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Marchés publics- Tentative de détournement de plus de 2 milliards FCFA, 7 ans de souffrance pour une facture, le secrétariat d’Etat au Budget muet

Mis à jour le 9 janvier 2019
Publié le 09/01/2019 à 11:16 , ,

Cette affaire pour la moins étonnante est celle de l’entreprise Groupement des Entreprises Ivoiriennes (GEI), qui a bénéficié d’un marché public, pour la réalisation d’un bâtiment administratif au sein de l’Université de Cocody en 2010. Depuis lors, elle peine à se faire rétribuer les travaux dont le montant a été validé par l’Etat de Côte d’Ivoire. Les faits.

2.400.000.000 FCFA. C’est la créance de l’Etat de Côte d’Ivoire envers l’entreprise GEI, spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics. Elle a obtenu un marché pour la construction de « bâtiments administratifs à usage technique », au sein de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan Cocody, comme le précise le document en possession de Poleafrique.info. 
 
Mais, depuis 2010, date de la livraison de l’ouvrage, l’entreprise n’arrive pas à entrer dans ses fonds. « Les fournisseurs acculent le patron qui a failli mourir de soucis » témoigne sous couvert un proche face à la réticence et la peur du vieil homme de s’adresser à la presse sur « recommandations de certains proches du ministre (secrétaire d’Etat Moussa Sanogo) » précise notre source. Pourtant l’Etat de Côte d’Ivoire reconnaît bien lui devoir la somme indiquée plus haut. Qu’est ce qui coince alors ? Voudrait-on de la mort du chef d’entreprise pour s’accaparer les 2.4 milliards FCFA?

 

Dans le courrier N°5392/MPMEF/CAB-2/30, datant du 3 octobre 2016, dont Pôleafrique.info a pu avoir copie, le ministère auprès du Premier ministre, chargé de l’Economie et des Finances, affirme avoir transmis le dossier à la Direction Générale du Budget et des Finances pour traitement, après validation.

« …par la présente, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que l’Inspection Générale des Finances (IFG) a traité votre dossier. Il ressort que les créances validées de votre structure ont fait l’objet d’un protocole d’accord qui a été transmis à la Direction Générale du Budget et des Finances pour traitement…» indique le document signé de l’administrateur des services financiers, Akpess Bernard Yapo.

Pourtant bien avant ce courrier, en 2014, « un arrêté portant création de destination, de ligne et transfert de crédits au titre III du budget du ministère auprès du Premier Ministre, chargé du Budget de prise en charge de la somme de 800.000.000 FCFA relative au règlement des passifs au profits de l’entreprise Groupement des Entreprises Ivoiriennes (GEI), gestion 2014 », a été signé. D’où la preuve que la somme due est disponible car inscrite au budget depuis plusieurs années. Ainsi donc depuis 2014, un montant de 800.000.000 FCFA devrait être versé à l’entreprise comme un premier acompte avant rétribution totale de la somme due. 
 
D’ailleurs, sur ce montant de 800 millions FCFA, en vrai et au réel, s’il avait été payé, seulement 600 millions FCFA devrait revenir au chef d’entreprise, 200 millions FCFA devant partir vers une autre destination.
 
Les courriers incessants et démarches entamées par l’entreprise des Groupement des Entreprises Ivoiriennes (GEI), pour le recouvrement de la totalité de la créance (2.400.000.000 FCFA), n’ont jamais abouti. Pire, aucune avance n’a encore été versée. Selon les indiscrétions, certains fonctionnaires du Secrétariat d’Etat au Budget et au portefeuille de l’Etat, exigeraient leur part du gâteau avant décaissement. Un pot de vin pour rentrer en possession du fruit de son labeur, chose contraire aux principes de bonne gouvernance prônés par le gouvernement ivoirien, qui a fait de la lutte contre la corruption une priorité.
 
A ce jeu, un des administrateurs centraux du secrétariat d’Etat aurait usé du nom du Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly pour faire pression sur le chef d’entreprise, selon un employé de l’entreprise rencontré par notre rédaction. « Il lui a fait savoir que si ce n’est pas le Président de la République, personne ne peut valider le paiement de cette créance et que d’ailleurs, le dernier mot lui reviendra » raconte notre source.
 
« Ils ont exigé au patron, aujourd’hui très malade, anxieux à chaque coup de fil des autres commerçants fournisseurs de matériels, 10% du montant de la facture. Il y a le même monsieur qui dit qu’il doit prendre 200 millions FCFA pour envoyer à un grand patron » soutient notre source. Ce grand patron dont le nom est abusivement utilisé a été saisi de la question selon un proche et il tombait des nues. Les services de la Primature également.
 
Là où depuis 6 ans, aucun accord de paiement ne figurait sur le dossier, en décembre dernier, selon notre contact au sein de l’entreprise, son patron avec la peur, refusant de donner sa version des faits, les accords  » ont été donnés pour paiement sur le budget 2019″. Entre temps, dans l’entreprise, ça broie du noir.
 
Actuellement le dossier est entre les mains d’un des collaborateurs du Secrétaire d’Etat chargé du Budget et du Portefeuille de l’Etat, Moussa Sanogo. Celui-ci est-il au parfum de l’activisme nuisible de certains de ses hommes? « Le vieux continue de recevoir des appels de leur part pour lui intimer ordre de ne plus parler de cette affaire à qui que ce soit. Ils lui disent que toute personne à qui il en parlerait l’escroquerait là où ils accepteraient volontiers ce que le patron voudrait bien leur donner » révèle notre source à GEI. 

 

Pour plus de lumière sur cette affaire, Poleafrique.info a adressé le jeudi  6 décembre dernier, un courrier au secrétariat d’Etat chargé du Budget et du portefeuille de l’Etat. Démarche, elle aussi restée sans suite malgré les nombreux appels pour suivre le courrier. Il était question de connaître les vraies raisons qui empêchent le paiement de ces passifs pourtant bien inscrits au budget depuis 2014. En tout état de cause, ce cas est similaire à bien d’autres en Côte d’Ivoire et oblige parfois certaines entreprises à déposer le bilan. La responsabilité des autorités est engagée dans ce dossier suivi par Pôleafrique.info afin de s’assurer que les appels à la création d’entreprises ne sont pas un appel au vent.

Éric Coulibaly et Adam’s Régis SOUAGA

Source: Rédaction Poleafrique.info 

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