Politique

Damana Pikass SG du PPA-CI : « Nous participons au dialogue politique avec l’espoir que quelque chose de positif en sorte »

Mis à jour le 24 février 2022
Publié le 24/02/2022 à 10:00 , ,

Même s’il n’y croit pas vraiment, le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI) prend quand même part au dialogue politique en cours. Dans cet entretien, Damana Pikass, le secrétaire général de la nouvelle formation de l’ancien président Laurent Gbagbo explique.

 Le PPA-CI, votre parti prend-il part au dialogue politique ?

Le PPA-CI participe bel et bien au dialogue politique en tant que parti politique, et nous y sommes en tant que PPA-CI. Nous sommes représentés par l’honorable Georges Armand Ouégnin qui est secondé par le porte-parole du parti le ministre Koné Katina Justin. Voici donc la délégation du PPA-CI, le parti du président Laurent Gbagbo qui participe à ce dialogue politique.

Voilà déjà plusieurs mois que durent les échanges. Quel bilan fait le PPA-CI de ce rendez-vous entre le gouvernement-opposition et la société civile ?

Nous n’allons pas nous prononcer sur ce qui s’est passé antérieurement. Nous, nous considérons le présent. Et c’est parce que nous avons foi en l’avenir que nous acceptons de participer à ce dialogue politique présent. Car ce qu’il s’est passé antérieurement nous a laissés sur notre faim. Le gouvernement a expressément utilisé ce dialogue politique à des fins politiciennes.

Sinon dans les attentes, dans les résultats que le dialogue a produits, nous avons été très déçus. Sur cette base, on n’aurait pu ne pas honorer le rendez-vous présent. Comme je le dis, nous sommes un peu optimistes, nous voulons miser sur l’avenir. Nous participons donc à ce dialogue et nous avons espoir sur le fait que des discussions qui ont cours actuellement vont produire quelque chose de positif pour la Côte d’Ivoire en termes de réconciliation, en termes de paix, en termes de climat et de contexte favorable à la pratique de la politique. Mais surtout d’organisation des élections. Vous savez qu’il y a actuellement des sujets de divergence, de polémique. Il s’agit des questions relatives à la libération des prisonniers politiques.

Justement, monsieur le secrétaire général du PPA-CI, ce dialogue politique se tient alors que de nombreuses personnalités politiques, militaires et civiles sont en détention ou en exil. Est-ce que ces sujets sont évoqués pendant les discussions et que retenir ?

Il y a effectivement des questions importantes qu’il faut régler, car nous estimons que si elles sont réglées, elles vont contribuer à apaiser le climat politique et elles vont contribuer à ramener la sérénité et la confiance entre les partenaires politiques. Au nombre de ces questions figurent la question des prisonniers politiques, civils et militaires qui continuent d’être gardés en détention sans qu’on en connaisse les raisons réelles. D’autant plus que le président Laurent Gbagbo, à l’époque, chef suprême des armées qui a fait l’objet d’un procès à la Cour pénale internationale et a été acquitté, libéré et rentré chez lui, vaque à ses occupations. Nous ne savons pas trop pourquoi, comment celui qui donne les ordres, comment celui qui conçoit et qui est le cerveau est blanchi tandis que les seconds couteaux vont continuer de croupir dans les prisons. Au-delà de cet aspect, nous estimons que si le gouvernement veut vraiment la paix et la réconciliation nationale, il faut que nous puissions évacuer tout ce que la crise postélectorale a entraîné comme contradiction. Et la question des prisonniers politiques, civils et militaires figure dans ce cadre. Il est temps de faire le saut qualitatif. Et pour le faire, il faut libérer tous ces prisonniers. Il y a aussi la question des exilés. Il faut leur permettre de rentrer dans la sûreté et dans la sérénité. Et que ces exilés puissent bénéficier d’une politique de réinsertion. La question se trouve aujourd’hui à ce niveau. Ces exilés reviennent au pays après dix ans, pour faire quoi et pour rester où ? Vous savez que l’insertion des exilés et des populations déplacées dans les crises internationales constitue la dernière phase qui matérialise la fin de la crise. Quand on réussit la politique de réinsertion des exilés et des déplacés, on peut signer la fin de la crise, on peut signer la fin du conflit et de la belligérance. C’est donc une phase extrêmement importante qui, si elle n’est pas bien menée, fait retomber dans la crise.

Il y a des actions du gouvernement qui ont été posées pour faciliter le retour des exilés au pays pourtant ?

