Côte d’Ivoire

Exclusif / Interview- Nathalie Coppéti (formatrice en permaculture et activiste en agro-écologie) : «Les fabricants de graines trafiquées sont les mêmes fabricants de médicaments »

Mis à jour le 23 février 2019
Publié le 23/02/2019 à 10:51

Formatrice en permaculture et activiste en agroécologie, Nathalie Copetti séjourne aux pieds du Mont Tonkpi depuis quelques jours à la faveur de la 6eme édition du Festival de Promotion des Activités Génératrices de Revenu ( FEPRO agr). Elle s’est prêtée au micro de PôleAfrique.info.

Qu’est-ce qui explique votre présence à Man ces jours-ci ?

Je suis venue former 50 futurs agripreneurs sur la permaculture qui  est un système qui intègre le respect de l’écosystème. De manière à leur expliquer qu’on peut cultiver et faire plein de choses sans utiliser de pesticides, ni produits chimiques. C’est important parce que nos terres diminuent, s’appauvrissent parce qu’il y a des vendeurs d’agropoisons qui sont partout. Et il faut que les gens sachent qu’on peut bien produire sans produits chimiques. Je ne donne pas que des leçons, je pratique la permaculture.

A l’issue de cette formation que vous avez animée, avez-vous le sentiment que les jeunes ont adhéré pleinement à cette idée ?

En une semaine, on a fait une formation assez pointue sur tout ce qui est permaculture. Surtout aussi, il n’y a pas que de la théorie. C’est d’expliquer aux gens que sur terre, rien ne se perd mais tout se transforme.  Et qu’on a ici des trésors, que ce soit sur les plantes, les arbres et des terrains.  Et il est important de savoir qu’avec rien on peut démarrer une activité qui va être économiquement viable, sans créer des usines. Au fait on peut s’en sortir. On a ouvert ce champ école. Les cinquante personnes qui ont été formées, ne vont pas passer au bio demain, mais je pense qu’on a atteint  80% de nos objectifs.  Il y a au moins 40 de ces jeunes qu’on a formés qui vont réfléchir différemment et qui vont comprendre que même en tant que jeune on peut être autonome sans tendre la main. On peut s’en sortir avec des idées. On a essayé de transmettre les idées de business. Nous serons pour apporter nos  conseils, notre encadrement et notre accompagnement. Il n’y a pas que le côté financier qui compte plus. On peut avoir de l’argent et se planter, mais on peut aussi réussir en démarrant sans argent.

Que pensez-vous de l’initiative de ces jeunes qui aujourd’hui sont à la 6eme édition d’un festival dédié au monde rural ?

C’est formidable de voir des jeunes prendre de telles initiatives. Il y a beaucoup de choses qui se passent à Abidjan et c’est un peu dommage. Parce qu’il faut redonner vie au monde rural de la Côte d’Ivoire. C’est en venant à la rencontre des jeunes, des communautés et de ces zones rurales qu’on va  créer tous ensemble un réseau global qui va correspondre à tout le pays. Tout se passe à Abidjan mais les terres ne sont à Abidjan. Je trouve que c’est formidable. Cela doit être reproduit plusieurs fois dans l’année et partout en Côte d’Ivoire. Chaque région a sa culture, ses us et coutumes, ses trésors et ses spécificités. Je pense qu’il est important d’aller  à la rencontre de chaque communauté pour leur dire, allons ensemble vers un avenir plus radieux, où chacun va s’épanouir parce qu’il aura son réseau, son business… Au lieu de s’enfermer  dans sa petite brousse.

Vous défendez l’agriculture bio, avez-vous foi que cette idée, sera quelque chose de partager par tous ?

Alors ! J’ai foi parce qu’on n’a pas de choix. En fait il faut essayer le but de ma venue ici. Avec Tanguy, nous sommes des activistes de l’agroécologie. Il est important d’expliquer aux gens que si nous continuons comme ça, nous allons dans le mur. Si nous n’y prenons garde, nous serons tous esclaves d’industries qui peuvent en appuyant sur n’importe quel bouton nous faire mourir de faim. C’est tout juste inadmissible. L’Afrique est et reste  le grenier du monde. Car toutes les terres des autres  continents ont été utilisées, surexploitées avec des méthodes d’agriculture intensive qui ont appauvri les sols, les gens, et même rendu les gens malades. Parce que c’est de la chimie.  Ce n’est pas anodin, ceux qui fabriquent les graines trafiquées, sont les mêmes qui font les médicaments pour vous soigner. Si le glyphosate donne le cancer, c’est par grave, il y a une industrie pharmaceutique qui va vous faire une chimiothérapie très chère. C’est juste une histoire de bons sens. Il faut sortir du cadre de ce qu’on veut nous faire avaler et il faut des gens qui militent pour dire attention, vous n’avez pas vite ouvert les yeux mais nous les avons ouverts à votre place.  Il est de notre responsabilité pour nos enfants de mener le combat. On n’a jamais vu autant d’enfants atteints de la tumeur. On n’a jamais perdu autant de jeunes amis à trente ans, morts du jour au lendemain. Pourquoi ? La mal bouffe, les enfants avec des tumeurs viennent souvent des zones contaminées par des pesticides, des zones hautement agricoles qui utilisent des produits pas trop recommandés. Il est grand temps d’ouvrir les yeux et dire stop. La terre a été faite pour s’auto-suffire. On doit faire l’agriculture en respectant la planète, en vivant avec la planète et non en allant contre elle.

Vous avez cette volonté, mais souvent le hic c’est l’apport des politiques qui ne suit pas. 

Il est important que les politiques s’en mêlent. Moi je pense qu’à l’issue du FEPRO6, on va essayer avec des partenaires de voir ce qui est faisable. Je crois bien que le politique fait de la politique. Même au niveau du ministère de l’agriculture, il n’est pas formé à la maîtrise de l’agroécologie et ce que cela peut amener. On a tendance à attaquer, je suis la première à le faire. Mais je pense qu’à un moment donné, il faut qu’on dise, asseyons-nous et discutons. Vous avez vos méthodes, on a d’autres, nous pouvons vous apporter quelque chose pour le bien de la communauté toute entière. Je me tiens prête auprès des ministères de la jeunesse et de l’agriculture. On peut échanger sur des méthodes plus douces pour le bien du pays et de la planète et des hommes.

Interview réalisée par Olivier Dan, Correspondant Ouest

 

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