Société

Les limites de l’action de l’Etat qui encouragent les élèves perturbateurs, selon un expert

Mis à jour le 13 décembre 2019
Publié le 13/12/2019 à 3:35 , ,

Trois morts et des dizaines d’interpellations en plus de menaces de radiation du système éducatif ivoirien. C’est le bilan des violences qui ont secoué les jours derniers l’école en Côte d’Ivoire à l’initiative des apprenants qui veulent anticiper le départ en congés avant la date indiquée. Le phénomène gangrène depuis quelques années des établissements scolaires dans le pays. Selon Dr Albert Yao, Enseignant-chercheur en Sociologie à l’Université Lorougnon Guédé de Daloa, le phénomène a des explications sociales.

Plusieurs raisons sont à la base de ce phénomène de congés anticipés en Côte d’Ivoire, selon le Sociologue Dr Albert Yao Kouakou. La première dit-il, réside dans la programmation des évaluations des élèves durant l’année scolaire. « (…) l’une des raisons principales réside dans l’écart entre l’arrêt des notes du premier trimestre et le départ définitif en congé de Noël. En effet, une semaine avant la date prévue pour les congés de Noël, nous assistons à l’arrêt des notes et au calcul des moyennes du premier trimestre. Une fois les notes arrêtées et les moyennes calculées, il n’y a pratiquement plus de contrôles scolaires (devoirs et interrogations) jusqu’au retour des congés.  Les élèves considèrent donc le temps entre l’arrêt des notes, le calcul des moyennes et la date de départ pour les congés de noël, comme un temps perdu », analyse l’universitaire pour 7info.ci qui l’a joint.

Depuis quelques années en Côte d’Ivoire, des cours dans les établissements scolaires connaissent des perturbations à l’approche des congés. Animés par le désir d’aller bien avant la date indiquée, profiter de ces temps de repos programmés durant l’année scolaire, des élèves s’adonnent à des actes de violences. Ce sont des jets de pierres et de gourdins ainsi que des pétards dans les salles de classe pour déloger leurs camarades et des enseignants.

L’année académique 2019 n’échappe pas à cette pratique. Depuis le 5 décembre, alors que le départ pour les congés de Noël est programmé au 20 décembre pour prendre fin le 5 janvier 2020, des perturbations sont enregistrées dans des écoles de plusieurs villes du pays. La fièvre est même montée d’un cran au point d’occasionner des pertes en vies humaines parmi les élèves.

Pour Dr Albert Yao, ces perturbations scolaires proviennent de l’image que la Côte d’Ivoire elle-même renvoie à ses élèves. Le non-respect et la non considération de l’autorité. En plus, fait-il savoir, en Côte d’Ivoire, l’école n’est plus forcément le lieu de production des compétences et de promotion du mérite. « « En français ivoirien, on peut réussir sa vie sans avoir des diplômes ». Et les exemples sont légions en Côte d’Ivoire, depuis plus d’une dizaine d’années. Le système de formation n’offre plus aux apprenants, la possibilité de pouvoir s’insérer dans la vie professionnelle à partir des diplômes acquis. L’école n’est plus l’unique creuset pour l’ascension sociale », soutient Dr Albert Yao.

Il ajoute en outre que l’avènement des nouvelles technologies de communication est un facteur. A en croire l’expert ivoirien, « l’enseignant n’est plus le détenteur exclusif de la connaissance. Vu que via internet, les enseignés peuvent avoir accès aux connaissances que leur transmet l’enseignant, le mythe de l’enseignant « tout sachant » qui faisait qu’on lui vouait respect et considération, est brisé ».

Face à la montée de ce phénomène qui a conduit à l’irréparable en cette année 2019, Kandia Camara la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle affiche la fermeté. Elle brandit la radiation pour tout élève perturbateur. Mais cela ne semble pas dissuader.

« Cette mesure ne semble pas décourager les élèves parce qu’en Côte d’Ivoire, ce ne sont ni les mesures, ni les lois ou décrets qui manquent. Ce qui pose problème en Côte d’Ivoire, c’est l’applicabilité et l’application effective des lois, décrets et mesures. De plus, même s’ils sont radiés, certains « syndicats d’élèves » entreront dans un bras de fer avec le ministère en charge de l’enseignement pour la réintégration de ces « perturbateurs » dans le système scolaire au risque de voir tout le système scolaire bloqué par ces « syndicats d’élèves », analyse-t-il.

Pour Dr Albert Yao, en plus de la sensibilisation, la solution à ce phénomène nécessite des mesures à adapter au mal. Ce sont notamment la mise en place des unités pédagogiques, en intelligence avec les administrations des établissements, qui doivent programmer les devoirs communs durant la dernière semaine qui précède les congés ; la réduction de l’écart entre la date de l’arrêt des notes, du calcul des moyennes du premier trimestre et celle des congés de décembre ; et la programmation des leçons, objet des sujets d’examens, la dernière semaine précédant les congés, surtout pour les classes d’examens.

Richard Yasseu

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