Le lycée moderne 2 de Man peuplé de 5245 élèves pour 25 salles physiques souffre d’un réel déficit en salles de classes, en personnel enseignant et d’encadrement. Pour combler ce déficit, le proviseur Salif Coulibaly noue un partenariat avec un collège privé. Découvrez comment ce modèle fonctionne.
Assis à trois ou à quatre sur un banc prévu pour deux, les élèves du lycée moderne2 de Man, dans l’Ouest ivoirien, ont du mal à prendre des notes. C’est également la croix et la bannière pour les professeurs. Difficile pour eux de sillonner entre les bancs, rendant presqu’impossible le contrôle.
Ce calvaire vécu par les enseignants et les élèves est dû à un effectif pléthorique de l’établissement. Il compte 25 salles de classes sur un besoin estimé à 60. Le lycée enregistre un effectif de 5245 élèves avec au moins 100 élèves par classe.
« Dans cette classe de 2ec2 que je tiens, ils sont au nombre de 125 élèves. Vous voyez, vous-même, par manque de place, c’est sur l’estrade que certains ont mis leur table-banc. Nous faisons avec les moyens de bord et surtout par devoir de conscience. Pour les évaluations, je suis obligée de scinder la classe en deux, en laissant une partie dehors pour composer après. Toute l’année scolaire, je n’arrive pas à mettre un nom sur chaque visage », explique Chérif Awa, professeur d’Anglais.
Un partenariat public-privé exceptionnel
Pour répondre au surpeuplement, Coulibaly Salif fait preuve de d’imagination et noue un partenariat avec un collège privé. « Nous avons 5245 élèves qu’il faut caser dans 25 salles de classes physiques, là où il faut 60 classes pédagogiques. C’est vraiment difficile, dans le cadre de la double vacation avec l’insuffisance des salles de classe, ça donne des effectifs extrêmement pléthoriques. Au lycée moderne2 nous avons au moins 100 élèves par classe. Des classes n’ont pas pu avoir des salles et nous avons trouvé une autre solution », indique le chef d’établissement. Qui révèle que le lycée moderne2 fait face à un manque de 15 salles de classes.
« Pour caser les enfants, il faut au moins 40 salles de classes donc un manque de 15 salles de classes. Nous avons fait ce que nous pouvons avec un effectif de plus de 100 élèves par classe. Malgré cela, des classes sont restées sans salles. Nous avons signé un partenariat avec un établissement privé de Man, reconnu qui accueille les affectés de l’état. Cet établissement, a bien voulu nous accompagner et nos enfants y reçoivent des cours. Mais il faut dire que nous sommes regardants au niveau des infrastructures. Nous avons fait le choix sur un établissement qui a toutes les commodités avec une facile accessibilité », révèle-t-il.
Pour le chef d’établissement, cette délocalisation ne s’est pas faite au hasard. Cela a permis de régler un problème social, qui est de rapprocher l’enfant de son lieu d’habitation. Ce sont au total 156 élèves de la sixième que nous avions pu envoyer dans ce collège privé et qui sont répartis dans 4 salles.
Les élèves se disent heureux d’être dans de bonnes conditions de travail. « Je suis heureuse d’être ici. Pendant que nos amis sont assis trois ou quatre par banc, nous ici nous sommes bien assis. Les salles de classe ne sont surpeuplées et cela nous permet de bien nous sentir pour donner le meilleur de nous-même. Je suis bien à l’aise ici avec mes amis. Même si on me disait de repartir au lycée moderne, mon vrai établissement, je refuserais car ici les conditions d’études sont bien réunies », fait savoir Bamba Latige Hyllari Zéneb. Comme elle, Djénéba Bamba, se réjouit du cadre saint que leur offre l’établissement, sans oublier la bonne ambiance qui règne entre eux les élèves. Pour Doua Gogbé Dosso, professeur de lettres modernes, cette expérience est à promouvoir pour permettre aux établissements publics qui sont surpeuplés d’être décongestionnés. « Pour moi, ce genre d’expérience doit être copié un peu partout. Ces élèves qui sont venus dans cet établissement privé se comportent bien et cela encourage bien les enseignants que nous sommes à travailler avec eux », soutient-il.
La satisfaction des parents d’élèves
Des parents d’élèves que nous avons rencontrés partagent la vision du proviseur Coulibaly Salif.
« L’enseignement au vu de ce que produit ma fille comme résultat est bon et de qualité. L’accès est facile avec ce ponceau construit par le collège pour éviter que les enfants marchent dans ce basfond avec les maladies que cela pouvait bien comporter. C’est une expérience heureuse que nous partageons tous », s’exalte Bamba Lancina Hamed, parent d’élève.
A côté de cette expérience, le proviseur, essaie d’occuper sainement les apprenants. Un accent particulier est mis sur l’extra-scolaire. Au niveau sportif, l’an dernier, le lycée a glané plusieurs trophées, le classant au premier rang des meilleurs établissements dans la pratique du sport.
Au dire du proviseur, cette année en cours, les choses sont bien parties pour que son établissement récidive positivement. Ce n’est pas dans le domaine sportif que l’établissement fait des exploits. Ici des élèves profitent des heures creuses, des jours non ouvrables et des différents congés pour s’adonner à l’élevage de poulet.
« Nous avons une ferme avicole scolaire. Une initiative du ministère de l’éducation nationale dans le cadre de l’entreprenariat scolaire. Les élèves, les encadreurs, tout le monde est impliqué. Au niveau du secondaire, nous sommes le seul établissement à faire cette activité. L’extra-scolaire, nous mettons un accent particulier, là-dessus, parce que, quand vous avez tout ce monde dans votre structure et vous ne faites pas preuve d’imagination, il va s’en dire que d’autres problèmes subvenir. Il faut faire la recherche de solution et d’anticipation », explique Salif Coulibaly.
Les élèves qui participent à cette activité se disent être heureux de faire de l’élevage car cela leur ouvre des voies de recours après les études. Ils s’éloignent également de l’oisiveté en venant même pendant les congés à la ferme pour travailler.
Au lycée moderne2, même si le proviseur qui par ses prouesses se fait appeler par les siens »le magicien », apporte des solutions inespérées à certains problèmes, des cas de grossesses en milieu scolaire lui ont échappé. Pour cette année scolaire, selon le chef d’établissement, une vingtaine de cas de grossesse est déjà signalée. Des grossesses qui seraient à 80% attribuées aux élèves et 10% aux hommes de petits métiers.
En attendant de trouver une solution durable au surpeuplement des établissements scolaires publics, l’expérience du proviseur Salif Coulibaly semble être un palliatif pour permettre aux élèves dont le niveau dégringole chaque année d’étudier dans les conditions adéquates pour des résultats probants.
Jean Olivier Dan (Correspondant Ouest)
Pôleafrique.info