Côte d’Ivoire

Application de la peine de mort, quand la justice expédie  les pauvres

Mis à jour le 20 juin 2018
Publié le 11/04/2018 à 12:07
Le lien entre la pauvreté de certains prévenus et l’application de la peine de mort a fait l’objet d’une session au cours  du Congrès régional africain contre la peine de mort ce 10 Avril à Abidjan -Plateau. Le Congrès est une initiative d’ Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM).
  
Les participants au Congrès régional africain contre la peine de mort, à Abidjan, ont fait le point de la situation des pays du continent, dans la lutte contre ce phénomène. Les intervenants de la session plénière « Peine de mort, pauvreté et conditions de détention, d’une journée mondiale à l’autre », relèvent que la pauvreté joue un rôle prépondérant dans la partialité de la justice. Selon eux, elle a une influence directe, sur l’application de la peine de mort.
 
Selon Liévin Ngondji, avocat, président de l’association culture pour la paix, « les condamnés à mort sont en majorité issus des minorités sociales. Aux USA, plus de 40% des condamnés à mort sont des noirs alors que ces derniers représentent 14% de la population » a t-il indiqué avant de citer plusieurs cas de condamnation à mort dont il a été témoin en République Démocratique du Congo, son pays. Pour l’homme de Droit, « la plupart des condamnés à mort ne bénéficient pas d’assistance juridique. Cela montre combien la pauvreté a une large incidence sur le verdict de l’accusé » à t-il achevé.
 
Les cas de jugements expéditifs en Afrique sont légions. Si la RDC a encore du mal à observer un moratoire sur la peine de mort, eu égard aux nombreuses exactions et crimes commis sur son sol, certains pays ont fait des progrès en la matière. Certes le combat n’a toujours pas été facile mais on arrive de plus en plus à l’établissement d’un état de droit où les jugements ne tiennent plus compte de la situation sociale. La tunisienne Bouchra Bel Haj Hmida, avocate et parlementaire a partagé son expérience et celle de son pays.
 
« Je me souviens lorsque je n’étais qu’une jeune stagiaire sans expérience, que des jeunes avaient été arrêtés après une manifestation dans les rues de Tunis, contre la cherté de la vie. Le juge les avait, après requalification des charges, condamné à mort malgré tous les recours et tout ce que nous avons pu entreprendre juridiquement. Ils n’ont eu leur salut que par l’intervention d’Amnesty international. Ces jeunes étaient pauvres et n’avaient droit à aucun avocat. Pourtant quelques temps après, un homme riche avait été jugé équitablement. Je m’en suis plaint mais aujourd’hui les choses évoluent. Je pense que si on arrive à convaincre les populations de l’impact de la pauvreté dans nos agissements juridiques, on fera un grand pas vers une justice plus impartiale » a t-elle réagi.
 
Chaque pays africain fait face à ses réalités. Cela influe parfois négativement sur les décisions de justice. Au Nigéria par exemple, la question de la peine de mort est très sensible eu égard à la situation sécuritaire dans le pays. Colins Okeke, juriste nigérian pour Human Rights Law Service (HURILAWS), reconnaît que le niveau de criminalité dans son pays, ne facilite pas le militantisme en faveur de l’abolition de la peine de mort.
 
«  Le Nigéria a un grave problème de criminalité actuellement dans le nord-est et la zone pétrolière. Chaque jour, ce sont des attaques meurtrières ou des kidnappings qui ont lieu dans ces différentes parties du pays. Dans le système carcéral, il ya deux étapes importantes à prendre en compte. La sentence prononcée et les conditions de détention. Au Nigéria, il est évident que lorsqu’un riche se présente à la police pour diligenter une enquête, celles ci se passent rapidement. Mais quand il s’agit d’un pauvre, c’est tout le contraire. Le système judiciaire nigérian est discriminatoire mais la criminalité conforte le pays dans le maintien de la peine de mort » a t-il argumenté.
 
Le Congrès régional africain contre la peine de mort, a tiré le rideau ce mardi à l’Institut français d’Abidjan. Une déclaration de fin des travaux a sanctionné ce rendez-vous. Les participants se sont tous engagés à travailler davantage, afin d’abolir de manière définitive la peine de mort en Afrique car 13 pays la  pratiquent encore sur le continent.
 
Éric Coulibaly
Source : rédaction Poleafrique.info
7info.ci_logo

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter 7info

L’INFO, VU DE CÔTE D’IVOIRE