Côte d’Ivoire

Honorat De Yédagne: « Aujourd’hui il est plus question d’une sécurité socio-économique que d’une sécurité physique pour les journalistes »

Mis à jour le 3 novembre 2022
Publié le 02/11/2022 à 5:56 , , , , , ,

A l’occasion de la commémoration de la Journée internationale de la lutte contre l’impunité des crimes contre les journalistes, 7info a interrogé Honorat De Yédagne, l’ancien président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire et ex-patron du journal gouvernemental ivoirien, Fraternité Matin.

 

Alors que le monde entier célèbre la Journée internationale de la lutte contre l’impunité des crimes contre les journalistes, quelle est le constat en Côte d’Ivoire ?

La situation de la presse ivoirienne est celle d’un démiurge qui s’est créé un monde qui lui échappe faute de s’affirmer comme un pouvoir autonome et une vraie source de légitimation des acteurs et décideurs publics. Les vingt dernières années de règne chaotique des régimes politiques successifs dont elle porte aveuglément sans aucune lucidité critique tous les combats, l’ont largement discrédité aux yeux de l’opinion nationale. L’émergence et l’ affirmation des réseaux sociaux n’ ont fait que lui porter  le coup de grâce faisant des journalistes de ce pays  des hommes et des  femmes à l’ intelligence alitée devant le « gombo » , un concept manie comme une prophétie autoréalisatrice alors même qu’ il est l expression dévalorisante  de notre mal mal-être.

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Aujourd’hui ce qui est en jeu, c’est plus la sécurité socio-économique d’une corporation confrontée à sa propre survie quotidienne qu’aux menaces systémiques des acteurs politiques et/ou institutionnels.

Selon vous, il est plus question d’une sécurité socio-économique que d’une sécurité physique. Quelle solution pour y parvenir ?

Nous devons nous mobiliser pour agir pour la presse afin de la porter au sommet si cela est encore possible. C’est même tout à la fois une urgence politique et historique. Sinon la Côte d’Ivoire ne cessera jamais d’être un nain démocratique. En un mot, sauver la presse ivoirienne doit être une urgence nationale. Et cela passe par le désengagement de l’Etat de ce secteur : de l’édition à l’impression en passant par la distribution. En 2022 c’est une incongruité démocratique que de voir l’Etat jouer un tel rôle. Alors que ce même Etat, il y a déjà 30 ans, privatisait des infrastructures aussi stratégiques que l’énergie, l’aéroport…  les télécommunications.

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Conséquemment, l‘ on se doit d’encourager l’émergence de pôles médiatiques  de référence et de qualité  par une aide publique ciblée au bénéfice des journaux qui se  désapparentent des partis politiques et optent résolument et professionnellement pour le cœur de leur métier: l’ information sans coloration politique.

Quelle appréciation faites-vous de la presse proche des partis politiques comment procéder avec elle ?

Tant que nous n’ avons pas trouvé le chemin de la démocratie, la presse partisane c’est à dire la presse à coloration politique est une nécessité historique mais elle doit trouver son financement auprès des partis qui les créent pour leur communication politique et pour leur combat du reste légitime,  ces partis bénéficiant de larges subventions de l Etat. Alors, dans ce jeu de clarification, le statut du journaliste professionnel va se consolider et la presse d’information et non de combat sera un secteur attractif qui pourrait intéresser les opérateurs économiques. L’avenir de la presse professionnelle passe par sa capacité à s’arc bouter sur des entités économiques de dimension nationale, africaine ou internationale.

Entretien réalisé par Tristan Sahi

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