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La case et l’éléphant ( Première partie)/ Pr SERY Bailly

Mis à jour le 1 février 2019
Publié le 05/04/2017 à 2:59

Il y avait autrefois, il n’y a pas si longtemps, une case et un éléphant qui ont voulu devenir des amis. En fait, ils étaient des frères de même père et s’étaient brouillés et perdus de vue. La case est la case, elle n’a pas d’autre nom. Mais l’éléphant peut aussi s’appeler sui ou sily. Ils ont scellé leur amitié sans problème à l’occasion de la grande palabre ivoirienne. Naturellement, l’amitié conseille toujours de se dépasser et de dépasser les préjugés pour être ensemble. Comme dans tous les contes, l’amitié à toute épreuve n’est pas à l’abri de toutes les épreuves.
Nous savons tous, et il va donc sans dire, qu’une case est immobile. Elle relève de l’immobilier. La case est bien plantée et donc bien implantée ou vice-versa. L’éléphant quant à lui, quoi qu’il soit très lourd et peut-être balourd, il marche et se déplace. Cela n’a point empêché qu’ils décident de cheminer ensemble.
Même s’ils ne marchaient pas d’un même pas, leur compagnonnage a marché pendant des années. Ils ont fait beaucoup de chemin ensemble ! Ils ont marché ! Ils ont marché ! Nul ne sait sur la base de quel marché !
Voici l’arrangement qui a permis que tout marche entre eux. « Ami éléphant, comme je ne peux me déplacer, moi la case, toi tu peux tourner autour de moi. ». Alors répond l’autre « Si je ne tourne pas, il n’y a pas de dynamisme, pas de visibilité. Donc je compte. » La case de rétorquer « Oui, mais sans mon implantation enracinée, on serait emportés comme des fétus de paille par le moindre vent en cette saison de tornade. D’ailleurs, en tant que case, je m’y connais bien en paille et en foin et je pourrai t’en donner. »
L’accent a alors été mis sur leur ressemblance. Se souvenant de la fable de l’éléphant et des six aveugles, ils ont convenu que le flanc du pachyderme est comme le mur de la case, son genou ou pied comme un pilier de la case, son oreille est comparable à un auvent protégeant la case contre le soleil, sa queue enfin est identifiable à une corde de rideau. Pour la trompe et la défense, on verrait plus tard !
Les activités amicales marchaient tant et si bien qu’ils ont voulu resserrer leurs liens encore plus. Ils ont voulu devenir une seule et même chair. C’est sans doute ce que l’amour demande : la fusion et la confusion. Comment alors une case peut-elle contenir et abriter un éléphant ? De deux solutions, l’une !
Soit la case se décoiffe, déjà qu’elle n’avait pas de porte. D’ailleurs comment entrer dans la case sans endommager son entrée étroite et sans porte ? Ainsi, en tout cas, l’éléphant pourrait se tenir debout. Et puis, cohabitation ne signifie pas habitation dans la même case mais cheminer ensemble.
Soit l’éléphant rétrécit ou s’amincit. Avec un peu de courage, on utiliserait le verbe « rapetisser ». Pourtant il faut savoir, et les historiens nous l’ont dit, que les éléphants n’ont pas toujours eu, tous et partout, la même taille. Dans les latitudes nordiques où il fait froid, ils ont pu avoir des tailles modestes. Ainsi, des éléphants nains ou pygmées ont pu apparaitre. Il y a donc éléphant et éléphant !
