à l’université Ouaga 1 au Burkina Faso un discours sur les liens entre la France et l’Afrique. N’éludant rien, M. Macron aborde l’épineuse question de la restitution du patrimoine artistique africain. La situation des œuvres africaines est unique en son genre : 85%, voire 90, du patrimoine africain se trouverait actuellement hors de son continent, selon les deux experts mandatés par le Président.

« Je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France. Il y a des explications historiques, mais pas de justification valable, durable et inconditionnelle, le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens. Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou, ce sera une de mes priorités. Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique » déclarait-il devant un parterre d’étudiants.

Ce vendredi, donc, lui est remis un rapport. Le texte stipulerait un accord bilatéral entre l’État français et chaque État africain concerné pour la restitution de biens. Ces biens culturels sont ceux sortis de leur territoire d’origine lors de la période coloniale (1885-1960).

La proposition la plus radicale du rapport préconise de revoir le code du patrimoine. En effet, selon la loi en vigueur, toute œuvre d’art appartenant à l’État français est essentiellement inaccessible. Réformé, le code permettrait des restitutions en bonne et due forme. Le rapport propose également l’inscription d’un nouvel article. Ce dernier mentionnerait que les œuvres soient restituées dans le cadre d’un accord bilatéral de coopération culturelle entre les États. Cela laisse sous-entendre que seules les œuvres comprises dans les collections nationales françaises seraient concernées par la réforme.

Ce serait aux États africains, après avoir consulté une liste établie par le gouvernement français, de choisir et demander le rapatriement des chefs-d’œuvre. Au delà du signal culturel, la restitution de ces biens représenterait pour ces pays d’Afrique une aubaine économique : développement de musées, promotion du tourisme et de facto; des créations d’emplois.

« En tant que professionnelle des musées et du patrimoine, j’accueille cette nouvelle avec beaucoup de joie. Cela nous donne l’espoir que les œuvres parties hors du continent reviendront sur leur terre de source. Mr. Macron nous donne la possibilité d’espérer que l’identité des peuples soit reconnue et mieux revalorisée. Au niveau des collections que nous avons, la période de la colonisation est mal fournie en œuvres. Nous avons très peu d’objets du XIXe siècle. Si ces œuvres reviennent, cela provoquera un enrichissement historique. Pour nous c’est une véritable lueur d’espoir et en Côte d’Ivoire, nous appuyons l’initiative », est heureuse Sylvie Memel Kassi, directrice du musée des civilisations de Côte d’Ivoire interrogée par Poleafrique.info

Concernant la capacité du pays à accueillir et à conserver correctement les potentielles œuvres, Memel Kassi se veut réaliste. « Pour l’heure, nous voulons que ces objets restent là bas. Ici, les conditions ne sont pas encore tout à fait réunies, mais nous nous attelons à le faire. Il faut être prêt à trois niveaux : juridique, institutionnel et technique. Juridiquement, la loi est en actualisation par rapport à la question des restitutions. Au niveau institutionnel, le gouvernement a annoncé la construction d’un nouveau musée des civilisations, beaucoup plus grand que celui-ci. Ce dernier sera à la pointe des normes de conservation et de sécurisation. Au niveau technique, nous avons besoin de nous équiper, de nous armer. Toutes ces choses sont en train d’être pensées ».

Victor Merat, stagiaire

Poleafrique.info

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