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Liban- La rue fait plier l’exécutif sur la loi d’amnistie

Mis à jour le 19 novembre 2019
Publié le 19/11/2019 à 5:25 , , ,

La corruption croissante, les abus de pouvoirs répétés et l’irresponsabilité des dirigeants face à la crise économique, ont fini par déclencher la révolte populaire.

Volte-face de l’exécutif libanais ce mardi 19 novembre. Le gouvernement a cédé face à la vindicte populaire, l’accusant de vouloir absoudre des cas de corruption et d’abus de pouvoir à travers son nouveau projet de loi d’amnistie. Le report de la séance à une date ultérieure a été annoncé par Adnane Daher, en l’absence de quorum et de « conditions exceptionnelles (…), en particulier sécuritaires » a déclaré le président du Parlement. Si l’acte est perçu par certains comme une tentative d’apaiser les tensions, il ne fait qu’empirer la situation pour d’autres, car il plonge la population dans un flou total.

Après douze jours de contestations violentes à travers le pays, le Premier ministre libanais, Mohammad Safadi avait annoncé la démission de son gouvernement le 29 octobre dernier, en réponse aux contestations populaires. Cela n’a pas mis fin aux tensions pour autant.

Les revendications du peuple sont précises, c’est le départ de toute la classe politique inchangée depuis 30 ans, et la mise en place d’un gouvernement provisoire, composé de ministres indépendants des partis au pouvoir, afin d’organiser de nouvelles élections législatives.

Le pays s’est embrasé, à la suite de l’annonce de l’ajout de « quatre ou cinq » projets de lois à l’ordre du jour de la prochaine séance parlementaire par le président de la Chambre des députés, Nabih Berry. Il était ainsi prévu que les 128 députés de l’hémicycle libanais discutent aujourd’hui du « projet de loi relatif à la lutte contre la corruption, la proposition de loi sur la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes financiers, le projet de loi sur les pensions de retraite et la loi revêtue du caractère de double urgence sur l’amnistie générale » avait-t-il annoncé. Mais la rue, largement soutenue par la diaspora libanaise, en a décidé autrement.

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Argument de taille du mouvement contestataire occupant sans relâche les rues depuis plus d’un mois : la légitimité du Gouvernement. Le texte prévoit que les juges ne soient nommés par le Parlement, ce qui remet en question leur indépendance et porte atteinte à la séparation des pouvoirs, selon The Legal Agenda, organisation libanaise non-gouvernementale spécialisée dans les questions juridiques.

De plus, il semble que le Gouvernement ignore la Constitution. En son paragraphe 3 de l’Article 69, celle dispose que « Lorsque le Gouvernement démissionne ou est considéré comme démissionnaire, la Chambre des députés devient de plein droit, en session extraordinaire jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement et l’obtention de la confiance » indiquent des citoyens de la diaspora libanaise dans une pétition en ligne sur le site Mediapart.

En un mot, la Chambre des députés, bénéficie du plein des prérogatives de l’Exécutif pour le fonctionnement de l’Etat.

Ce qui signifie que la chambre des députés n’est actuellement pas légitime pour voter ce type de loi, si ce n’est en premier ressort pour accorder la confiance au nouveau gouvernement et en second lieu pour voter le budget, priorité absolue dans le cadre de la gestion immédiate de la crise politique et financière. Or, la constitution d’un gouvernement transitoire capable de gérer la crise n’a pas encore débuté.

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Aussi, il est reproché au Gouvernement de profiter de l’instabilité actuelle pour adopter une série de lois permettant d’absoudre des cas de corruption dans ses propres rangs, ou de personnes soupçonnées d’implication dans des affaires d’évasion fiscale et crimes environnementaux. Le Gouvernement prévoyait aussi le vote d’une loi d’amnistie générale dans le pays, portant sur des crimes tels que l’abus de pouvoir, l’abus de fonctions et l’abus de biens sociaux. Techniquement, cela serait possible car l’amnistie concerne tous les crimes sauf ceux nommément exclus » a assuré l’ONG à l’AFP. Cette loi représente « un grand danger » car elle inclut « les crimes des corrompus au pouvoir » prévient-t-elle.

Il semble donc qu’aucune solution politique ne soit en vue pour le moment.

Manuela Pokossy-COULIBALY

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