Culture

Interview-Chris Alex Sahiry : « Nous essayons de donner aux humoristes une carrure d’artiste et non de clown »

Mis à jour le 23 décembre 2021
Publié le 23/12/2021 à 11:30 , ,

Le Grand Prix Ivoir’Humour qui est à sa 4e édition a récompensé les meilleurs acteurs en Côte d’Ivoire, le samedi 18 décembre 2021 à l’Institut français d’Abidjan. 70 humoristes ont été nominés dans 13 catégories. Chris Alex Sahiry, le promoteur de ce prix, lève un coin de voile sur ce projet.

 

Chris Alex Sahiry, vous êtes journaliste et également promoteur du Grand Prix Ivoir’Humour. Quel regard portez-vous sur l’humour ivoirien en général et sur le web humour en particulier ?

C’est un regard de satisfaction parce qu’il y a dix ans, les réalités n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Cela a permis la venue de plusieurs investisseurs dans le secteur de l’humour, notamment Mamane du Niger et Grégoire Furrer de la Suisse. Dans l’ensemble tout va bien. Concernant l’humour sur le web, c’est une initiative à encourager, parce que ces jeunes talents qui ont de l’imagination arrivent au quotidien à faire des productions sur le digital. C’est une nouvelle sorte d’humour certes instructive, mais encore plus axée sur le marketing et le placement de produits pour les marques.

Pourquoi avez-vous décidé d’initier un prix en faveur des humoristes en Côte d’Ivoire ?

Nous avons lancé ce projet en 2011 à la sortie de la crise post-électorale, parce que nous avons remarqué que les humoristes ont permis aux populations de déstresser pendant cette période sensible. Malheureusement, ces artistes n’avaient pas de soutien et ne bénéficiaient pas d’encadrement parce qu’à l’époque, chacun d’eux évoluait dans son staff avec son manager. D’aucuns ne les considèrent même pas comme des artistes lors des spectacles.

Il apparaissait opportun de réparer cette injustice, vu que ces derniers ont bercé notre enfance à travers plusieurs productions telles que ‘’Comment ça va’’, ‘’Faut pas fâcher’’ et ‘’Qui fait ça’’. Donc on a essayé un tant soit peu de professionnaliser ce secteur, de leur donner une carrure d’artiste et non de ‘’clowns’’ ou des amuseurs publics. Au fur et à mesure que ce programme a eu du succès, nous avons décidé de leur donner de la notoriété en les récompensant à travers leurs productions annuelles. C’est un programme qui s’est préparé sur 6 années avant sa mise en exécution en 2017.

Comment se fait la sélection des artistes nominés pour le Grand Prix Ivoir’Humour ?

Vu que c’est une activité professionnelle sérieuse, les artistes nominés sont choisis sur le critère de leurs productions annuelles et par le public. Nous travaillons avec un cabinet d’étude marketing qui est chargé de faire un sondage sur la base de tous les humoristes qui ont produit pendant l’année en cours. C’est à la suite de cette étape que nous identifions les catégories dans lesquelles le public voudrait voir tel ou tel artiste. C’est donc un travail qui se fait en amont 6 mois avant le lancement officiel de la cérémonie.

L’humoriste Joël est le vainqueur du Grand Prix Ivoir’Humour et Eunice Zunon rafle le prix du meilleur humoriste web féminin. Qu’est-ce qui a milité en leur faveur ?

Dans le principe, le premier prix de cette année qui est une villa de 30 millions FCFA devait être attribué dans la catégorie qui aurait obtenu le plus de votes, et cela s’imposait au Jury. C’est donc à l’issue de ces votes que Joël a été déclaré lauréat des lauréats. Selon Bamba Bakary, le président du Jury, Joël s’est bonifié cette année en faisant de très belles performances sur la scène. Il a fait trois spectacles, au-delà de l’humour, il anime des conférences, donne des cours de motivation et de prise de parole en public et prend part à des programmes initiés par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Vu que le Grand Prix Ivoir’Humour prône l’excellence, il était tout à fait naturel qu’il soit le grand vainqueur.

