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Guinée – La prostitution étend ses tentacules dans le milieu scolaire

Mis à jour le 13 novembre 2018
Publié le 13/11/2018 à 12:19 , ,

La prostitution, encore appelée le travail de sexe, ne cesse de prendre une proportion inquiétante dans la commune urbaine de Mamou, une ville de la Guinée. Femmes mariées, célibataires, étudiantes, voire même veuves…, elles sont nombreuses à s’adonner au plus vieux métier du monde. Lors d’une tournée dans le pays profond, notre équipe de reportage a fait une escale à Mamou, ville cosmopolite à la réputation sulfureuse, située à 266 Km de Conakry dans les plateaux de Fouta Djallon.

Il est un peu plus de 21 heures, ce samedi du 20 octobre. Au rond-point de la ville, lieu où se trouve l’ex-hôtel Luna l’un des points chauds de la localité, des demoiselles s’affairent. Elles sont à l’affût de leur premier client. Ce sont des étudiantes apprend-on auprès d’un habitué des lieux. Dans un coin de la rue, l’une d’entre elles, que nous retrouvons vers 1 heure du matin à « L’Oasis Night-Club » entre alcool et fumée chicha, discute avec un client providentiel. Quelques minutes plus tard, elle embarque dans le véhicule de ce client avec qui un accord vient semble-t-il d’être trouvé. Pour une destination plus calme. L’ex-hôtel Luna, n’offre plus depuis plusieurs années toutes les commodités. Le lieu sert de point de rencontre, où filles de joie et clients se retrouvent pour se ‘‘caler » un rendez-vous.

Une activité interdite

Dans le pays, la prostitution est interdite. Mais dans cette partie de la Guinée à dominante musulmane, cette activité qui est tout aussi mal vue, est tout de même pratiquée au vu et au su de tous. N’empêche que des cas de commission de délits consécutifs à la pratique sont régulièrement traités par les juridictions locales.

A Mamou, nombreuses sont les jeunes filles et qui se livrent à ce marché du sexe, pour des questions de subsistance. Mais il y en a qui le font, par pure vice, ayant contracté ce  »virus » par accoutumance. Leurs lieux de prédilection sont les boites de nuit, les maquis et, parfois, aux abords des grandes rues mouvementées de la ville carrefour. Ces jeunes filles et dames, puisque certaines, selon nos enquêtes sont mariées, n’attendent que le crépuscule tombe, pour s’activer.

Après « L’Oasis night-club« , nous faisons un tour au « Métro » une autre boîte de nuit. Là, même ambiance. Entre odeur d’alcool, fumée de cigarettes, les belles de nuits font le guet, à l’affût du premier venu. Une jeune fille au look extravagant nous accoste, sourire en coin. Nous échangeons quelques minutes avant de nous décider. Nous prenons place dans le bar et discutons du prix. Pour nous, il est surtout question de comprendre les motivations de cette jeune fille pour la prostitution.

 » C’est pour résoudre des problèmes temporaires que je le fais » lance-t-elle. La rentrée scolaire est proche et mes parents n’ont pas les moyens, ajoute l’interlocutrice.

Etudiantes le jour, prostituées la nuit

La prostitution permet à plusieurs d’entre elles, de venir en aide aux siens. C’est d’ailleurs pourquoi, certains parents, sachant bien que leurs filles font un travail louche, ne posent pas assez de questions à ces dernières. C’est le cas de KAD. Ex-pensionnaire d’un lycée de la Ville, elle fait savoir que « Je suis issue d’une famille pauvre, mes parents ne parviennent plus à subvenir aux besoins de la famille. C’est à travers ça que je leur viens en aide. Ils ne savent pas d’où je tire tout cet argent, mais ne me posent pas de question, vu que je leur apporte assistance », se défend l’ex-lycéenne.

« J’ai perdu ma mère à l’âge de 6 ans et après le remariage de mon père j’ai été contrainte de quitter le domicile familiale, car ma belle-mère me faisait souffrir. Je vais bien sûr à l’école, mais je suis obligé de me prostituer pour subvenir à mes besoins », renchérit une autre élève sous le couvert de l’anonymat.

Pour les femmes matures, l’absence des maris fait qu’il est difficilement vécu. Surtout en ce qui concerne leur charge et celle de leurs enfants. C’est du moins l’excuse que certaines, qui acceptent de parler, disent pour se dédouaner.

Les filles s’exposent à travers un style d’habillement extravagant qui les met à moitié nue. Ceux qu’elles réussissent à attirer et qui tombent dans leurs filets, ne déboursent pas pourtant trop d’argent pour satisfaire leur libido. A partir de 15 mille francs guinéens (environ 1000 F CFA), le client peut satisfaire son besoin.

Une situation qui n’honore pas l’image de la ville de Mamou. C’est d’ailleurs pourquoi les ONG, décideurs publics et autorités morales doivent se sentir concernés et agir en synergie pour venir à bout de ce phénomène.

En attendant, plusieurs filles sombrent dans cette pratique et ses corollaires comme la consommation de la drogue et de l’alcool.
Plusieurs ONG ont dénoncé ce fléau dont la cause, à les en croire, réside dans la démission des parents. Lors de la journée internationale de la jeune fille, l’association des parents d’élèves et amis de l’école a multiplié les activités de sensibilisation en direction de ses adhérents, les parents d’élèves, pour qu’ils soient plus vigilants sur la vie extra-scolaire de leurs enfants.

« Il y a quelques années, lorsque nous démarrions nos actions, le nombre de jeunes filles élèves qui se livraient au travail du sexe était de l’ordre de 55 par école recensées. C’est vous donner une idée de l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits de constater que ce nombre a chuté. Nous sommes autour de 10 élèves par établissement », révèle à Poleafrique.info Aguibiu Sow, président d’une ONG de promotion de la scolarisation des jeunes.

Les dignitaires religieux ne sont pas en marge de ce mouvement. Ils multiplient les sermons de sensibilisation lors des prêches ou encore rencontrent les parents lors de séances d’informations pour les sensibiliser.

Les autorités de la localité, semblent à bout de force et rejettent la responsabilité sur les parents. « Nous disposons de tous les instruments pour décourager ces candidates à la mort », admet un élu.  » Mais, soutient-il, les parents d’élèves ne nous aident pas. Car l’éducation commence dans la famille. Nous passons par les chefs religieux, les leaders d’opinion pour sensibiliser. Mais la mal persiste », confie sous le couvert de l’anonymat un administrateur.
Adam’s Régis SOUAGA
Source : rédaction Poleafrique.info

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