Alors, l’éléphant de la forêt a tourné et tourné sans avoir le vertige. Mais un jour, le vertige a commencé à le prendre. Tout s’est mis à tourner autour de lui et en lui. A mesure que le tournis s’emparait de sa tête, l’éléphant s’est mis à s’interroger. « Je veux bien continuer à tourner dans la discrétion mais comment le faire sans qu’on ne me voit tournoyer comme une toupie, moi le roi de la forêt ? ». Vous imaginez Luè Gblô, Sui, Sily, le puissant maître de la forêt, en train de tourner et faire des « roucasscasses », sans qu’on ne le voie avec toute sa masse ! La nécessité, il est vrai, rend tout le monde agile comme les gazelles et biches des forêts et savanes. « Mais l’amitié, poursuivit-il, ne va-t-elle pas avec la réciprocité, ne consiste-t-elle pas en visites réciproques ? Pourquoi la case veut-elle que j’ai le vertige ? N’est-ce pas pour que je m’écroule afin qu’on me ramasse ou se débarrasse de moi ? Pourquoi dois-je être seul à tourner bêtement ? Je suis une bête mais je ne suis tout de même pas bête ! Ce n’est pas parce que je suis un animal qu’on doit insulter mon intelligence et surtout ma mémoire » Oui, vous mes frères et mes sœurs, vous avez déjà entendu parler de mémoire d’éléphant !
Autant la case garde la mémoire de toutes les empreintes qui ont touché son mur, autant les éléphants se souviennent toujours des grands braconniers qui les ont persécutés pour leurs défenses ou leur ivoire.
Une mémoire en valant une autre, on comprend pourquoi et comment une maladie appelée « ivoirité », affectant sans doute l’ivoire de l’éléphant, est devenue le totem commun de la case et de l’éléphant.
Tout totem ne tient que s’il est respecté. Toute confiance n’exclut pas les doutes ni les interrogations sur l’avenir de chacun. Chacun a sa tête propre, chacun a son destin propre ! Ce qui est au village est au village ! Ce qui est au clan est au clan ! Mais ce qui appartient à la famille appartient à la famille ! C’est bien ce que nous avons appris dans notre enfance !
La case redoutait les coups de patte de l’éléphant. Imaginez les coups de pied de gens comme Drogba, Yaya ou Kodjia ! La case ne veut pas prendre de but car elle n’est pas une vulgaire cage de foot ! Elle sait aussi que la peau de l’éléphant est dure et sa chair plutôt amère. Il n’est pas facile de manger et de digérer de la viande d’éléphant ! Tout en cheminant ensemble, la case a appris que certains grands stratèges du passé ont utilisé des éléphants comme armes de guerre. Si la case peut s’arranger pour mettre les éléphants de son côté, l’histoire montre que des ennemis ont pu les retourner contre leurs maîtres ou les neutraliser.
Pour sa part, l’éléphant redoutait que la case passe du banco au béton. Ce ne serait plus une simple case mais une casemate. Case ou casemate, les synonymes suivants font peur à l’éléphant : blockhaus, forteresse, bastion, bunker… Il se souvient que des gens malins ont su et pu enfermer des éléphants dans des zoos en prétendant que c’est pour leur grand bien. Dans le zoo, disaient-ils, vous aurez la sécurité physique et alimentaire. Eléphantes et éléphants vous aurez à manger sans interruption et personne n’osera toucher à votre peau,  votre queue et encore moins à vos défenses ! Vous serez défendus et n’aurez pas à vous défendre. A quoi vous sert-il donc de garder vos défenses ?
Ils ont marché et marché ensemble, longtemps et longtemps. Mais la marche devenait de plus en plus difficile avec les doutes et les suspicions, légitimes comme illégitimes. Comment pouvaient-ils alors poursuivre ce voyage si bénéfique pour les deux ?
Même si les murs de la case ont été polis et crépis avec de la bouse d’éléphant, ce dernier ne peut avaler ni remettre la case dans son ventre et l’avaler de nouveau, quoiqu’il puisse en manger le toit de chaume ou le chaume du toit !
Si la case de son côté veut s’incorporer l’éléphant, son toit doit sauter. Les occupants de la case se trouveraient exposés aux intempéries. La pluie, sauf celle des milliards, n’est pas agréable : le froid qui glace, les vêtements qui collent à la peau, les éboulements qui tuent etc. !
Pr SERY Bailly

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