Eunice Zunon quant à elle a su tirer son épingle du jeu dans la catégorie dans laquelle elle évoluait, se hissant à la 1ère place avec 30 mille votes. Remportant ainsi une voiture de 9 millions FCFA.

Qui finance le Grand Prix Ivoir’Humour ?

J’ai une structure de production audiovisuelle et cela nous permet d’avoir les moyens pour pouvoir financer nos activités. Donc avec ou sans sponsor, nous arrivons tant bien que mal à mener nos activités. Je vous raconte une anecdote. L’année dernière après la troisième édition, nous avons reçu les encouragements de l’ancienne ministre de la Culture, Raymonde Goudou Coffie. Elle disait s’expliquer difficilement qu’un tel projet ne bénéficiait pas d’un soutien institutionnel. C’est à partir de cela que la nouvelle ministre de tutelle nous a inclus dans son programme et a commencé à nous soutenir.

Au-delà du Grand Prix Ivoir’Humour, vous êtes également le promoteur du Festival ‘’On est là’’ une fête humoristique qui a pour objectif d’inciter la gent féminine à s’intéresser à l’humour. Pourquoi autant d’événements qui mettent en avant l’humour à l’ivoirienne ?

Il est vrai que j’adore l’humour, mais je me suis donné pour mission de me battre pour hisser haut les humoristes ivoiriens et je suis heureux aujourd’hui. Il y a dix ans, lorsque nous organisions les premiers Comedy Club à Abidjan avec des aînés, pour certains c’étaient une folie vu qu’il y avait des humoristes déjà en vogue. Nous avons donc pris le risque de révéler des inconnus pour en faire des talents comme Willy Dumbo, Mal Adamo, En K2K, et les Zinzins de l’art. Aujourd’hui ce sont des ‘’produits comestibles’’ sur le marché. Je me souviens que lors d’un échange avec Mamane, je lui disais qu’aujourd’hui le Parlement du Rire connait un véritable essor parce qu’il y a eu une crème qui a été créée en 10 ans. C’est donc une grande fierté et cela me réjouit qu’il y ait plusieurs Comedy Clubs à Abidjan. Cela permet aux jeunes de réaliser leurs rêves, surtout avec une qualité d’écriture.

Cette cérémonie de distinction est à sa 4e édition. Quel bilan faites-vous aujourd’hui ?

Notre seule satisfaction c’était de lutter pour que les artistes humoristes puissent vivre de leur art. Cela a été fait donc, notre bilan est positif. Je profite de l’occasion pour exprimer ma profonde gratitude au président de la République Alassane Ouattara qui y a été pour beaucoup. Pour rappel, en 2020, en pleine crise sanitaire liée à la COVID-19, nous avions rencontré feu le Premier ministre Hamed Bakayoko à qui nous avons soumis le projet portant statut et reconnaissance des humoristes ivoiriens. Je ne savais même pas que c’étaient tous les artistes humoristes qui n’avaient pas de statut. Par la grâce de Dieu, au mois d’août de la même année, par décret présidentiel, les humoristes ivoiriens ont enfin un statut.

La 5e édition du Grand Prix Ivoir’Humour est prévue pour 2022. À quoi les amoureux de l’humour doivent-ils s’attendre ?

Les perspectives pour la nouvelle année sont de faire de la Côte d’Ivoire un carrefour international de l’humour. Pour 2022, les férus de cet art auront beaucoup de surprises. De grosses têtes mondiales notamment, du Canada, de la France et des États-Unis viendront en Côte d’Ivoire pour des productions. Nous aurons également la 2e édition du Festival ‘’On est là’’, Ivoir’Humour Club dès le mois de février et plusieurs One Man Shows. Ce sera du lourd en 2022.

Entretien réalisé au téléphone par Maria Kessé.

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