Politique

Conférence à la Cathédrale – Les religieux répondent à Adjoumani : « Il vient de profaner le sacré »

Mis à jour le 4 septembre 2020
Publié le 04/09/2020 à 11:54 , , , , ,

La sortie d’Adjoumani à la Cathédrale Saint-Paul d’Abidjan Plateau a indigné de nombreux hommes de Dieu en Côte d’Ivoire. Selon eux, l’archevêque d’Abidjan n’a fait que jouer son rôle d’éveilleur de conscience dans une période sensible.

Le père N’Zebo Vincent de l’archidiocèse d’Abidjan n’a pas caché son indignation face à cette déclaration.  « « Les cadres catholiques du RHDP, » vous dites et je cite : « Que deviendrait ainsi la Côte d’Ivoire, si de hauts responsables religieux appartenant à d’autres confessions décidaient comme vous, en violation du principe de la laïcité de l’État consacré par la Constitution, de prendre la parole pour se prononcer sur des sujets électoraux ou sur d’autres candidats ? « 

« J’ose croire que vous n’êtes ni sourds ni aveugles; alors, prêtez bien attention pour écouter aussi cet Imam sur les réseaux sociaux qui ne se lasse pas d’interpeller le Président Alassane Ouattara à propos de sa candidature. Je n’ai pas encore vu les cadres musulmans du RHDP se rendre à sa mosquée pour y faire une déclaration ».

C’est en effet au nom des cadres catholiques du RHDP que Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre de l’Agriculture et du Développement durable et porte-parole de son parti s’est rendu à la Cathédrale Saint Paul d’Abidjan Plateau le mercredi 2 septembre, pour animer une conférence de presse. Selon lui, l’Église a outrepassé ses prérogatives à travers l’intervention de l’archevêque Jean-Pierre Kutwa sur la situation pré-électorale en Côte d’Ivoire. Une position qui tranche avec celle des religieux, qui estiment pour la plupart que le cardinal est bien dans ses habits.

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Selon les chrétiens, l’intervention de l’Église dans la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire n’est en aucun cas une entorse aux lois canoniques, mais plutôt l’expression de la laïcité.

Florent Pacôme Bah, pasteur et fondateur de l’École de formation sacerdotale « Mishkan », prévient sur une éventuelle sanction divine.

« Adjoumani a poussé le bouchon trop loin. Il vient de profaner le sacré. L’archevêque a fait son discours dans son cadre professionnel. Il ne l’a pas tenu au siège du RHDP, encore moins à l’Assemblée nationale. Adjoumani aurait donc dû faire pareil et se garder de violer l’espace religieux. Nous, hommes de Dieu, pouvons avertir le peuple sur les dangers à venir, au nom du fait que nous sommes le gage de la vérité, la bouche et les yeux de Dieu. Et c’est ce que le cardinal a fait. Le porte-parole du RHDP n’avait  pas le droit de forcer la porte d’un sanctuaire pour y faire un discours de réponse à l’archevêque. C’est un scandale. Une profanation qui ne restera pas impunie « .

Silence radio chez les musulmans

Sur cette sortie du ministre Adjoumani, les autorités musulmanes n’ont pas souhaité réagir. L’Imam Cissé Djiguiba, membre fondateur du forum national des confessions religieuses, joint le jeudi 3 septembre par 7info.ci « n’a pas souhaité réagir sur la question ». Même son de cloche du côté du Cosim (Conseil supérieur des imams). El Hadj Sylla Yacouba, un des responsables de l’organisation fait savoir que « le Cosim n’a produit aucun communiqué concernant la conférence de presse du porte-parole du RHDP mais se prononcera sur la situation générale en Côte d’Ivoire, le moment venu ».

Pourtant quelques jours après l’annonce de la candidature du Chef de l’État, le 7 août 2020, un Imam bien connu pour ses positions sur la politique en Côte d’Ivoire a fustigé ce rétropédalage, arguant qu’elle ferait plus de mal que de bien au peuple ivoirien. L’Imam Aguib Touré, avait même été interpellé en 2018, par les renseignements généraux ivoiriens pour avoir ouvertement porté des critiques dures contre le gouvernement eu égard aux inondations qui ont fait plusieurs morts en Côte d’Ivoire.

« Quand ils font de mauvaises choses et qu’on subit les conséquences, ce n’est pas politique ? Quand ils font des conneries et que les musulmans sont tués, ce n’est pas politique ? Lorsqu’on l’attaque et les musulmans vont le défendre, ce n’est pas politique ? Mais lorsqu’il déraille et qu’on en parle, on dit que c’est politique. Ça, c’est l’hypocrisie pure » a-t-il adressé aux porteurs de critiques contre les guides religieux qui se prononcent sur l’actualité du pays. « Mes frères et mes sœurs, soutenons notre frère lorsqu’il est dans la vérité et soutenons-le lorsqu’il est dans l’erreur… Mais comment le soutenir lorsqu’il fait de mauvaises choses : « Je dis conseillez-le » avait-il exhorté.

Pour l’heure, le troisième mandat d’Alassane Ouattara à la tête du pays, divise, mais demeure. La campagne électorale est prévue pour le 15 octobre 2020.

Eric Coulibaly 

7info

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