Nous n’avons pas envie de rentrer dans certains détails, nous n’avons pas envie de faire des polémiques. Nous souhaitons simplement qu’une véritable politique de réinsertion soit mise en place. Prenons mon cas puisque je suis un ancien exilé. Je vous le dis, aucune mesure n’a été prise pour que nous rentrions. Nous sommes rentrés parce que nous-mêmes avons décidé de le faire. Le président Gbagbo ayant été acquitté, libéré, nous avons estimé qu’il était temps de rentrer. Ce n’est pas parce qu’il y avait des privilèges particuliers, ce n’est pas parce que tous nos droits rattachés à notre statut de réfugié ont été respectés. Non. Ce dont je suis en train de parler c’est de la réinsertion, c’est d’une véritable politique attrayante de réinsertion qui permette à ces personnes qui ont quitté leur pays pour des raisons sécuritaires, à favoriser leur retour en mettant en place une certaine politique de retour qui puisse les rassurer. Et qu’à leur retour, elles puissent vivre dans la dignité. La Côte d’Ivoire est leur pays et elle a le devoir de favoriser le retour de ses fils. Pour être plus concret, il y a le volet financier. Saviez-vous que les exilés qui rentrent ne perçoivent qu’en tout 305 000 FCFA ? Que peut-on faire après dix ans avec un tel montant ? Il serait bien pour des questions humanitaires que le gouvernement revoie à la hausse cet appui. Nous avons proposé 2 millions FCFA avec lesquels l’exilé de retour peut se louer un logement acceptable, faire un petit commerce et scolariser ses enfants. Nous disons que pour la paix, la Côte d’Ivoire doit faire des sacrifices à tous les niveaux. Il s’agit ici des questions préjudicielles qu’il faut aborder avec beaucoup de sérieux. Il y va de la crédibilité du gouvernement. En plus, il y a la question du statut d’ancien chef d’État et du respect de la loi et des règles de la démocratie.

Puisque vous évoquez la question du statut des anciens chefs d’État, qu’est-il en est de celui de l’ancien président Laurent Gbagbo qui est le leader de votre parti le PPA-CI. Est-ce que depuis son retour, il a pu rentrer en possession de ses indemnités ?

En principe, nous ne devrions pas être en train d’expliquer ou d’épiloguer sur ce sujet. C’est une disposition légale. Et la République a le devoir de respecter cette loi. Quand on est dans une République, la loi est l’autorité à laquelle tout citoyen est soumis. Que vous soyez gouvernant ou gouverné, nous sommes tous soumis à l’autorité de la loi. En Côte d’Ivoire, il y a un statut d’ancien chef d’État qui fait que l’ancien chef d’État bénéficie d’un privilège. Mais dans le cas du président Laurent Gbagbo, on lui dénie ce statut. On ne lui verse pas par exemple sa rente viagère. On ne lui verse pas ce que l’État a décidé de lui verser. Pire, son compte où est logé son salaire est bloqué. Il n’a pas la possibilité de jouir de ses propres avoirs, à plus forte raison de jouir du statut d’ancien chef d’État qu’il est.

Avez-vous cherché à savoir les raisons, si oui, qu’est-ce qui vous est donné comme réponse ?

On nous évoque une condamnation à 20 ans relativement au braquage de la BCEAO. Mais soyons sérieux dans ce pays. Est-ce que vous pensez que le président Laurent Gbagbo a braqué la BCEAO, détourné de l’argent, des milliards FCFA ? Nous pensons que quand on veut la paix, on ne doit pas entretenir de telles contrevérités.

Damana Pikass, comment voyez-vous aujourd’hui l’issue de ce dialogue politique. Est-ce qu’il y a de l’espoir pour que les fils et les filles de ce pays se réconcilient ?

Nous croyons à ce dialogue politique, car il ne faut pas désespérer des hommes. Nous croyons que dans un sursaut patriotique, dans un sursaut républicain, la raison peut habiter les gouvernants pour qu’ils nous surprennent agréablement en donnant une suite favorable à ce dialogue-ci. Si nous voulons nous baser sur la façon dont les négociations sont passées, et les décisions qui en sont sorties antérieurement, il n’y a pas de raison que nous puissions fonder un espoir sur ce dialogue politique. Nous espérons un sursaut du gouvernement pour qu’il prenne des décisions en tenant compte des véritables problèmes que posent les acteurs les plus sérieux de la scène politique. Nous sommes dans ce brin d’optimisme même s’il est très mince. Je profite pour signifier que la question des élections est très importante. Nous devons en discuter en tant qu’acteurs des règles qui vont régir le jeu électoral en Côte d’Ivoire. Il faut également que nous puissions discuter de la question de la commission électorale indépendante, il faut que nous puissions mettre sur la table la question du code électoral. Pour que pour une fois, un texte consensuel soit dégagé et soit l’émanation des discussions des différents acteurs. Dès lors, on pourra éviter les conflits post électoraux à répétition.

Entretien réalisé au téléphone par Richard Yasseu

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