Politique

Des politiciens sèment la pagaille dans la chefferie Yacouba

Mis à jour le 15 juillet 2019
Publié le 15/07/2019 à 11:19 , , , ,

Le  bicéphalisme dans la chefferie de plusieurs villages est devenu un mode de gouvernance. Dans le département de Zouan-Hounien, les sous-préfectures de Sangouiné et Podiagouiné et le canton Toura dans le département de Biankouma, connaissent des cas de bicéphalisme et des destitutions de chefs sont enregistrés. 7info.ci a sillonné quelques villages et cantons pour s’enquérir de la réalité. 

Guéï Émile, chef de village de Goba décède en 2013. Très âgé, en 2011, il demande à son fils Guéï Emmanuel de venir près de lui afin de lui léguer le pouvoir. Emmanuel Guéï assure cet intérim, étant donné que le chef a trop vieilli jusqu’à la mort de ce dernier en 2013.

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Emmanuel Guéï est confirmé dans sa fonction de chef et un arrêté préfectoral signé du préfet Soro Kayaha Jérôme lui est délivré. Il administre son village avec probité et abnégation jusqu’au jour où il apprend sa destitution non réglementaire par le député de sa circonscription.

<<J’ai été appelé par mon père quand il était dans ses vieux jours. J’ai passé deux ans auprès de lui avant sa mort. Après sa mort, le sous-préfet est venu au village pour voir si j’étais celui qui devait être le nouveau chef. Ce que le village a unanimement accepté. L’ancien maire, feu Tiémoko Prosper, a lui aussi fait le même travail. >>, explique Emmanuel Guéï.

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Contre toute attente, en 2016, le député Blon Blaise opère un vaste mouvement de destitution de chefs de village.

<<Une vingtaine de chefs de village a été débarquée par notre cher honorable. Il a avancé des raisons qui ne tiennent pas. Mon cas est le plus pathétique. Un jour, nous avons reçu une circulaire qui nous disait que les chefs des  villages communaux relèvent du maire. Ils sont venus et ils ont dit qu’ils veulent voir si j’ai la légitimité en tant que chef. Des consultations faites auprès de la population ont été en ma faveur. Le député Blon Blaise et un certain Sadia, adjoint au maire sous feu Prosper Tiémoko ont désigné le sieur Dodé Tiemoko pour un intérim d’une semaine. Un jour, le maire a convoqué tous les chefs pour leur annoncer qu’un financement a été trouvé auprès de l’Union Européenne pour les femmes. C’est à cette rencontre que nous avons appris que Dodé est le nouveau chef de village avec un arrêté préfectoral signé du préfet. Nous tombons des nues. Depuis ce jour, le village vit avec deux chefs. Ce qui joue sur le développement du village >>, reconnaît-il.

Goba n’est pas un cas isolé. Kielé, village situé à près de 20 kilomètres de Man a connu aussi des moments tristes. Chef de village depuis les années 90, Anatole Mondial, la soixantaine révolue, il y a deux ans était sous le feu des projecteurs. Un cadre de l’UDPCI et vice-président du conseil régional voulait la tête du garant de la tradition. Selon des informations en notre possession, ce cadre du parti de Mabri Toikeusse Albert, en voulait au chef sous prétexte qu’il n’est pas de son bord politique. <<Je suis chef pour tout le monde. Je ne suis pas chef d’un parti politique ou d’un groupe de cadres. Je ne vis pas non plus de miettes qui tombent de la table des cadres. Si je commets un acte ignoble, je vais assumer. Mais, venir me faire un tel honteux chantage, je dis non>>, soutient le chef du village de Kielé.

