Côte d’Ivoire

Viande de brousse- L’Etat pour un encadrement économique de la filière, plus de 70 milliards FCFA aux acteurs non étatiques, les maladies qui menacent les consommateurs

Mis à jour le 18 septembre 2018
Publié le 18/09/2018 à 3:59 ,

Dans les assiettes des restaurants qui célèbrent la cuisine traditionnelle ivoirienne, la viande de brousse occupe une place de choix. Des ivoiriens se déplacent uniquement pour se faire plaisir avec la viande de brousse, dont la chasse est pourtant interdite.

Interdite mais pratiquée et tolérée, la chasse du gibier rapporte selon des chiffres d’une étude présentée ce jour par Pr Karim Ouattara, expert du cabinet conseils Terrabo, un « peu plus de 70 milliards FCFA l’an, engage 44 609 chasseurs au nord contre 159 303 au sud du pays et un millier de vendeuses dans les marchés. »

La restitution, dans le cadre d’un atelier portant sur le rapport d’étude sur le projet de gestion de la filière viande de brousse a rassemblé, des experts et cadres du ministère des Eaux et Forêts et du Cabinet conseils Terrabo, qui exécutait cette étude depuis 2016.

« Je pense que si le ministère a commandité cette étude, c’est pour rationaliser et gérer la filière viande de brousse de façon durable. L’organisation de la filière permettra de mettre fin au braconnage tous azimuts auquel nous assistons dans le pays. Il faut reconnaître que la faune est une ressource naturelle que l’Etat peut valoriser pour en tirer des profits. Sans l’organisation, on ne peut savoir à quel niveau il faut capter de l’argent pour l’Etat, ou même pour le privé. Il faut une organisation, qui soit mise en place, que tout le monde connaît, que tout le monde participe et que tout le monde l’applique. C’est en cela que le ministère a demandé cette étude pour qu’elle soit adoptée, cela va se faire de façon participative. Le cadre de l’étude a été validé avec tout le monde, la restitution, c’est avec tout le monde et la validation des projets qui va sortir, c’est avec tout le monde pour que chacun y trouve son compte, afin que cela soit viable et durable » a pour sa part indiqué Col Yamani Soro, Directeur Général des Eaux et Forêts.

Bien avant, Séraphin Kouamé, Directeur Général de Terrabo a relevé que « plusieurs espèces de notre faune sont menacées d’extinction. »

En 1984, selon le Col Yamani Soro, c’était déjà 65000 tonnes de viande de brousse qui était sur le marché ivoirien. De 2013 à 2015, il est fait cas de 77 545 tonnes qui rapportent aux acteurs de la filière, 70.59 milliards FCFA, soit 1.7% du PIB national ivoirien.

7174 vendeuses restauratrices commercialisent cette viande de brousse, consommée par 264000 personnes de 44 009 ménages.

Toute chose qui a fait dire au Directeur Général des Eaux et Forêts que « la viande de brousse est très appréciée des populations ivoiriennes » et reconnue que « la vraie réalité est plus alarmante » face aux chiffres recueillis lors de l’enquête de terrain.

L’Arrêté n°3 du 20 février 1974 interdit pourtant la chasse sur toute l’étendue du territoire national car, elle contribue à la disparition de certaines espèces, d’où l’idée de l’élaboration d’une stratégie durable avec cinq composantes afin d’aboutir à une « gestion durable de certaines espèces » selon Pr Karim Ouattara.

« Assurer une gestion durable de la faune sauvage en Côte d’Ivoire par une meilleure réglementation des activités de la filière » est l’objectif principal de cet atelier qui réunit d’autres ministères et des partenaires au développement. Pour les besoins, « 34 localités ont été visitées, 17 chasseurs, 164 tenancières de restaurants, 123 vendeuses » ont été interrogées sur un total de 2003 personnes.

Onze aires protégées et 142 forêts classées constituent la source d’approvisionnement des chasseurs qui évoluent dans « filière clandestine avec sept groupements d’acteurs ». 74% des restaurateurs sont au Sud contre 26% au Nord selon l’étude de Terrabo qui révèle qu’une vendeuse gagne en moyenne, 210.000 F en termes de bénéfice par mois.

« Aucune espèce n’est épargnée par la chasse et la consommation » a soutenu Pr Karim Ouattara qui met un point sur les risques sanitaires tels la maladie du charbon et l’anthrax, des « zoonoses dont la transmission est relativement facile » a précisé l’expert.

Outre le « déséquilibre de l’écosystème », Pr Karim Ouattara et ses équipes ont relevé « l’absence de décret d’application » des lois d’interdiction de la chasse et de la protection de la faune, une « absence de suivi dans la mise en œuvre de la réglementation en vigueur », « la corruption ».

C’est pour trouver des solutions durables, que « l’Etat veut maîtriser la filière viande de brousse », à travers des « projets en faveur du développement » non sans insister sur le péril de la « corruption ».

La viande brousse peut servir de « source de revenus à l’Etat par la taxation », la « valorisation du tourisme culinaire », la revente dans les grandes surfaces » a-t-il recommandé. Pour y parvenir, l’expert a insisté sur l’adoption de « nouvelles réglementations, l’actualisation des annexes à la loi sur la chasse » et recommander d’ « établir les taxes et mode de paiement, assurer la flexibilité de paiement » de cette taxe qui part de 25000 F à 50.000 F par an.

Il est aussi recommandé « l’appui de l’Etat pour la création d’associations d’acteurs » de la filière, la « transparence et la bonne gouvernance », « une fiche de transport et de traçabilité », « la mise en place d’une unité de veille sanitaire » et « un comité interministériel en charge de la mise en place de la fédération interprofessionnelle de la viande de brousse. »

Cette filière qui emploierait des jeunes et des femmes devrait pour sa mise en place, découler d’une « concertation nationale sur la filière, l’instauration d’une fiscalité attrayante, la prise en compte du secteur privé et de la société civile » en plus d’une batterie de mesures dont la réalisation concertée devrait aboutir à la satisfaction organisationnelle et financière de toutes les parties prenantes.

Le rapport sur le projet de suivi des espèces menacées d’extinction sera présenté au cours de cet atelier.

Adam’s régis SOUAGA

Source : rédaction PôleAfrique.info

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