Côte d’Ivoire

Reportage / Ayamé, après 25 ans d’existence, l’hôpital général a besoin de soins

Mis à jour le 29 octobre 2018
Publié le 06/09/2018 à 11:00 , ,

Le 18 septembre 2018, l’hôpital général mission catholique d’Ayamé célèbre 25 ans. En un quart de siècle sans rénovation, l’établissement sanitaire  situé à 130 km d’Abidjan, au Sud-est de la Côte d’Ivoire se cherche entre vétusté, panne d’appareil et déficit de matériels. Ce, malgré l’appui de bonnes volontés. Reportage !

« Monsieur le ministre et cher aîné, l’hôpital général d’Ayamé autrefois symbole d’une santé garantie est malade. Cet établissement sanitaire offert au Dandji grâce à une collaboration de la mission catholique n’a plus fière allure. Votre nomination à la tête du département de la santé sonne comme un véritable soulagement. Le directeur général de l’hôpital le père Honoré Tanoh Kpangni votre jeune frère se bat mais ce n’est pas facile. Cher aîné comme le dit la bible, enlevez la paille qui est dans votre œil avant d’aller chez les autres. »

Ce cri de cœur, Martial.A. le publie sur sa page  Facebook, le 11 juillet 2018.

Que se passe-t-il concrètement avec cet hôpital ?  Pour en savoir davantage, le reporter de pôleafrique.info se rend sur place à Ayamé le 2 août. Ayamé est une ville située au Sud-Est de la Côte d’Ivoire. Elle est à 130 km d’Abidjan et à 20 km de la frontière du Ghana.

Le voyageur traverse la cité balnéaire de  Grand-Bassam, puis Aboisso et hop, il franchit le barrage hydroélectrique d’Ayamé. L’hôpital est situé du côté droit de la cité, juste  avant la mairie.

Une vue de matelas déchiquetés sur des lits vétustes en chambre d’hospitalisation.(photo Nesmon De Laure)

Entre panne d’appareils et insuffisances de matériels
Si dès l’entrée, l’hôpital semble présentable, ce n’est pas le cas, lorsqu’on avance au niveau des différents services.  L’internaute Martial a bien  raison de s’alarmer.  Le décor témoigne que la vieille bâtisse ne tient plus.

Quand vous entrez dans des salles de soins et d’hospitalisation, vous constatez  la moisissure qui gagne du terrain du côté du plafond.  Ceci, à cause des soucis d’étanchéité. Le revêtement du sol cède également. Les carreaux laissent place à une poussière de ciment par endroit.

Le coup de vieillesse ne concerne pas que les infrastructures de l’hôpital. Le matériel médical n’échappe pas à ce triste sort. Ce sont des matelas déchiquetés et des lits rouillés qui accueillent les malades.

Au niveau du bloc opératoire, les instruments dont se servent les chirurgiens ont besoin d’être renouvelés.Pour ne pas dire plus!

«  Aujourd’hui, toutes les toitures coulent. Selon les experts en bâtiments, il faut décoiffer pour tout refaire.  Le service fonctionne à plus de 50%. Quand il y a des moisissures, ce n’est pas intéressant pour les malades de ressortir avec des infections nosocomiales », se désole N’cho Homan Adolphe,  surveillant des unités des soins interrogé par pôleafrique.info.

Aux  inquiétudes égrenées par le surveillant général, il faut ajouter la panne de l’appareil de radiographie.

« Au laboratoire, nous ne pouvons pas faire d’examen. Or c’est avec le bilan du patient au laboratoire que le diagnostic est plus précis. Il y a deux semaines, j’ai reçu un patient. C’est seulement aujourd’hui (ndlr : 2 août) qu’il a pu venir avec le résultat de la radio. Vous voyez, c’est compliqué », est chagriné Dr Angransey Paul-Arnaud, un  médecin de l’hôpital.

Les problèmes d’étanchéité exposent aux infections nosocomiales selon les spécialistes de l’hôpital. (ph: Nesmon De Laure)

On opère à la lumière des torches de téléphone
Les deux groupes électrogènes de l’hôpital sont également en panne.  Courant juin 2018,  le gynécologue  est en pleine césarienne lorsqu’une coupure d’électricité intervient brusquement.  C’est à la lumière des téléphones portables qu’il  termine l’intervention.

  Tout en étant déterminé dans sa tâche, le médecin fait comprendre  que  la vétusté du lit est un problème.

 « La vétusté du lit est un problème, surtout lorsque nous recevons des patients qui présentent des troubles musculo-squelettiques, des problèmes lombaires. On vient à l’hôpital pour être soulagé mais avec un tel lit, ce n’est pas facile », diagnostique-t-il.

