Eclairage

Vatican: Portrait croisé : Léon XIII vs Léon XIV

Mis à jour le 9 mai 2025
Publié le 11/05/2025 à 8:00 , , , , ,

En choisissant le nom de Léon XIV, le pape Robert Francis Prevost se place dans la lignée de Léon XIII, figure emblématique du dialogue entre l’Église et la modernité.

 

Léon XIII vs Léon XIV – Deux papes, deux époques, deux défis, mais une même volonté : faire émerger l’Évangile de Jesus-Christ dans les tumultes du monde. Ce portrait croisé met en lumière les points de convergence et de divergence entre ces deux pontificats séparés par plus d’un siècle.

Les papes Léon XIV (Robert Francis Prevost) et Léon XIII ( Vincenzo Gioacchino Pecci ) conjuguent parfaitement foi, justice sociale et raison dans un monde en mutation. 

 

  1. Deux contextes historiques radicalement différents

 

Léon XIII (1878-1903) gouverne une Église affaiblie politiquement : les États pontificaux ont été supprimés en 1870, et Rome est devenue la capitale de l’Italie. L’Église catholique est alors en position de repli face aux États modernes. Le monde industriel bat son plein, le marxisme émerge, les ouvriers vivent dans une extrême précarité, et la science commence à remettre en question les certitudes religieuses.

Léon XIV (2025– ) prend la tête d’une Église mondialisée, mais fragilisée par les scandales, la sécularisation, et la crise de vocation en Occident. Il entre en fonction dans un monde technologique où l’intelligence artificielle, les inégalités numériques et la fragmentation sociale posent de nouveaux défis éthiques et pastoraux.

 

  1. Deux figures complémentaires face à la modernité

 

Léon XIII, souvent appelé le pape de la réconciliation avec la modernité, a tenté de repositionner l’Église dans le débat social, en fondant la doctrine sociale de l’Église (Rerum novarum, 1891). Il condamne les excès du capitalisme tout en rejetant le socialisme révolutionnaire. Il cherche une « troisième voie » chrétienne, basée sur la dignité humaine, le juste salaire, la justice sociale et la paix.

Léon XIV, dans ses premiers messages, semble vouloir prolonger cette dynamique dans un contexte numérique. Il s’engage pour la justice sociale à l’ère de l’intelligence artificielle, des travailleurs précarisés par l’automatisation et des sociétés de plus en plus polarisées. À l’image de Léon XIII, il pourrait devenir un pape de l’équilibre : entre innovation et tradition, entre foi et technologie.

 

  1. Deux styles différents, mais une même rigueur morale

 

Léon XIII était un homme de lettres, de diplomatie et de théologie. Érudit, polyglotte, fin stratège, il croyait au pouvoir de la raison pour construire des ponts entre l’Église et les intellectuels de son temps. Il a produit 86 encycliques, réaffirmé la pensée thomiste, et mis en avant le rôle éducatif de l’Église.

Léon XIV semble moins universitaire, mais plus pastoral, dans la lignée du pape François. Américain, missionnaire chez les Augustins, il allie une culture du terrain à une conscience aiguë des défis sociaux contemporains. Moins rhétoricien que Léon XIII, il pourrait néanmoins s’en inspirer pour redonner à l’Église un rôle actif dans les débats éthiques liés à la technologie et aux mutations du travail.

 

  1. L’universalité comme ambition commune

Léon XIII a été le premier pape moderne à penser l’Église dans sa dimension mondiale. Il a encouragé les missions, les dialogues avec les puissances étrangères, et l’universalisation des principes catholiques au-delà de l’Europe.

Léon XIV hérite d’une Église désormais pleinement mondiale, avec un centre de gravité déplacé vers le Sud global. Sa capacité à parler aux peuples du monde entier, tout en tenant compte des fractures contemporaines (écologiques, technologiques, culturelles), sera déterminante pour l’avenir du catholicisme.

 

Deux lions face au siècle

 

Léon XIII fut le lion du XIXe siècle, celui de la justice sociale naissante, du dialogue avec les Lumières et de la reconstruction doctrinale.

Léon XIV, son héritier revendiqué, s’annonce comme le lion du XXIe siècle, confronté aux mutations numériques, à l’éclatement des repères et à l’urgence de réinventer la solidarité.

 

Deux époques, deux défis, mais une même volonté : faire rugir l’Évangile dans les bruits du monde.

Tristan SAHI

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