Côte d’Ivoire

Interview- Sérodé Gui Hervé, Député Guiglo commune, martèle « Arrêtons de caresser les meurtriers »

Mis à jour le 21 septembre 2018
Publié le 07/11/2017 à 6:25
Depuis plus de deux mois, la région du Cavally vit des moments troubles. Un conflit opposant allogènes Baoulés et autochtones Wê a conduit à 10 morts, plusieurs blessés et de nombreux disparus. Dans cet entretien, Sérodé Gui Hervé, député de Guiglo commune et président du parlementaire « Nouvelle Vision » dénonce la gestion de cette crise. Il propose aussi des solutions.
 
Honorable Sérodé Gui Hervé, votre région est secouée par une crise depuis plusieurs semaines. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce conflit ?
 
Le conflit est parti de la violation d’une propriété de l’État de Côte d’Ivoire, qui est la forêt classée du Goin-Débé, une aire protégée située à l’ouest précisément dans la région du Cavally. Des voyous se sont rendus dans les lieux depuis années. Chez le Wê une forêt classée reste une forêt classée. Malheureusement aujourd’hui ces mêmes individus ont par la force de leurs moyens, déplacé le problème vers la ville et les populations en souffrent.
 
Qu’est-ce qui coince dans la résolution de cette crise qui semble s’enliser ?
 
Effectivement les élus et cadres que nous sommes, avons fait plusieurs déplacements dans la région. Moi qui suis député de la nation et élu dans la circonscription de Guiglo commune, ce problème me tient à cœur puisque ces événements malheureux qui mettent à mal la cohésion sociale se situent plus dans le département de Guiglo. Il était donc de mon devoir de me rendre sur place plusieurs fois pour la gestion de la crise. On a fait des recommandations aux autorités compétentes, qui je pense, ont à leur tour, fait un rapport détaillé de la situation à leurs différentes hiérarchies. A une réunion au ministère de l’Intérieur, j’ai fait ces mêmes recommandations. Hélas, rien de tout ce que j’ai pu dire n’a été pris en compte. Et voilà les conséquences. Aux premières heures du conflit, j’ai dit qu’il faut des perquisitions et des arrestations. Puisqu’on parle des personnes armées jusqu’aux dents qui défient l’État de Côte d’Ivoire en tuant des fils de la Côte d’Ivoire. Nous avons épuisé toutes nos cartes de résolution de la crise. L’État doit envoyer un signal fort aux populations du Cavally en arrêtant les meurtriers et désarmer les personnes en arme. Surtout faire sortir tous ces voyous de la forêt classée du Goin-Débé. Ce sont des hors-la-loi.
 
 
Le bilan fait état de 10 morts, de nombreux blessés et des disparus. En tant que président d’un groupe parlementaire, ne jugez-vous pas nécessaire de diligenter une mission parlementaire ? 
 
Ce n’est pas faux. Il y a eu une mission de mon groupe parlementaire, avec comme chef de délégation l’honorable Kébé Mahamadou. Après, le président de l’Assemblée nationale a mis en mission des députés conduite par le vice-président Oula Privat pour venir s’enquérir de la situation. Au niveau de l’Assemblée nationale on a essayé de résoudre ce problème dans les premières heures. Il y a une demande d’enquête parlementaire sur le bureau du Président de l’Assemblée nationale. On compte aussi faire venir les émissaires du gouvernement au parlement pour nous élucider sur le fond et la gestion de cette crise qui n’arrête pas de faire des morts. Et qui malheureusement, ne voit depuis aucune arrestation.
 
L’Etat ivoirien ne jouerait-il pas réellement son rôle dans cette crise selon vous ?
 
Vous conviendrez avec moi, que 10 morts par balles, des disparus, des personnes dans le coma, des blessés par balles et par machettes, des corps retrouvés dans des endroits bien définis en présence des  forces sécuritaires, que c’est un bilan lourd. On est en droit de se poser des questions. Je ne vais plus faire de commentaire. Je ne sais pas quel est le rôle de la gendarmerie ou de la police dans une région. En définitive, il faut retenir qu’il y a un sentiment d’impunité et que les populations sont abandonnées.
 
D’aucuns pensent que les parties à ce conflit sont manipulées. Partagez-vous cette impression?
 
Il n’y a pas de groupe. Il y a des individus en arme qui traumatisent les populations. Les gens tirent les ficelles depuis le Goin-Débé. Il y a eu beaucoup de laxisme dans la gestion de cette crise. A un moment donné, il faut qu’en Côte d’Ivoire on arrête de caresser toujours les meurtriers. On est fatigué du refrain « apaisement ». Quand il y a des morts d’hommes, il faut des perquisitions et des arrestations. Les Wê et les Baoulé n’ont pas de problème. Quand j’ai pu gérer le retour des Baoulés dans la commune et que le président du Conseil régional par intérim, Sarr Bohé était à deux doigts de faire de même dans la sous- préfecture, le chef des Akan, Nanan Méa Akéssé avait appelé à des arrestations dans le Goin-Débé, précisément à Galilée, Japon, Cité et autres localités où il y a eu des tueries. Parce que cela pouvait mettre en mal les accords. Mais rien. Les gens ont refusé de nous écouter. Et deux jours avant l’entrée de nos parents Baoulés dans leurs campements de la sous- préfecture de Guiglo, une attaque des jeûnes Guéré par ces voyous Baoulés en brousse a fait capoter l’opération. La manipulation vient des fruits et activités lucratives du Goin-Débé. L’autorité c’est Dieu qui la donne. Quand l’autorité de l’État n’est pas respectée, il faut faire des enquêtes approfondies de la gestion de la crise et faire tomber les masques. C’est comme cela que nous pourrons aller à la paix dans le Cavally.
 
Fils de la région et parlementaire, que préconisez-vous pour y mettre fin?
 
A ce stade des choses, l’Exécutif doit prendre ses responsabilités. Le Premier ministre a ordonné qu’il y ait des arrestations, mais depuis sur le terrain point d’enquête, ni perquisition, ni arrestation. Les familles restent endeuillées. Il faut que le chef du gouvernement pèse de tout son poids. Sinon je préviens ici que nous allons vers un chaos à l’allure où vont les choses. Le gouvernement en conseil des ministres fait son travail. Mais la chaine derrière, c’est du pipeau. On ne voit rien venir et d’ailleurs la situation empire.
 
Jean Olivier Dan (Correspondant Ouest)
 
Source : Rédaction Poleafrique.info
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