Entre panne d’appareil et insuffisance de matériels, l’hôpital d’Ayamé souffre. Les différents services se disputent le seul tensiomètre disponible.

«En principe, chaque service devrait posséder un tensiomètre mais en ce moment  la chirurgie et la médecine se partagent le même tensiomètre, ce qui cause des retards dans les consultations », indique Dr Angransey Paul-Arnaud,

Komoé Adjoua Rosine, sage-femme, en fait régulièrement les frais au niveau de la maternité.  Elle dont le service est déficitaire en terme de  boite d’accouchement et de pinces.

C’est en 1993 que le dispensaire d’alors est érigé en hôpital général.  A l’époque, c’est un joyau dans la région, vu qu’il dispose de  services essentiels. Ce sont la médecine générale, une maternité, un service de néonatalité,  de pédiatrie, un  cabinet dentaire, deux blocs opératoires, un service d’ophtalmologie, de radiologie et un laboratoire, une pharmacie. Il est doté aussi d’une ambulance.

Cependant, aujourd’hui, le taux de fréquentation chute. L’hôpital enregistre  11 303 consultations  en 2017 contre 12 750 en 2016. La population est estimée à 14 195 selon les chiffres du recensement général de la population de 2014.

« Depuis dix ans, le taux de fréquentation  diminue. A l’origine, nous étions débordés. Sur toute la ligne jusqu’à la frontière d’Abengourou, chaque village a un centre de santé dont trois sont dotés d’un médecin.  Quand le cas est grave, les malades sont adressés à Ayamé. Les infirmiers évacuent les cas d’opération chez nous. L’hôpital n’a plus fier allure et n’attire plus. Les patients préfèrent aller dans les centres périphériques », fait remarquer le père Tanoh Kpangni Honoré, directeur de l’hôpital général d’Ayamé, la mort dans l’âme.

Ce qui, pour lui, tranche avec la politique de proximité. « L’idéal est d’avoir un hôpital à côté des populations. Mais nos patients sont obligés d’aller faire des examens jusqu’à Aboisso. Nous n’avons pas d’entrées conséquentes.  Ce qui crée un retard de paiement de salaire au niveau des personnels privés (agents contractuels). Nous n’arrivons pas à avoir de l’argent ni pour les payer et ni pour faire la maintenance du matériel  », est-il désemparé.

L’hôpital d’Ayamé est un hôpital public dont la gestion est confiée à l’église catholique.  Le dispensaire qu’il était est une œuvre de la mission catholique dans les années 60. Les religieux ont bâti l’hôpital puis l’ont cédé à l’Etat ivoirien en 1993. Mais il jouit d’une autonomie de gestion.  Dans le budget prévisionnel, l’Etat devrait appuyer l’hôpital à hauteur de 40%. Dans les faits, selon le père Tanoh Kpangni Honoré, l’Etat n’arrive pas à assurer sa part entièrement.  Les  dépenses de l’hôpital s’élèvent à 200  millions de FCFA par an.

Les religieux catholiques italiens qui  aidaient à la maintenance et l’équipement se sont retirés progressivement sur dix ans. Et en  2017, ils se sont retirés définitivement. Depuis lors, l’hôpital sent le poids de leur retrait. De bonnes volontés sont appelées au secours, dont certaines répondent, à qui mieux-mieux.

Nesmon De Laure
Source: rédaction Pôleafrique.info


Le poids des années se ressent même sur le sol comme ici dans la salle d’attente. (ph: Nesmon De Laure)

Ayamé,  comment l’hôpital général survit
En attendant une thérapie de choc, l’hôpital général d’Ayamé survit par l’apport de certains cadres locaux. Ces derniers appuient de temps en temps l’hôpital selon leur possibilité. Les gestionnaires misent également sur le retour annoncé des religieux catholiques italiens.

« Ils sont en train de voir avec le ministère de la Santé comment  réécrire une convention tripartite qui engagera et le ministère de la Santé, le diocèse de Grand-Bassam et l’ONG Agenca Pavilla pour Ayamé,   parce que les italiens veulent fonctionner  maintenant par le biais de cette ONG », explique le père Tanoh Kpangni Honoré, directeur de l’hôpital général.

Si l’Etat est invité à faire sa part, les organismes qui aident en matière de santé, sont aussi priés de regarder vers Ayamé, à quelques 130 km de la capitale ivoirienne.

Nesmon De Laure
Source: Rédaction Pôleafrique.info

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