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Interview, Contrôle de la gouvernance sécuritaire, Guillaume Gbato, SG Syndicat de la presse privée de Côte d’Ivoire « que les articles 68,69 et 73 soient retirés de la loi sur la presse »

Mis à jour le 2 janvier 2019
Publié le 09/03/2017 à 12:48

Une nouvelle loi sur la presse adoptée en commission fin 2016, est sur la table des députés ivoiriens. En attendant la nouvelle session parlementaire,  Guillaume Gbato, secrétaire général du  Syndicat de la presse privée de Côte d’Ivoire plaide pour  le retrait de certains articles « anachroniques » de la loi existante maintenus dans le texte.Politikafrique.info l’a interrogé en marge d’une rencontre qui se tient du 8 au 11 mars 2017 à Yamoussoukro sur le contrôle démocratique de la gouvernance sécuritaire.
Pourquoi indexez-vous les articles 68, 69 et 73 de la loi sur la presse comme un frein au contrôle de la gouvernance sécuritaire ?
Les deux lois de 2004 qu’on appelle les lois jumelles sur le statut juridique de la presse écrite et de la communication audiovisuelle ont été le fruit de longues batailles au niveau de la profession pour que les questions d’emprisonnement des journalistes soient supprimées. Il se trouve qu’il y a trois articles dans cette loi qui sont utilisés par le procureur et par le pouvoir public pour essayer d’intimider, d’embrigader les journalistes en les gardant à vue. Ces trois articles ramènent, pour la disposition 69 au code pénal pour un certain  nombre de délits et l’article 73 qui dit que les informations, même exactes, si elles sont interdites, peuvent conduire l’auteur de l’article  à des peines d’emprisonnement. Nous pensons que c’est anachronique. C’est comme si le même texte donnait d’une main et reprenait de l’autre.
Que recommandez-vous dans ce cas ?
Puisque nous avons la chance d’avoir ces textes sur la table des parlementaires, notre volonté est de faire en sorte que ces articles soient purement et simplement retirés de la loi pour que les questions de gestion des délits de presse par voie de presse restent au niveau des amendes pécuniaires ou des sanctions administratives. Nos  6 confrères ont été arrêtés puis relâchés par la mobilisation de la profession. Le Conseil National de la Presse (CNP) qui est l’organe de régulation ne savait pas quoi faire. Il a été coiffé par le procureur. On ne peut pas créer des structures comme le CNP avec tous les pouvoirs qu’on lui reconnait et le faire supplanter parce que trois articles permettent au procureur de faire ce qu’il veut.
Quelles sont les démarches que vous comptez mener pour aboutir au retrait de ces dispositions ?
Il faut que l’ensemble de la profession se mobilise. Les deux projets sont déjà sur la table des députés. Il va avoir une session qui va s’ouvrir d’ici à avril 2017.La session unique est de 9 mois. Il faut qu’urgemment, les organisations professionnelles des médias, mais aussi les organisations de défense des droits de l’homme ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme se mobilisent pour qu’on puisse faire comprendre aux députés qui vont voter les nouvelles lois que ces trois articles sont très dangereux pour la liberté de la presse et aussi pour l’image de notre pays. Quand les journalistes sont trainés devant la brigade de recherches ou sont détenus, cela fait un tollé. La Côte d’Ivoire n’a pas intérêt à continuer de se donner en spectacle. Il faut que dès que la session ouvre, on puisse discuter avec les groupes parlementaires et le président de l’Assemblée nationale pour qu’ils soient sensibilisés.
La loi de 2013 sur  l’accès aux informations d’utilité publique comporte des restrictions dont le secret-défense, le secret des affaires et autres. Le retrait des trois articles de la loi sur la presse mentionnés plus haut, est-il suffisant pour faciliter le contrôle de la gouvernance sécuritaire?
Quand on voit ces lois, la Côte d’Ivoire donne le sentiment d’avoir peur d’avancer, peur de rejoindre les nations qui sont progressistes en matière de liberté d’accès à l’information comme le Libéria et l’Afrique du Sud qui font partie des meilleurs au monde sur le sujet. Les restrictions de la loi ivoirienne sur l’accès aux informations d’utilité publique, montrent une frilosité de la part des pouvoirs publics. Il faut qu’ils sachent que la liberté est toujours utile. Il faut laisser les gens travailler librement.
Que répondez-vous au citoyen lambda qui verrait dans votre réponse une volonté du journaliste de se  mettre au-dessus du secret-défense, voire de l’enfreindre ?
Partout dans le monde, il existe le secret-défense. Ceux qui sont chargés des questions de défense doivent faire leur travail. Si ce qui est censé être secret se retrouve dans la presse, ce n’est pas la faute au journaliste. C’est la faute à celui qui devait garder le secret.
Interview réalisée à Yamoussoukro par Nesmon De Laure
Source : Redaction politikafrique.info

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