Politique

Interview- Me Inza FOFANA (Ancien des Forces Nouvelles) : « Aux insulteurs publics, la balle ne trie pas et on n’est pas obligé d’adhérer à la vision de Soro »

Mis à jour le 27 janvier 2020
Publié le 27/01/2020 à 5:11 , , , , ,

Me Inza Fofana, ancien responsable civil des Forces Nouvelles des Forces Nouvelles dans l’Ouest ivoirien, proche collaborateur du Col Fofana Losseny, président d’une ONG de sensibilisation à la cohésion sociale et aujourd’hui élu RHDP à la municipalité de Man, se confie sur les voies et moyens pour apaiser les tensions entre l’ancien leader de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles et Alassane Ouattara, le Chef de l’Etat.

Vous êtes un ancien des Forces Nouvelles, aujourd’hui une guéguerre se joue entre pro-Soro et le RHDP. Élu RHDP, est-ce que vous vous sentez coincé?

La vie est ainsi faite et c’est tout à fait normal. La langue et les dents se coincent par moment. Un être humain doit savoir utiliser sa serviette de bain. La même partie qui est utilisée pour nettoyer la mauvaise partie, par mégarde, peut être utilisée pour nettoyer le visage. Ainsi va la vie.

Notre adhésion aux Forces Nouvelles était due à notre militantisme et notre sympathie pour le RDR. C’est à la suite de cela que nous nous sommes retrouvés pour un combat et une cause commune. Chacun à adhérer en provenant de quelque part avec ses idées. Aujourd’hui, il y a une guéguerre, chacun sait ce qu’il veut. Il faut faire confiance à la famille car elle seule peut toujours jouer son rôle. Quelle que soit la crise, le linge sale se lave en famille.

Est-ce qu’il y a des initiatives qui sont prises pour ramener la paix et le calme et ainsi rassurer les Ivoiriens ?

Pour l’instant, nous ne devons pas rester indifférents. Quelle que soit la densité d’une crise, elle n’est pas à être sous-estimée. Aujourd’hui on parle d’une crise des anciens des Forces Nouvelles mais il y en n’est rien. La preuve, je suis issu des Forces Nouvelles mais je demeure au RHDP. Mais, nous qui sommes des anciens des Forces Nouvelles, et Dieu seul sait que j’ai joué un rôle très important à l’ouest, savent que ce n’est pas le cas. Ceux qui ont travaillé avec nous savent de quoi je parle. Ce n’est pas de la fanfaronnade. Je pense plutôt qu’ils doivent se mettent ensemble pour créer un rapprochement entre le père et le fils. C’est ce que nous allons faire.

Certains de vos camarades des Forces Nouvelles estiment que vous avez été mal payés au sein du RDR et maintenant au RHDP. A ce niveau, vous-même qu’avez-vous gagné dans cette lutte ?

L’objectif, c’était la victoire des Forces Nouvelles et surtout mettre fin à ce que nous appelions injustice. L’objectif n’était pas d’aller comme à la banque pour retirer un salaire. Après la crise, je n’ai reçu aucun poste, ni une quelconque nomination, mais je n’en souffre pas. Parce que j’avais un objectif précis : aider notre groupe à atteindre un objectif. Et nous avons atteint cet objectif. Certains ont eu de la chance, d’autres par compte n’en ont pas eu. Nombreux sont ceux qui à la suite de la proposition du chef de l’Etat sont devenus douaniers, policiers, gendarmes, et bien c’était la récompense. Chaque zone a donné ses gens, le secrétariat général des Forces Nouvelles a donné ses gens et cela a été offert par le chef de l’Etat Alassane Ouattara.

Les accords de Ouagadougou avaient ils déjà décidé ce plan de reconversion?

Les accords ne s’appliquent pas seuls. D’ailleurs, il en a eu plusieurs, Lomé 1, Lomé 2, Prétoria, il fallait quelqu’un pour les appliquer. Et c’est bien sûr le vainqueur qui devait le faire. Les Forces Nouvelles ont eu des Directeurs Généraux, des Présidents de Conseil d’administration, des cadres dans les régies financières pour bon nombre de ceux qui étaient à la Centrale (régie financière des Forces Nouvelles, NDLR), au Trésor et aux impôts, à la douane. C’est le Président de la République qui nous a offert ces postes. Moi je n’ai pas été servi mais tant mieux si nos frères et sœurs ont pu être ainsi à des postes de responsabilité, c’est l’essentiel. C’est cela la lutte. Ceux qui se plaignent, on ne peut que leur dire de se calmer et voir comment on peut se donner la main pour que cette paix revienne. Nous qui sommes anciens et qui avons formé certains aujourd’hui qui se disent leaders d’opinion, nous devons trouver la formule pour leur parler pour que les esprits se rejoignent avant les élections.

On parle de crispation, est-ce que vous vivez l’atmosphère ainsi ?

