Société

Sommés de fermer leurs commerces face au Covid-19, des propriétaires de bars et de maquis bradent l’interdit

Mis à jour le 4 avril 2020
Publié le 04/04/2020 à 11:23 , , ,

L’ouverture des bars et des maquis est interdite en Côte d’Ivoire. Ce, depuis le mardi 24 mars 2020. Cette mesure d’interdiction a été recommandée par le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, dans le but de lutter contre la propagation de la maladie du coronavirus. Alors que cette interdiction est encore en vigueur des propriétaires de bars et maquis continuent leurs activités.

7info est allée en introspection.

Carrefour Sodeci au Dokui, un lieu qui se distinguait 24 heures sur 24 avant les mesures prises par le Président de la République de fermer les maquis et les bars. Par ses nombreux espaces gastronomiques dont les bonnes odeurs du poulet et du poisson braisés ou en soupe, cet espace gastronomique ne laissait aucun passant indifférent. Cet endroit est aussi connu pour ses prostituées dociles et bon marché. Un véritable lupanar à ciel ouvert où des individus en quête de stupre pouvaient satisfaire leur désir à tout moment.

S’il est désormais difficile d’y trouver à manger depuis le discours du Président Ouattara interdisant l’ouverture des restaurants, maquis, bars et bistrots, la vente de l’alcool et la mise en vente des charmes des belles de nuit continuent en toute discrétion.

5000 FCFA la passe

Hôtel Zénith, il est 16 heures,  les prostituées sont bien en place. Il faut vite venir au  »boulot », couvre-feu oblige. Elles sont au nombre de quatre, toutes, le visage couvert de fond de teint, vêtues de minijupes ou de robes transparentes qui cachent à peine leurs dessous. Tout est réuni pour séduire les clients. Ces jeunes femmes dont l’âge varient entre 20 et 35 ans exercent ce métier libéral car elles y trouvent l’occasion de gagner leur pain. Une dizaine de minutes après, un jeune homme se dirige vers le groupe. Elles l’abordent, « Allons », femme c’est 3000 FCFA, chambre 2000 FCFA. Tout fait 5000 FCFA ». Il n’a pas le temps de faire son choix que l’une des filles l’a déjà dompté. Sans poser de question, il la suit. Les deux se dirigent à la réception de l’hôtel. Il remet un billet de 5000 FCA au réceptionniste qui lui donne sa monnaie et une clé de la chambre numéro 11.

Après une partie de jambe en l’air, les deux ‘’partenaires’’ ressortent. Dans leur causerie, le client fait savoir à la prostituée qu’il a une envie folle de boire une bière. La racoleuse explique à son ‘’homme’’ qu’elle connaît un maquis qui se trouve juste à quelques mètres de son lieu de ‘’travail’’. Elle est prête à l’y amener à condition qu’il accepte de lui offrir trois bouteilles de bière. Chose qu’il accepte.

Une fois devant la guinguette dont la porte d’entrée est fermée, la racoleuse appelle une jeune dame qui se prénomme Cynthia. Les deux se connaissent.

« On veut boire un peu, raison pour laquelle nous sommes venus ici », explique-t-elle. La serveuse ouvre la porte, demande aux deux clients de la suivre.  Lorsqu’ils entrent dans la buvette, d’autres clients y sont déjà installés. Les prix des boissons sont restés inchangés malgré la situation. On fume comme des dragons. La loi anti-tabac dans les lieux publics est partie en fumée. Fumeurs et non-fumeurs cohabitent au mieux. Nul ne peut se plaindre des volutes bleutées qui embrument l’endroit. Tous sont dans l’illégalité.

Il faut évacuer le stock

Un plus loin à Aboboté, les gérants de maquis utilisent la même astuce pour vendre leurs stocks de boissons. L’alcool ne se vend qu’aux clients sûrs pour éviter de se faire épingler par la police.

« J’avais à peine fait le plein de boissons quand le Président a pris la décision de fermer les maquis et les bars. Une commande de 150.000 FCFA. Je suis obligée de vendre pour pouvoir rembourser l’argent que je dois à mon livreur », révèle Jeanne, propriétaire d’une buvette dont les clients ont été installés à l’arrière-cour de sa maison.

A Adjamé, au quartier 220 Logements, les bars et maquis sont fermés dans cette commune. Les contrôles sont stricts. Les gérants de buvettes ont la suite dans les idées. On installe les clients dans les appartements. On s’en fiche des prescriptions du ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique. L’essentiel est de faire de l’argent à tout prix.

« C’est grâce à mon commerce que j’arrive à scolariser mes deux enfants. Si j’arrête de vendre qui va s’en occuper », questionne Nina.K. Pour cette quaternaire, le gouvernement aurait dû mettre des fonds à la disposition des populations les plus démunies.

Le constat est le même à la Terrasse. Une guinguette à ciel ouvert située à Adjamé non loin de la caserne de la gendarmerie d’Agban. La boisson ne se vend plus à la vue de tous mais à des connaissances dont on est sûr de la fidélité. Généralement des habitants du quartier. On prend sa commande et on rentre chez soi ou on prend place sous un arbre pour consommer.

Un peu plus loin de là, à Cocody, Angré-Château, la voie qui mène à nouveau au quartier fin goudron a vu ses bars fermés. Seuls les vendeurs de poulet braisé continuent leur activité. Les nombreuses buvettes ont officiellement fermé. Mais lorsqu’on manifeste le désir de boire un verre, une serveuse est prête à vous conduire dans l’intérieur d’un bar.

« Nous sommes obligés de vendre pour vivre ; si nous arrêtons nos activités, nous sommes condamnés à mourir de faim », fait savoir une serveuse qui a gardé l’anonymat.

La résistance de la population face à l’interdiction d’ouvrir les bars, les bistrots, les buvettes expose la Côte d’Ivoire au Covid-19. Il est temps pour les autorités de prendre toutes les dispositions pour faire respecter toutes les mesures prises.

Il est évident que le Président Ouattara avait vu juste lorsqu’il faisait allusion à notre plus grande menace : l’indiscipline.

Arnaud Houssou

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