Politique

Un déconfinement sur fond politique en Côte d’Ivoire selon les analystes politiques

Mis à jour le 9 mai 2020
Publié le 09/05/2020 à 10:15 , , , , ,

Que cache réellement l’annonce de la levée progressive des restrictions contre le Coronavirus en Côte d’Ivoire ? Le Chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, a autorisé la réouverture des commerces et des écoles à l’intérieur du pays, mais pas encore à Abidjan, alors que le coronavirus est toujours d’actualité. Selon les spécialistes, cela relève d’une stratégie politique.

C’est son deuxième discours depuis l’apparition de la crise à Coronavirus, Covid-19. Si le premier a permis de mettre en place des mesures restrictives contre la pandémie, le deuxième a plutôt été plus souple. Alassane Ouattara a annoncé un retour progressif à la vie normale à l’intérieur du pays. Mais, dans une situation où la crise sanitaire asphyxie l’économie et menace la tenue des prochaines élections présidentielles, tous les détails comptent. Et selon les politologues, aucune décision n’est prise au hasard, l’aide sociale annoncée pour les ménages les plus pauvres, n’a pas touché le grand nombre.

« L’État manifestait son pouvoir d’intervention et de protection de la vie et de la santé à travers les mesures prises contre le coronavirus. Très vite cependant, il est apparu qu’une frange importante de la population exerçant dans l’économie informelle ne pouvait supporter durablement les coûts financiers et sociaux de ces mesures. Les propriétaires de maquis, de bars, boîtes de nuit et autres lieux de spectacles voient leur niveau de vie dégringoler, leurs employés mis au chômage se retrouvent sans ressources et deviennent des charges pour leur famille ou leur cercle d’amis. Des fonds de solidarité annoncés ne touchent qu’une partie opaque de la population. Les critères de qualification de personnes dites plus vulnérables sont illisibles. Si bien que, par exemple, en réalité on ne sait pas à qui profitent les 25000f de dons en guise de solidarité de l’État » a constaté le Docteur Blé Kessé de l’Université Péléforo Gbon de Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire.

Selon l’Universitaire, les dispositions prises par le gouvernement ivoirien afin de faire face à la crise à Coronavirus, devenaient de plus en plus difficiles à supporter pour le secteur informel. Conséquences, plusieurs commerçants ont décidé de reprendre leurs activités malgré l’interdiction du gouvernement.

« Les mécontentements des populations devenaient perceptibles. Les maquis avaient trouvé des mécanismes pour vendre. Puis progressivement leurs propriétaires commençaient à exercer visiblement, défiant ainsi l’autorité de l’État. Plus encore, le pouvoir ne semble pas vouloir reporter l’élection présidentielle prévue pour le 31 octobre 2020. Le mercredi 6 mai la Commission électorale indépendante a déroulé devant les représentants des partis politiques au siège du PNUD le mode opératoire du processus devant aboutir à l’échéance d’octobre 2020. Dès lors il urge d’appeler l’économie au secours. D’où l’argument des conséquences économiques qui justifie la levée et le réaménagement du couvre-feu » pense l’enseignant chercheur.

Ouattara a donc relancé l’économie ivoirienne pour éviter des conséquences économiques plus lourdes.

« En clair en déconfinant l’intérieur du pays, et en le réaménageant dans le grand Abidjan le pouvoir veut résoudre deux problèmes : permettre la reprise des activités économiques, notamment dans le secteur informel puisqu’il est incapable d’élargir le filet social ; et se prémunir ainsi d’un soulèvement populaire. Deuxièmement, il s’agit pour le pouvoir d’occuper les pauvres pour mieux préparer l’élection présidentielle d’octobre 2020. La raison économique pour déconfiner est la stratégie appropriée du moment. C’est l’économie au service du politique » se convainc Dr Blé Kessé.

Un avis partagé dans le fond par un autre politologue, Kipré Paul. Selon lui, le Chef de l’État, maître dans l’art de la communication a envoyé un message fort à la communauté internationale, démontrant ainsi, qu’il a encore les rênes du pouvoir. Le silence sur la santé de son Premier Ministre lors du discours a été fait sciemment.

«  L’enjeu pour Ouattara est d’apporter des réponses aux attentes et questionnements des Ivoiriens dans un contexte où chaque semaine un ouvrage d’art est inauguré à l’instar de l’éclairage du stade à Ebimpé qui vient d’être testé. L’enjeu, réussir un véritable exercice, une véritable prouesse dans l’art de la communication dans notre pays où la rumeur gouverne depuis des décennies avec une opposition en mal de scoop et de buzz et le service de communication du gouvernement qui a une stratégie incomprise par la majorité. Ouattara s’est tout simplement recentré et concentré sur la pandémie démontrant à l’international qu’il a toujours les principaux leviers en faisant abstraction des rumeurs de l’absence et la grosse fatigue de son chef d’orchestre en passant sous silence l’avènement de l’intérimaire qui tire la langue aux  trois ou quatre velléitaires trop pressés. Le Chef de l’État a démontré par l’application de sa stratégie gagnante qu’il est toujours méthodique et qu’il va vaincre le virus. Les mesures sociales inédites seront appliquées dans la transparences avec une forte dose d’humanisme » fait-il savoir avant de poursuivre, estimant que Ouattara rétablit la confiance avec les Ivoiriens.

« Les enjeux sont la communication pour expliquer qu’il ne sait faire qu’une chose qui est le travail et la transparence des moyens alloués dans l’avant dernière lutte de son 2eme  mandat. Dans la tactique oratoire il n’a  pas laissé  un espace pas un centimètre carré  pour le superflu. Face aux Ivoiriens le Président de la République les a remerciés pour les efforts consentis car ils ont joué le jeu. Le chef de l’État a montré sa bonne foi en déconfinant les consignés de l’intérieur du pays et promet aux abidjanais de tenir le bon cap encore une semaine dans la même direction. Le président est en train de graver dans la roche  une relation de confiance entre son peuple et lui » analyse le politologue.

Les élections présidentielles d’Octobre prochain en Côte d’Ivoire sont  donc toujours d’actualité. Mais pour l’heure, le Chef d’État, n’y a pas fait allusion dans son discours. Crise sanitaire oblige.

Éric Coulibaly

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