Je suis ne suis pas inquiet. L’inquiétude viendra lorsque toutes les tentatives de réconciliation et d’apaisement auront échoué. Sachez qu’il y a eu des crises plus graves que ce qu’on voit actuellement. L’exemple des présidents Macky Sall et Abdoulaye Wade, qui l’aurait cru ? La Côte d’Ivoire peut changer ; hier, on a vu les présidents Bédié et Ouattara faire la paix. Cela peut toujours changer. La seule chose que nous pouvons demander, les revendications, pas par la violence. En Côte d’Ivoire, nous avons une mauvaise habitude, les politiciens refusent de négocier pour aboutir à une résolution pacifique.

Il faut éviter l’esprit de va-en-guerre. Mettons balle à terre. Nous devons nous parler et je sais qu’entre frères, cela pourrait aboutir. Nous n’étions certes pas à la création du MPCI mais, avons pris le train en marche pour  ensemble créer les Forces Nouvelles.

Est-ce que vous estimez qu’à un moment donné parmi vous il y a eu un manque d’échange, un dialogue ou une stratégie qui n’a pas été partagée à tout le monde ?

Le leader des Forces Nouvelles, Guillaume Soro a sa politique et sa vision. Nous ne sommes pas obligés d’adhérer à la vision d’un individu, d’un leader. Mais je pense qu’on est obligé d’emmener chacun, tout le monde, à se parler. Guillaume Soro a sa politique, sa méthodologie, qu’il applique. On ne peut pas en vouloir à qui que ce soit mais c’est le résultat qui est la finalité. Espérons qu’on pourra se comprendre tous. Je pense qu’on doit trouver une formule tout en respectant la position de chacun. Voyez-vous aujourd’hui chacun pense qu’il est dans le vrai, chacun dit qu’il a raison or, quand tout le monde a raison, c’est que tout le monde a tort. Nous devons voir tous les anciens des Forces Nouvelles qui sont neutres afin que nous puissions nous parler afin de voir comment rapprocher les positions. Certes, il y aura des personnes qui ne voudront pas de la paix parce qu’elles vivent de l’esprit de désordre. Cela se comprend mais il faudra qu’on mette balle à terre.

A l’ouest, quel est le bilan du RHDP ?

A l’ouest nous avons les ministres et élus, Konaté Sidiki, Mabri Toikeusse, Dr Albert Flindé, Aboubakar Fofana, toutes ces autorités à l’ouest font un bon travail. Il avait été annoncé douze kilomètres de goudron. Nous avons eu trois kilomètres de plus. Nous avons un centre hospitalier et universitaire qui sera construit. La pose de la première pierre a été comme vous le savez, faite par le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly au cours de son récent séjour dans la capitale régionale. Nous lui disons merci. En toute sincérité, pour l’instant à Man, tout va pour le mieux.

Quelle est votre stratégie pour la relance industrielle dans votre région pour ainsi mettre la jeunesse au travail ?

Le maire Aboubakar Fofana a un programme. Un programme de construction d’une zone industrielle. Nous n’avons qu’un an. Comprenez-nous. Quand on veut bien faire, on s’organise. Nous sommes en train de nous organiser pour que le gouvernement puisse nous aider. Nous sommes à pied d’œuvre et très bientôt vous aurez les résultats. Nous avons confiance en la politique d’appui des municipalités du gouvernement.

A Londres le président Ouattara a dit que Guillaume Soro est son « fils », lorsque vous entendez cela, avez-vous foi que la paix reviendra dans votre famille politique?

Vous dîtes bien père et fils. Pour qu’il y ait une paix entre père et fils, cela voudra dire qu’il y a des médiateurs. Si nous laissons la place aux va-en-guerre, à ceux qui vivent de cette déchirure, il n’y aura jamais de paix. Pour la paix, il n’y a jamais de trop grand sacrifice et nous allons jouer pleinement notre partition. Même au village quand il y a un conflit pour le régler, il faut des gens qui rapprochent.

Aujourd’hui sur les réseaux-sociaux ce sont des jeunes qui se parlent. A toute cette jeunesse parfois désœuvrée qu’est-ce vous avez à dire?

Ce n’est pas parce qu’on est désœuvré qu’on doit forcément faire la guerre. Même quand on dit ventre affamé n’a point d’oreille, ceux qui parlent ne sont pas affamés. Ils ont un objectif clair. Je leur demande d’aller doucement, la balle ne trie pas. Quel que soit le lieu où l’on se trouve. Même si la balle ne vient pas vers vous, elle peut atteindre l’un de vos parents. Que ces gens comprennent qu’en jouant les politologues, les insulteurs publics ou les médiateurs que lorsque la crise surviendra, elle ne trierra pas. Il faudrait qu’on comprenne cela. Tout un chacun a perdu un proche dans cette crise. Si nous voyons une nouvelle crise pointer du nez, nous avons le devoir d’inviter les uns et les autres à la retenue car, par expérience, je sais que dans la guerre, seuls les chanceux survivent. Fasse Dieu que cette jeunesse comprenne que nous allons tout droit dans le mur avec ces injures. Permettons à l’Etat de faire son travail.

On a vu au Sénégal, des guides religieux ont appelé les leaders pour leur parler et cela a marché. Pourquoi ne pas essayer cela ici ?

Réalisé par Adam’s Régis SOUAGA

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