Société

Une parcelle de forêt met Gbégui en danger

Mis à jour le 25 juillet 2019
Publié le 25/07/2019 à 11:41 , , , ,

La  crise foncière est la bombe sociale qui pourrait mettre à mal la région de l’ouest montagneux. A Biankouma, la situation est critique. Il ne se passe de semaine sans qu’un conflit lié au foncier n’ai lieu. 

Le dernier en date, la palabre entre autochtones ivoiriens et des non nationaux à Gbegui, où deux jeunes ivoiriens ont reçu des coups de machette, ébranlant toute la sous-préfecture de Kpata.

Une semaine après cet incident 7info.ci s’est rendu dans le village de Gbegui. Mardi 23 juillet, c’est à moto qu’il faut prendre la route. <<Vous allez à Gbegui? La route n’est vraiment pas bonne en saison pluvieuse. Il faut que vous ayez suffisamment d’argent pour louer une moto dont les prix varient entre 8000 et 10000 francs>>, nous indique un jeune homme. A cette gare en bordure de la voie principale, nous sommes accueillis par un motariste prénommé Moussa. Après discussion, direction Gbegui par une route rocailleuse et latéritique par endroits, rendant difficile le voyage. Après plus de deux heures de route, voici Gbegui où le chef du village informé de notre arrivée, attendait avec quelques notables et le président de la jeunesse.

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Après les civilités, nous mettons les pieds dans le plat. Le chef du village nous fait la genèse de ce nouveau conflit.

<<Nous sommes ici dans ce village et aucun jeune n’a vendu de terre à qui que ce soit. Nous avons remarqué une présence étrangère sur nos terres du côté de la montagne Drou. Nous sommes allés vers ces personnes et elles nous ont dit que cette parcelle de terre leur a été vendue par un certain Touré Séhiba du village de Gaoté. Nous leur avons dit que cette partie de terre n’est pas la propriété de Touré Séhiba et que par conséquent, ils doivent arrêter de travailler sur cette parcelle. Depuis cinq ans, ils sont là et nous avons porté l’affaire devant le sous-préfet de Kpata mais sans suite jusqu’au mercredi 17 juillet dernier. Où les envahisseurs ont blessé plus de cinq jeunes de mon village dont deux cas un peu graves>>, relate Soumahoro Wahou Alphonse, chef de village.

Comment en sont-ils arrivés à l’affrontement ? <<Nous étions pour certains au village et d’autres au champ quand une de nos sœurs est revenue du champ en pleurs. Elle nous a fait savoir que les gens que nous chassons depuis longtemps de nos terres ont balayé son champ de riz, maïs et manioc  entièrement. C’est ainsi qu’une vingtaine de jeunes s’est  rendue sur les lieux pour demander les motifs de cette destruction. C’était mal connaître ces gens>> précise le chef de village.

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Selon Véhi Blé Noël, le président des jeunes, <<une fois sur les lieux, nous sommes tombés sur des étrangers prêts à en découdre avec nous. Nous n’avons même pas eu le temps de nous expliquer quand ils ont commencé à nous attaquer. Ils étaient si nombreux que les gourdins, cailloux et autres objets contondants fusaient de partout.  Dans cette débandade, l’un de mes jeunes a reçu une pierre sur la tête, un deuxième a eu un coup de machette au coup. Certains dans la fuite se sont faits mal. Nous avons donc fui devant eux. Et dans les propos qu’ils tenaient, ils nous disaient qu’ils vont faire un Gandié bis si nous ne les laissons pas travailler>>, explique-t-il.

Le village de Gandié, dans la sous-préfecture de Gbonné, a été victime d’une expédition punitive dans la journée  du jeudi 10 mai 2018.Tout le village a été détruit par une horde d’agresseurs. Toutes les maisons ont soit été brûlées ou démolies par les envahisseurs. Si aucune perte en vie humaine n’avait été enregistrée,les dégâts matériels, eux, étaient impressionnants, avec à la clé l’incendie des réserves de vivres… La désolation fut totale en ces temps de grandes pluies.

C’est donc ce remake que projettent ces non nationaux, qui revendiquent cette parcelle de forêt, en exploitation et source de la discorde.

Une plainte est donc posée à la gendarmerie, mais aucune interpellation.

