Analyses

Campagne présidentielle : où est passée la boussole? / Philippe Di Nacera

Mis à jour le 4 mars 2021
Publié le 03/09/2020 à 4:45 , ,

Cela restera sûrement l’une des images les plus drôles et inattendues, mais aussi les plus malvenues, de la campagne présidentielle de 2020 : un ministre de la République, monsieur Adjoumani, par ailleurs porte-parole du parti présidentiel, convoquant la presse sur le parvis de la cathédrale d’Abidjan pour y lire une déclaration censée répondre point par point à celle prononcée la veille, telle une homélie, par l’archevêque d’Abidjan, le Cardinal Kutwa.

Le cardinal avait tiré le premier. À l’issue d’une proclamation qui avait bien commencé, dans laquelle il jouait son rôle de pasteur, appelant au dialogue,  à la modération durant la campagne présidentielle et la Paix en Côte d’Ivoire, il avait introduit la phrase qui fâche : « La candidature d’Alassane Ouattara n’est pas nécessaire ». Il aurait voulu chercher palabre, il ne s’en serait pas pris autrement…

Et voici les Ivoiriens, hilares et stupéfaits, assistant à cet échange de fond de court, digne de Wimbledon, entre un religieux, dont ce n’est pas le rôle dans un État laïc, et un bouillonnant ministre qui cherchait le coup médiatique et ne trouva qu’un coup d’épée dans l’eau. Car si les mots de réponse du ministre étaient relativement modérés, le geste de les prononcer devant la cathédrale a été fort mal apprécié des Ivoiriens. Il n’a eu que pour conséquence de donner une résonance mondiale du plus mauvais effet pour l’image de la Côte d’Ivoire aux propos, certes malheureux, mais jusque là confidentiels à l’extérieur du pays, tenus par leader catholique. Monsieur Adjoumani a du coffre. Il ne s’attendait pas à ce que cette image, d’un bond de géant, traverse l’Atlantique, au point que certains hiérarques catholiques américains cherchent à en savoir plus.

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La veille, des jeunes gens qui se disent « leaders de la société civile » déposaient à la Commission Électorale Indépendante, la candidature fictive du préfet d’Abidjan démissionnaire, Monsieur Vincent Toh Bi, à l’élection présidentielle.

Rappelons simplement qu’une élection à la magistrature suprême n’est pas un jeu de télé-réalité qui doit, chaque jour, produire un nouveau rebondissement. Dans un État laïc, les religions doivent rester neutres, les ministres dignes et les citoyens respectueux des institutions.

Cette cacophonie en dit long sur le manque de repères qui se fait jour ces temps-ci en Côte d’Ivoire. Lorsque dans les quartiers populaires, l’on rencontre « les gens de peu », ceux « d’en bas », c’est-à-dire les Ivoiriens du peuple pour discuter avec eux, l’on décèle plus de bon sens que chez ces « grands quelqu’uns », comme ils disent, qui jouent, à coup de surenchère médiatique, de piques et répliques, d’exégèses inutiles du texte fondamental de la République, de fausses manifestations « pacifiques » téléguidées, avec le feu. Eux veulent mieux vivre, tout simplement. Ils se désintéressent du reste. C’est pourtant leur vote que l’on cherche.

On préfèrerait de loin entendre les propositions concrètes des candidats et leurs projets pour la Côte d’Ivoire. Mais sur le front des idées, le silence demeure de plomb.

Philippe Di Nacera

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