Un parfum de scandale sature l’air ivoirien depuis la révélation explosive par la télévision nationale d’une convention signée entre plusieurs institutions étatiques et une compagnie aérienne française.
Des avantages sociaux et tarifaires sur les billets d’avion, offerts non pas au citoyen ivoirien lambda, mais aux élites politiques et à leurs familles, pour des voyages “officiels ou privés” vers l’Occident, notamment l’Europe, voici le deal qui heurte les Ivoiriens depuis quelques jours.
Des privilèges aériens pour une élite
La convention, révélée récemment, a choqué l’opinion publique. Elle aurait été signée par cinq institutions majeures : le Sénat, l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social, l’Autorité de développement des régions côtières (ADRCI) et l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI). L’objectif ? Permettre aux membres de ces institutions, ainsi qu’à leurs proches, de voyager à moindre coût… aux frais de l’État.
Un avantage indécent dans un pays où l’écrasante majorité de la population peine à accéder aux soins de santé de base, où les hôpitaux manquent de lits, de médicaments et d’équipements essentiels, et où des milliers de familles ne peuvent même pas envisager de simples vacances à l’intérieur du pays.
“Quel foutage de gueule !” : l’indignation des médecins
Dr Osman Chérif, président de l’Association nationale des Médecins de Côte d’Ivoire, ne mâche pas ses mots :
“Quel foutage de gueule ! Quel mépris pour le peuple ivoirien ! Ce sont eux-mêmes qui prétendent avoir construit des hôpitaux modernes… mais pour leur propre santé, ils fuient en France avec femmes et enfants.”
Le médecin s’indigne du cynisme de dirigeants qui vantent des progrès dans le système de santé local, tout en choisissant eux-mêmes de se faire soigner à l’étranger. Il pointe également du doigt l’inefficacité de la Couverture Maladie Universelle (CMU), rendue obligatoire mais incapable d’offrir des services décents à ceux qui la financent.
Pendant que les dirigeants s’envolent vers Paris à prix réduits, le taux de mortalité infantile en Côte d’Ivoire reste alarmant, à 58 décès pour 1 000 naissances vivantes. Un chiffre qui témoigne de la fragilité du système de santé… que l’élite fuit.
Une “honte suprême” pour les institutions ivoiriennes
Le journaliste et analyste politique André Sylver Konan a, lui aussi, vivement dénoncé cette affaire sur les réseaux sociaux. Il parle d’une “honte suprême” :
“Honte au Sénat, honte à l’Assemblée nationale, honte au Conseil économique et social, honte à l’ADRCI, honte à l’Uvicoci ! Honte suprême à Kandia Camara qui a pris le leadership de cette action.”
Pour le journaliste, ce partenariat avec une compagnie étrangère (Corsair) est d’autant plus choquant qu’il ne profite à aucun Ivoirien ordinaire. Il note avec amertume que si ce partenariat avait été signé avec Air Côte d’Ivoire, cela aurait au moins contribué à soutenir une entreprise nationale. Mais non : même le luxe du favoritisme profite à l’extérieur.
Deux poids, deux mesuresCe scandale souligne une fois de plus la fracture entre la classe dirigeante et le peuple ivoirien. Alors que les dirigeants vivent dans un confort protégé, grâce aux deniers publics, les citoyens font face à une réalité rude : pauvreté persistante, services publics corrompus, et un sentiment grandissant d’abandon.
L’Indice de développement humain (IDH), souvent brandi par le gouvernement comme signe de progrès, devient presque une insulte lorsqu’il est utilisé pour vanter des avancées dans un pays où les dirigeants fuient leur propre système.
Eugène Tristan SAHI