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Libre Expression / Café-Cacao: Sauver les fèves du mal …

Mis à jour le 7 février 2019
Publié le 13/04/2017 à 5:19

L’économie ivoirienne traverse actuellement une crise de sa filière café cacao. Loin de toutes spéculations liées à la particularité de cette crise, volatilisation d’un fonds de compensation dédié, nous allons nous atteler à découvrir des solutions afin de prévenir sinon mieux gérer les soubresauts à venir. Car très souvent, il faut savoir tirer les « fleurs du mal » sinon, sauver les fèves du mal.

Créé le 28 décembre 2011 par l’ordonnance N°2011-481 fixant les règles relatives à la commercialisation du café et du cacao, le Conseil de Régulation, de Stabilisation et Développement de la filière Café-Cacao en abrégé : Conseil du Café-Cacao a été créé dans le but de gérer toutes les activités liées à la gestion de la filière café-cacao. Il s’est vu ainsi assigné trois (03) missions essentielles: une mission de régulation, une mission de stabilisation et une mission de développement.
A ce titre, le Conseil du Café-Cacao est administré par un Conseil d’Administration composé de douze (12) membres nommés par décret pris en Conseil de Ministre. Le Conseil du Café-Cacao est dirigé par un Directeur Général  assisté de deux (2) Directeurs Généraux Adjoints. Rappelons que la tutelle du Conseil du Café-Cacao est assurée par le Ministère de l’Agriculture au plan technique et par le Ministère de l’Economie et Finances au plan financier. L’axe de résolution est qu’il faut plus d’autonomie, de transparence dans la gestion du Conseil du Café-Cacao ; le gouvernement doit aussi s’atteler a envoyé un signal fort aux marchés financiers.
Douze administrateurs et 65 580 milliards de F CFA …
Cela pourrait ressembler au titre d’une « Télé Novelas »  à succès, dont sont très friands les ivoiriens,  mais cela reflète hélas une réalité beaucoup plus criante et incompréhensible. Faut-il le rappeler, la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, avec 40% de part, la filière café cacao représente 40 % des recettes d’exportation et 20 % du PIB. Cela représente environ 3 769.6 Milliards de F CFA. Comment concevoir que toute cette manne financière soit gérée, administrée, par un conseil d’administration ? Cela est aberrant et relève plus d’une erreur managériale. Le Conseil café cacao est sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture et du Ministère de l’Economie et Finances. Notons que ces deux (02) ministères constituent les chevilles ouvrières, à juste titre, de l’économie ivoirienne. Ne devraient-elles pas être « déchargées » du « poids » que constitue la gestion du Conseil café cacao ? Ce conseil ne devrait – il pas être autonome ?  L’Etat semble ne pas vouloir attendre les conclusions de l’enquête d’audit pour avoir les siennes. Le fonds a bel et bien « fondu ».
Si l’organe qui gère la filière était suffisamment autonome, la crise aurait  pu être « prévenue » en temps et en heure. Le gouvernement serait donc en train d’essayer de juguler une  crise, pas en train d’essayer de l’éteindre.  C’est donc un manque de structure de « sécurité » financières et économique au sein même du Conseil café cacao. A savoir donc une direction des affaires administratives et financières  qui s’attèlera à définir et à superviser la gestion administrative (procédures, fonctionnement, affaires juridiques, …) et financière (trésorerie, contrôle de gestion, …) du Conseil. Cette direction sera donc un outil essentiel pour accompagner le Conseil dans ses choix stratégiques. Service juridique, service de contrôle et de gestion, service comptable, … ne serons pas de trop pour assister le Conseil dans la gestion de la filière.  Il s’agit donc bien là d’un problème de management relatif au manque d’autonomie propre du Fonds. Ce problème prend ses racines en la « taille » du fonds. Il s’agirait donc de faire « grandir » cette structure afin de lui donner l’autonomie, les pouvoirs et les moyens que l’on doit donner à l’une de nos principales ressources budgétaires.  L’autonomie va donc permettre d’avoir une vision antérieure et non postérieure dans la gestion d’une crise. Le Conseil café cacao doit être transformé en Ministère du Café-cacao.
