Continent

Guinée-Bissau – José Mario Vaz seul contre tous

Mis à jour le 12 novembre 2019
Publié le 12/11/2019 à 6:06 , , ,

Le lundi 28 octobre dernier, l’imprévisible José Mário Vaz dit « Jomav » a provoqué la stupeur générale de la communauté internationale en annonçant le limogeage de son Premier Ministre, Aristide Gomez, à deux semaines des élections présidentielles programmées le 24 novembre prochain. Huitième remaniement en cinq ans, plaçant donc (provisoirement) Faustino Imbali à la tête du Gouvernement bissau guinéen. Le chef d’État ravive ainsi le feu autour de sa légitimité puisque son deuxième mandat présidentiel a légalement pris fin le 23 juin dernier.

En crise politique depuis 2015, la Guinée-Bissau peine à se relever, isolant un peu plus chaque jour son Président. Nommé au poste de Premier Ministre le 29 octobre dernier, Faustino Imbali a déposé sa lettre de démission au Palais présidentiel. Démission que n’a pas encore accepté le leader bissau guinéen, lui même en campagne dans le Nord en qualité de candidat indépendant. S’il accepte, selon le porte-parole de l’ex-Premier ministre, « le gouvernement cessera d’exister immédiatement ». Mais, il a promis ces derniers jours qu’il ne ferait pas machine arrière, et a plusieurs fois dénoncé une « ingérence étrangère ». « Le monde est contre lui (…)  mais il n’acceptera pas de perdre la face », a déclaré l’analyste Rui Landim à RFI Afrique.

« Une fois est coutume » pour José Mário Vaz. En 2015, il avait refusé de nommer au poste de Premier ministre le chef du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (parti actuellement au pouvoir), Domingo Simoes Pereira, pourtant déclaré vainqueur à l’issue du scrutin législatif du 10 mars.

Le feu s’était ensuite embrasé au terme de son deuxième mandat en juin dernier, lorsque Cipriano Cassamà, président de l’Assemblée nationale, et allié politique, a été désigné par la majorité parlementaire du PAIGC pour assurer l’intérim du chef d’État jusqu’aux présidentielles prévues le 24 novembre prochain.

Que nenni ! Le Procureur Général, Bacar Biai, avait alors ordonné l’arrestation de Cassamà pour « tentative de subversion de l’ordre constitutionnel ».

La CEDEAO trancha ce contentieux lors d’un sommet à Abuja, au Nigéria : la gestion du pays fut alors confiée au Premier ministre en place, Aristide Gomes, chargé de la constitution d’un nouveau gouvernement et de l’organisation de l’élection présidentielle. Jomaz, quant à lui, fut « autorisé » à poursuivre la conduite des « affaires courantes ».

Loin d’apaiser les tensions, Umaro Sissoco Embalo, candidat à la présidence du Mouvement pour l’Alternative Démocratique (MADEM) s’en est récemment pris à la CEDEAO, l’accusant d’ingérence en Guinée-Bissau. Lors d’un rassemblement populaire à Ondame, dans la région de Biombo, le chef de l’opposition, indigné, a déclaré que le communiqué publié par la CEDEAO, lors du sommet des chefs d’États tenu au Nigéria le 8 novembre, « est une honte » et a appelé le Président sortant à capituler et le soutenir dans la course présidentielle car « la chaîne de commandement de la Jomav a déraillé ».

Déclaration face à laquelle le Président sortant a choisi de garder le silence, profitant ainsi du vide juridique de la Constitution bissau guinéenne, et du soutien de certains, comme Kalifa Seydi, Président du groupe parlementaire du PAIGC et du constitutionnaliste Augusto Nhaga qui explique que « rien n’indique dans la loi fondamentale que la fin du mandat est synonyme de la fin de la légitimité du Président de la République ». Il précise que « l’article 66 de la Constitution stipule que le mandat du Président de la République est de cinq ans, tout court ». Toutefois, cet article ne précise pas non plus qu’un mandat puisse être prolongé…

La crise politique en Guinée Bissau semble encore réserver des surprises, puisqu’en plus des conflits déjà existants, un nouveau joueur est apparu sur l’échiquier : Cipriano Cassama, qui face à la réticence des vétérans du PAIGC. Il a assuré que sa candidature était une décision irréversible : « C’est une candidature pour avancer. Je n’abandonnerai pas. C’est de la politique ». Épilogue, dimanche, 24 novembre prochain.

Manuela Pokossy-Coulibaly

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