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A Biankouma, c’est tout un canton qui est ébranlé. Le canton Toura depuis  2015, a deux chefs. Cheick Amala et un autre proche du parti arc-en-ciel sont à couteaux tirés. Chacun des deux hommes se targue d’être le chef du canton Toura sous les yeux complices des autorités politiques qui en tirent grand profit. A Biankouma, le chef traditionnel dont le père a été chef de canton depuis l’ère Houphouët-Boigny, dit être le digne successeur. <<Il y a eu des consultations et tout le monde était unanime que c’est moi qui suis le chef. Certains hommes politiques ont refusé ce choix et ont demandé qu’il y ait élection. À cette élection , Il a battu à plate couture son adversaire Zoh Edmond. Là encore, ils ont trouvé que Cheick Amala est jeune et qu’il devrait être le second de celui qu’il a battu. Il a refusé. Et depuis, nous vivons avec deux chefs. Celui, imposé par les cadres de l’UDPCI, est celui qui se fait passer pour le vrai. C’est une situation honteuse que nous vivons>>, déplore un jeune cadre Toura.

A la chambre des rois et chefs traditionnels du Tonkpi, 7info.ci a reçu un accord pour échanger sur cette problématique avec des chefs mandatés par Gloudeh GUE Pascal, premier responsable de la chambre des rois et chefs traditionnels dans le Tonkpi.

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On n’élit jamais un chef de village. Selon les garants des us et coutumes Dan rencontrés, en pays Yacouba ou Dan, le chef sort d’une famille et cela se fait de façon bien ordonnée et successive selon les cas. <<Chez le peuple Yacouba que nous sommes, dans un village, il y a plusieurs quartiers composés de différentes familles. Et chaque famille et chaque quartier  a son rôle dans le village. Il y a des familles qui sont chargées uniquement de porter des masques. Certaines sont chef de terre, et d’autres auxquelles appartient la chefferie>>, explique Sahi Diomandé, chef du quartier Doyagouiné 1, membre de la cour royale. Le chef Soilio Diomandé de Dougouba 2 de Man est présent. C’est sa famille qui est chargée de diriger le village-quartier et assure que la succession se fait en interne dans la famille après le décès du chef.  <<Il n’y a pas d’élection en pays Yacouba comme mode de désignation d’un chef. Tout est tracé de façon très clair. Quand celui qui est à la tête du village en temps que chef décède, c’est dans cette famille qu’une personne est choisie pour diriger le village. Pas d’élection dans la chefferie traditionnelle. Tout ce que nous voyons maintenant, ce sont les politiciens et les cadres qui créent tout ce désordre>>, soutient le chef Soilio Diomandé.

<<Toutes ces situations créées par nos cadres sont entrain d’être réglées par la chambre des rois et chefs traditionnels. Depuis l’arrivée du Gloudeh GUE Pascal, c’est ce à quoi lui et tous les autres chefs s’attèlent. Partout où il y a ce genre de situation, nous demandons que les us et coutumes soient respectées. Le dernier cas est celui de Ziogouiné où après le décès du chef, deux personnes se battaient pour le contrôle du village. Pendant ce temps le fils du défunt chef était là dans son coin, sans se mêler à ce désordre. Au village, quand nous sommes arrivés, le roi a simplement demandé que le fils du chef remplace son père décédé. Ce que le village tout entier a accepté et séance tenante l’homme qui était au champ pendant que nous menions les pourparlers est venu s’asseoir dans la chaise royale. Nous allons mettre fin à toutes ces choses qui n’honorent pas le peuple Dan>>, martèle le chef Soilio Diomandé.

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Il a, au nom de ses pairs, adressé une mise en garde aux politiciens. <<Nous demandons aux cadres et aux jeunes qui ont pris l’habitude de s’immiscer dans l’affaire de la chefferie dans les villages d’y mettre fin. Nous savons tous comment un chef est choisi dans notre village. Nous n’allons plus accepter ces manquements. Un enfant qui veut être béni doit respecter les chefs. Quand certains cadres sont à la retraite, ils viennent au village pour dire que ce chef n’est pas intellectuel, il faut l’enlever et un désordre se crée. Plus jamais , nous ne voulons des choses pareilles dans nos villages. Nous serons très intransigeants là-dessus>>, prévient le protocole de Gloudeh GUE Pascal.

<< La tâche est certes dure mais pas impossible, si les us et coutumes sont respectées avec le modernisme qui fait perdre la tête à plus d’un>> soutient le chef de village.

Olivier Dan Correspondant Ouest

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