Que la Lumière soit …
Soyons un peu chauvin et moins à cheval sur les convenances déjà « Ministère du Café-Cacao » ça sonne bien. Et comme toutes institutions de la République, notre  Ministère du Café-Cacao devra avoir des obligations de transparence. Transparence, le mot est lâché. Quel mot sonne le mieux avec celui de gestion que la notion de transparence. Transparence déjà au niveau du choix des dirigeants du  Ministère du Café-Cacao. En l’état actuelle, douze (12) personnes, au demeurant honorables et compétentes, sont nommées par décret présidentiel.  Nous pensons que leur nomination aurait plus de poids si nos administrateurs passaient une audition auprès de l’assemblée nationale afin de faire éclater leur honorabilité, leur compétence et leur expérience dans le domaine de gestion du café-cacao.
Pour revenir à notre projection, le Ministre du Fonds café-cacao comme n’importe quel ministre de la République devra venir défendre sa stratégie devant le parlement Ivoirien. Cela donnera une meilleure vision sur la gestion café-cacao. Et pourquoi pas même, devrait-il prêter serment de bonne gestion de la filière café-cacao devant la représentation du peuple ivoirien.  Ce Ministre sentira ainsi toute la responsabilité et l’attente entière du peuple ivoirien : la survie de notre nation.
Transparence aussi au niveau de la gestion des flux financiers du fonds. La Côte-d’Ivoire a introduit une demande de prêt supplémentaire auprès du FMI afin de pallier au manque à gagner résultant de la crise de la filière café-cacao. Même si le montant exact de ce nouveau prêt  n’a pas été relevé, il s’agit, encore serait-on tenté de dire, d’un nouvel endettement qui pèsera de tout son lourd poids sur notre économie déjà fragilisée. La Côte d’ivoire va donc s’endetter auprès du FMI pour résoudre une crise causée par le dysfonctionnement financier du fonds. Cet endettement sera supporté par les ivoiriens donc nous sommes à même de demander une plus grande transparence du Conseil. Et quelle meilleure réponse à cette lancinante obligation de transparence dans la gestion de la filière café-cacao que la transformation du Conseil café-cacao en Ministère du café-cacao.
Filière sous perfusion FMISTE …
Transformer notre café localement, transformer notre cacao localement. Il nous semble que, comme pour le sujet de la monnaie F CFA, dans notre cher pays, nous mettions toujours la charrue avant les bœufs. Et c’est l’erreur commise par le Conseil café-cacao. Il aurait dû envoyer des messages forts au marché international. Ayant, vraisemblablement et hélas pour nos finances publiques, une gestion postérieure de cette  crise, le Conseil doit maintenant rattraper son retard. L’Etat vient d’éteindre une crise à travers des décisions financières et des mesures économiques mais cela ne sera pas suffisant pour rassurer les marchés. L’un de ces messages forts consistera en l’optimisation du système de vente par anticipation de  70% de notre production cacaoyère.
Il s’agira de définir des mesures financières plus prudentes concernant les modalités pratiques de mise en œuvre du système de vente par anticipation. Toujours au niveau des signaux forts, il devrait y avoir aussi une meilleure lisibilité liée aux critères de choix des opérateurs auxquels sont concédés nos droits d’exportation plus précisément les nationaux. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Il y a-t-il des conflits d’intérêts manifestes? 
Massandjé Touré-Litsé, DG du Conseil café-cacao, a été interrogée le jeudi 02 février 2017  par la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI), a précisé que le fonds de réserve était placé sous séquestre à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).  Rappelons qu’étymologiquement, le mot « séquestre » renvoi a l’idée d’une indisponibilité momentanée, pas définitive (sic), d’un fonds jusqu’à ce qu’intervienne une transaction nécessitant son intervention. Il est impérieux que l’Etat prenne les mesures pour rassurer le marché quant à la gestion de ce fonds. Il faudra un signal politique fort en la création du Ministère du café-cacao. Comme on le dit, aux grands maux, les grands moyens.

Maxime Sako
Doctorant en Economie

 

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