<<Après ces moments chauds, nous avons envoyé nos enfants à l’hôpital et nous avons porté plainte. Nous avons apporté une première convocation et ils n’ont pas répondu à la convocation. Nous avons pris une deuxième mais nous avons peur d’aller leur donner car ils sont dans les campements. Ils continuent de nous narguer sur nos propres terres sans que cela n’émeut personne>>, se désole wahou Alphonse Soumahoro.

<<Nous vivons avec la peur au ventre. Nous sommes en pleine période de travaux champêtres. Les femmes désherbent les champs de riz. Les hommes débroussaillent les plantations de café et cacao. Nous allons certes au champ mais nous avons peur. Des gens qui ont menacé de raser notre village, ne sont-ils pas capables de nous attaquer dans les champs? Nous avons véritablement peur>>, avoue le président des jeunes.

Le chef de la maison sacrée, est quand à lui sans voix. Selon lui, depuis que ce village est créé, c’est la première fois qu’un tel événement arrive. <<Depuis que nous sommes ici, c’est la première fois. Au plus fort de la crise que nous avons traversée, notre village n’a, à aucun moment, connu ce genre de situation. Nous demandons aux autorités de nous venir en aide et qu’une solution soit trouvée à ce problème>>, plaide Soumahoro Gogbé Félix, chef de la maison sacrée. Il fait savoir que <<Les gens disent que cette terre ne nous appartient pas. Depuis que moi je suis ici, il m’a toujours été dit que cette partie de la terre envahie par des quidams sans foi ni loi, appartient à la famille Soumahoro, fondatrice de ce village de Gbegui. Quelqu’un ne peut pas quitter son village alors qu’il a même fui ce village et venir nous spolier de nos terres. Ce n’est pas possible. Nous faisons confiance aux autorités. Nos jeunes ne sont pas des belliqueux. Nous ne ruminons aucune vengeance. Nous voulons que la vérité soir sue et que le tort que nous subissons soit réparé>>, recommande-t-il.

Avec le sous-préfet, Gnahé Gnékpié, 7info.ci, apprend toutes les initiatives en cours pour décanter cette situation qui n’a que trop duré. C’est dans les locaux de la préfecture de Biankouma que le « commandant » fait le point situationnel. <<C’est en 2017 que cette affaire a commencé. J’ai convoqué les uns et les autres et c’est une seule fois qu’ils sont venus. Après plus rien. Je me suis dit les gens ont pu avoir des arrangements entre eux, raison pour laquelle, ils ne ne sont plus venus. Il y a un opérateur qui a acheté 100 hectares à 7 500 000 francs. Et quand l’affaire a éclaté, j’ai sommé ce dernier d’arrêter tous les travaux et quitter cette parcelle. L’homme  m’a écouté et s’est exécuté. Un certain Yoro Dan qui se dit être président d’une ONG qui lutte contre la vente de terre est allé prendre de l’argent avec cet opérateur lui disant que c’est le sous-préfet qui t’a chassé et non nos parents. Et le type est revenu s’installer de force. Il est là et exploite la parcelle. Il y a beaucoup de cas comme celui-ci et ceux qui sont sur les réseaux sociaux, se faisant passer pour des donneurs de leçon sont plus dans de sales coups que les parents au village>>, regrette le sous-préfet de Kpata, Gnahé Gnékpié.

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Pour le cas de Gbegui, le sous-préfet envisage se rendre dans le village avec les agents du ministère de l’Agriculture et du développement rural pour une délimitation qui mettra fin à tout conflit. <<Le 2 août prochain, je me rendrai sur les lieux en compagnie de la gendarmerie et des agents de l’agriculture pour délimiter cette parcelle. Les gens de Gaoté disent être propriétaire de cette terre. Car, dans les temps anciens, une de leur fille s’est mariée à un homme de Gbegui. Pour permettre à la nouvelle famille de leur fille de ne pas avoir faim, on lui donna une parcelle pour cultiver. Gaoté revendique de même que Gbegui. Nous allons nous rendre tous sur les lieux et une solution sera trouvée. Une fois que la parcelle demeure la propriété de Gbegui, les envahisseurs seront sommés de quitter les lieux>>,  fait savoir Gnékpié Gnahé.

Dans l’attente de ce rendez-vous crucial, qui ne débouche pas toujours sur la paix et la solution concertée, la population de Gbegui, petite bourgade d’environ 200 habitants, vaque à ses occupations, la peur et la crainte au ventre.

Olivier Dan Correspondant Ouest, envoyé spécial à Gbegui

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